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J. VAN REGEMORTER dont les tableaux de genre (616 et 617) sont sales de tons, mais bons de disposition; H. DILLENS qui n'a pas été aussi bien inspiré que de coutume quand il a mis la vieille chanson flamande: Des winters als het regent, en tableau; FIRMIN BOVY que le spirituel roman de Cervantes continue à bien servir; sa Visite à la bibliothèque de Don Quichotte (76), à part un faire peu soigné, renferme de fort bonnes qualités; ARTARIA de Mannheim, dont le petit tableau, Paysans se rendant à l'Eglise la nuit de Noël (Tyrol) (47), est d'un effet piquant et naïf; C. HUBNER, de Dusseldorf, qui atteste plus de talent dans L'Image du Soldat (281) pour saisir la justesse des expressions que pour faire valoir ses figures par une disposition savante de ses fonds.

Nous avons constaté l'année dernière l'excellente résolution que semblait avoir prise M. FERDINAND DE BRAEKELEER de suivre dans l'art une voie toujours ascendante. Cette voie, nous l'y retrouvons cette année, et nous l'avouons hautement, son talent a gagné encore en solidité, en maturité. Toutefois, on voudra bien nous permettre quelques réserves dans les éloges mérités que nous accordons si volontiers aux tableaux (144 à 146) qui représentent cet artiste au Salon d'Anvers. Ainsi nous ne pouvons approuver, par exemple, les airs de famille par trop prononcés qui se remarquent non seulement dans les figures de tous ses tableaux, mais encore dans toutes celles de chacun d'eux; si bien qu'on finit par se demander si par hasard M. De Braekeleer ne se borne pas à peindre uniquement des parents et leurs enfants, des frères et des sœurs; et lorsque le choix de ses sujets s'oppose formellement à cette supposition, comme c'est le cas de l'Espionne (144) et de l'Embarras du Chasseur (146), on se voit encore réduit à penser que ce sont au moins des cousins germains. Nous croyons que si M. De Brackeleer pouvait trouver des modèles à degrés de parenté moins rapprochés, ou au moins plus difficiles à constater, ses tableaux si joliment disposés, conçus avec goût et d'une couleur pleine de fraîcheur et de naïveté, - ne pourraient qu'y gagner.

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Nous voudrions pouvoir arrêter quelque temps nos lecteurs devant les tableaux de MM. CONSTANT WAUTERS et AUG. SERRURE, dont les talents en quelque sorte jumeaux, offrent à peu près les mêmes qualités et les mêmes défauts; devant ceux de M. GUFFENS, dont l'imitation d'Henri Scheffer Julie et sa mère (661) — (car enfin ce n'est pas autre chose,) renferme sûrement d'excellentes qualités de dessin et de sentiment, qui auraient dû, semble-t-il, rendre la critique moins sévère à son égard; — de M. J. SWERTS, qui a fait de sensibles progrès depuis l'an dernier. Sa Prière du matin (515) est d'un dessin délicat, quoique un peu dur, mais d'une candeur charmante. Elle n'a que le léger défaut de rappeler un peu trop, dans la pose et l'expression, la Sainte Cécile de Paul Delaroche. Son tableau d'histoire, ou plutôt de genre historique, quoique les figures soient de grandeur naturelle, Gilbert Van

Schoonbeke visité par quelques-uns de ses principaux concitoyens, leur explique le plan de la maison hydrolique (513) accuse une hardiesse, une largeur de brosse dont ses productions antérieures ne l'auraient pas fait juger susceptible. Un peu plus d'étude, de science des plans, du modelé et de la disposition des figures, de manière à éviter certaines coïncidences, certaines lignes malheureuses et ce jeune artiste prendra place parmi les bons peintres de l'école anversoise.

Un jeune homme, dont les débuts dans la peinture donnaient les plus brillantes espérances, vient de mourir. Doué d'une de ces natures impressionnables que le sentiment pathétique et l'originalité émeuvent avce une égale vivacité, M. P.-M. MOLYN était appelé sans doute à parcourir avec honneur et succès une belle carrière d'artiste, si la mort l'avait permis. Mais l'impitoyable faucheuse qui fait tomber du même coup et la fleur à peine depuis le matin éclose et l'épi déjà mûr, l'a frappé dès le début. Deux tableaux, Le jeune Collot parmi les brigands (401), vigoureuse esquisse pleine d'imagination, d'une conception aussi piquante qu'étrange de facture, et L'Attente (402), poëme du cœur, drame intime qui fait rêver et qui finit par arracher des pleurs, tant l'artiste a su y répandre de douloureuse poésie telles sont les œuvres que M. Molyn destinait au Salon d'Anvers et qu'on a bien fait d'y exposer; tels sont, et les témoignages de talent, et les gages et les garanties de souvenir parmi les hommes, que le jeune peintre leur a laissés en

mourant.

Une délicieuse composition de M. LOUIS DUVEAU, de Paris, François Flamand dans son atelier (212), mérite une mention toute particulière. Les poses sont d'une grande vérité, les enfants d'une naïveté charmante, l'artiste, plein de son sujet, travaille avec cette attention intelligente que sa pose et l'expression bien sentie de son visage témoignent avec un égal bonheur. Si n'était la couleur un peu fade et terreuse qui nuit à cette charmante création du peintre français, nous ne craindrions pas de la ranger parmi les plus piquants représentants du genre à l'Exposition de cette année.

Nous ne sachions pas que l'on puisse être à la fois plus vrai et plus faux que M. MARCEL DE PIGNEROLLE dans son charmant caprice intitulé Moretta el Bionda; (souvenir de Naples). Or, Brune et Blonde, puisqu'ainsi l'artiste les nomme, sont bien les deux Italiennes les plus vraiment italiennes qui se puissent rencontrer. C'est leur regard doux et profond; c'est leur sourire plein de finesse; c'est leur teint ardent que les feux d'un soleil méridional ont coloré des plus chaudes nuances; ce sont enfin leurs poses d'un laisser-aller rempli de naturel, où les passions les plus vives se trahissent sous les apparences de la nonchalance et même de la langueur. Mais autant l'artiste parisien a saisi, rendu avec bonheur les caractères principaux des femmes italiennes, autant il a été malheureux dans le choix de son fond. Ici l'Italie disparaît complétement, et à sa place M. de Pignerolle a imaginé quelque chose qui

ne ressemble à aucun pays du monde, si ce n'est à ce pays de convention que beaucoup de peintres, surtout de peintres d'histoire, ont eu la malencontreuse idée d'improviser dans leur atelier, sans prendre le moindre conseil de la nature, qui ne s'en venge que trop, en se retirant purement et simplement de leurs œuvres. Le fait est qu'à l'azur limpide et foncé du ciel d'Italie, à sa verdure sévère et puissante, à ses lointains chauds et délicats, l'artiste français. a substitué quelque chose de gris-noir qui a l'intention probable de simuler un paysage et qui, franchement, n'est qu'un rêve fort déplaisant.

Parmi quantité de portraits bons, médiocres et mauvais, nous devons signaler ceux tout-à-fait hors de ligne de M. JULES DE SENEZCOURT, de Bruxelles. Le pas que ce jeune artiste a franchi depuis l'an dernier est vraiment immense. Aujourd'hui il peut se croire, avec raison, à la tête de nos peintres de portraits proprement dits. On ne dispose pas mieux que lui un tableau de ce genre si ingrat et si difficile le plus souvent. Nous parlons de ses portraits d'hommes, car M. De Senezcourt n'a exposé aucun portrait de femme au Salon d'Anvers. Son effet est large et piquant, tout-à-fait rembrantesque; sa couleur austère et nature; sa touche simple, franche, moelleuse. Son portrait de M. D. (185) est, de fort loin, le meilleur du Salon; son portrait du comte de B. (187) est d'une ressemblance saisissante, et d'un accent de vie si frappant que la parole seule paraît lui manquer. — Le portrait de la princesse de L. C. par M. AUG. COOMANS (126) ; celui d'un artiste (75), composé avec goût, mais un peu plat de modelé, par M. H. BOURCE; - celui de M. S. d'un effet très-piquant mais un peu exagéré, et dont l'éclat nous semble acheté trop cher, par M. Louis Delbeke; ceux de M. E. DUJARDIN (207 à 209), assez bien disposés mais généralement froids d'exécution; ceux de M. L. MATHIEU, surtout le N° 386; enfin le charmant et gracieux portrait de petite fille, Mlle M. V. (420), par Mme Frédérique O'CONNELL, et que nous préférons de beaucoup, avec sa vigoureuse aquarelle, un Chevalier en manteau rouge (417), à tous ses autres tableaux, y compris sa Rubinesque Charité (415): — voilà, pensons-nous, ce que l'Exposition d'Anvers a de mieux à offrir à ses visiteurs, en fait de portraits.

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Les intérieurs de M. GENISSON: le Chœur de l'Abbaye de Floreffe, de l'ordre des Prémontrés (251) et l'intérieur de l'église de Sainte-Waudru à Mons (252), beaucoup plus exacts comme lignes architecturales que comme ton de couleur, méritent d'être cités avec éloge. Nous devons en dire autant de l'Entrée principale du Chœur de l'église St-Jacques à Anvers (396), de M. ANDRÉ Minguet, qui tire un parti aussi neuf que piquant de la spécialité qu'il semble avoir adoptée.

Avant de terminer par l'examen de quelqu es tableaux d'histoire, ce que nous avons encore à dire du Salon d'Anvers, allons donner un coup d'œil à la gravure et aux dessins.

A côté des belles lithographies de M. L. GHÉMAR, ce jeune artiste au talent

duquel l'Angleterre,

qui apprécie d'ailleurs comme ils le méritent bon nombre de nos dessinateurs, rend un si encourageant hommage, nous avons remarqué surtout les gravures à la fois si spirituelles et si naïves de M. JOSEPH LINNIG (360 à 363); les magnifiques gravures (374 à 376), de M. AL. MANCEAUX, de Paris, qui a également exposé un fac-simile — non moins admirable comme science des plans et finesse de contours — du portrait du Dr Ch. Philips, de Liége, dessiné par M. E. CONTURE, l'une des modernes célébrités de Paris; ainsi que les magnifiques lithographies de M. A. MOUILLERON (404 et 405), au talent si plein de verve.

M. AUG. NUMANS a envoyé des gravures fort remarquables à l'Exposition d'Anvers (412 et 413); à côté de Vues de Monuments traités avec infiniment de goût, il est une simple plante, à l'eau forte, d'une exécution on ne peut plus heureuse et qui atteste toute la souplesse de la pointe du jeune artiste. Le beau dessin d'après H. Leys, la Jeunesse de Gérard Dow (615) par M. P.-J. VAN REETH, nous promet une bonne gravure d'un excellent tableau. Malgré toute sa bonne volonté, M. BILLOIN n'est pas parvenu à faire une lithographie à effet d'après la Sécheresse en Judée (54) de M. Portaels. Chacun se rappelle apparemment ce bien triste tableau, où le directeur de l'Académie de Gand déploya tant de monotonie et de pauvreté, et que rien, pas même le crayon nerveux et correct de M. Billoin, n'a en la chance heureuse de ravi

ver encore.

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Tout en conservant notre opinion de l'année dernière sur la gravure sur bois, que nous croyons en général plus heureuse, nous dirons même plus à sa place, dans le croquis, où la fantaisie, où le caprice même dissimulent les difficultés sous les apparences d'un délicieux laisser-aller, que dans ces planches monumentales, où quittant son caractère propre, original, elle range ses tailles parfaitement alignées et symétriques à l'instar du burin, dont elle ne saurait atteindre la perfection en ce genre: nous ne pouvons nous refuser pourtant de rendre hommage au talent plein de ressources, malgré l'ingratitude de la matière, que continuent à déployer MM. HENRI et W. BROWN, dans leurs grandes et belles gravures d'après les tableaux religieux de Rubens et de Van Dyck.

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Excepté les jolies miniatures de CITTADINI (111), ce genre n'offre rien qui vaille la peine de s'y arrêter.

Les Bergers des Landes (348) de M. AD. LELEUX, de Paris. sont gouachés avec esprit; mais un ciel noir, lourd, impossible, nuit singulièrement à cette étrange pochade.

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M. TH. VALERIO, l'un des plus féconds dessinateurs de France, l'artiste au talent coquet, spirituel, facile, que son séjour en Belgique semble devoir rendre encore et plus brillant et plus solide, comme l'attestent les magnifiques aquarelles qu'il a exécutées tout récemment d'après les tableaux de nos grands maitres, et d'après nature, a exposé une très-belle collection

de dessins au Salon d'Anvers (546 à 553). Ces dessins, à l'aquarelle, appartiennent, quant aux sujets, aux nombreuses excursions de l'artiste, en France, en Italie, etc.; et le bonheur avec lequel il comprend et exprime les caractères saillants de chaque pays où son humeur voyageuse l'entraîne, et son respect pour la couleur locale, impriment à ces beaux dessins un cachet bien marqué d'originalité qui en augmente l'intérêt. Ne pouvant analyser chacune de ces aquarelles, nous n'arrêterons nos lecteurs que devant trois d'entre elles, qui nous ont surtout frappé par leur exactitude et une franchise d'exécution qui ne le cèdent peut-être qu'au sentiment grandiose et poétique dont l'artiste a su les inonder: nous voulons parler de l'Angelus, souvenir de la campagne de Rome (546), voilé de cette teinte de mélancolie rêveuse et solennelle étendue, comme un suaire, sur la campagne romaine; le Souvenir de Terracine (547), où l'on se plait à retrouver quelques-unes des qualités éminentes qui ont fait de l'illustre et infortuné Léopold Robert, l'un des plus grands peintres-poëtes de notre siècle; - enfin les Marais Pontins (551), ou plutôt un simple épisode de ces landes funestes, dont la majesté grave et saisissante a inspiré déjà plus d'un chef-d'œuvre, mais épisode qui vaut un tableau.

Jamais peut-être la sculpture, si l'on en excepte Blanchette, modèle touchant de douceur et de dévouement par M. J.-A. VAN DEN KERKHOVEN, n'a été plus médiocrement représentée qu'au Salon d'Anvers de cette année. Aussi nous abstiendrons-nous d'en parler. Ou nous nous trompons fort, ou les sculpteurs aussi bien que nos lecteurs nous sauront gré de notre silence.

Nous avons eu déjà occasion de parler ailleurs (1), à propos de l'Exposition de Malines, des tableaux de M. CH. WAUTERS, aujourd'hui exposés au Salon d'Anvers. Qu'il nous soit permis de rappeler ici ce que nous disions alors de sa toile la plus importante, Le Casino de Raphaël (674) : « Au milieu des frais bosquets de la villa, près d'un groupe de grands arbres dont la vaste ramure ombrage en partie de brillants cavaliers et de belles Romaines, l'immortel Sanzio, entouré d'une cour d'admirateurs, contemple un fragment antique chargé d'ornements en bas-relief qu'un de ses élèves vient de lui présenter. Voilà le premier plan. Sur le second, le casin (il casino); un peu plus loin, sur la droite, une partie de musique; au fond, la basilique vaticane qui dresse dans les cieux son dôme sublime; à l'horizon, les Apennins qui s'embrasent et étincellent aux rayons dorés du soleil couchant Tel est le tableau de M. Wauters. Comme éclat de lumière et de couleur, et disposition des groupes, il est digne de la réputation chaque année grandissante de son auteur. Le dessin pas plus que l'exécution ne sont encore irréprochables. » Son Pâtre (675), ou plutôt son Porcher, dans lequel chacun se plaît à reconnaître celui que la chrétienté toute entière devait quelque jour saluer du

(1) Salon belge, article Beaux-Arts, N° d'août, p. 244 et suiv.

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