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de ville: les bâtisses; Landser dans tout ce qui appartient plutôt au paysage: les terrasses, les broussailles, etc. Ainsi, à l'exemple du premier, M. Roberts procède en général par teintes plattes, par dessus lesquelles il crayonne au pinceau, avec infiniment d'esprit et de hardiesse, toutes les lignes de l'architecture; comme le second, il empâte assez vigoureusement d'abord, et avec un grand laisser-aller de brosse, les terrains, les plantes, etc.; puis au moyen de nombreux glacis il en modifie les tons et les pousse à leur vigueur. Cette manière toute vénitienne de traiter la partie architecturale de ses œuvres, et qui fut également pratiquée avec succès dans ces derniers temps par ce malheureux Caffi, qui, entraîné par sa haine contre les Tedeschi, s'enrôla dans la légion des volontaires romains et s'alla faire tuer par les Autrichiens, cette manière, disons-nous, apparaît surtout, avec toute la flexibilité, toute l'abondance de ses ressources, dans une autre toile de M. Roberts, un vaste et magnifique intérieur de la cathédrale de Grenade, que ce grand artiste s'est contenté d'intituler simplement: Tombeau du Roi Ferdinand et de la Reine Isabelle, à Grenade (458). Sans rien exagérer, ni dans les lumières, ni daus les ombres; très-ménager des richesses de sa palette; passant sans brusquerie et par une dégradation soutenue de l'une à l'autre extrémité de la gamme des vigueurs, sans chercher dans l'opposition immédiate et violente des tons lumineux et obscurs un éclat et une magie d'effet qu'il semble atteindre sans effort: M. Roberts semble avoir voulu donner dans cette toile si imposante et si sage, la mesure d'un talent aussi sérieux, qu'élégant et original.

Une délicieuse pochade, Une rue en Hollande (655), de M. S.-L. Verveer, de La Haye, un peu maniérée peut-être dans certaines parties, les arbres par exemple, mais pittoresque, piquante, délicate et vigoureuse de ton, surtout dans les ombres; une vue fort curieuse de Bacharach, sur les bords une Vue prise au pont de St-Jean Nepomucène à Bruges (425), par JUSTIN OUVRIE, de Paris, qui nous avait habitué à des œuvres plus consciencieuses et plus complètes: voilà ce que l'étranger nous a envoyé de principal en ce genre.

du Rhin (449), par M. G. PULIAN, de Dusseldorf;

Parmi nos compatriotes qui peignent la vue de ville et qui ont exposé à Anvers, nous devons citer surtout: M. J. VERMEERSCH, de Gand, actuellement à Munich, dont le tableau, Il ponte Piétro à Vérone (649) unit à un grand respect pour la couleur locale, une vérité de jour remarquable, une vigueur de tons toute flamande; le ciel manque de limpidité et de franchise; le soleil qui dore les bâtisses à droite pourra même passer à la rigueur pour un peu trop orangé, mais en somme, c'est une œuvre fort remarquable à plus d'un égard; M. VAN MOER, qui a su imprimer à ses deux vues de Paris: Les quais de la Seine près de la porte d'Orsay (609), et le quai St-Bernard (610), un cachet de vérité tout-à-fait saillant et dont il a puisé le secret dans son exactitude à suivre la nature, soit dans sa forme, soit dans sa couleur; nous som

mes heureux de n'avoir plus à constater aujourd'hui dans l'exécution de ce jeune artiste de tant d'avenir, comme il y a quelques mois, à propos de l'exposition de Malines, un mépris par trop souverain des procédés pratiques; M. F. BOULANGER, de Gand, dont le charmant petit tableau, Vue de la tour d'Albanes à Amsterdam (71), si fin, si délicat, si vaporeux, nous a fait regretter de trouver sous le nom du même artiste une Vue prise près de Scheveningue (70), peu vraie de ton, assez lourde de touche, tout-à-fait opposée en un mot à la manière généralement suave de l'artiste gantois; -M. E. SANO, dont les deux tableaux, Vue du port de St-Valery-sur-Somme (474), et Intérieur de ville, effet de lune (475), sont assez vraies de jour, très-piquants d'effet, mais d'un romantisme d'exécution qui leur donne passablement l'apparence de simples esquisses; M. J. RUYTEN qui promettait beaucoup à notre salon de Bruxelles de l'année dernière, et qui tient assez mal ses promesses à l'exposition d'Anvers; ni son Embarcadère (471), ni son Marchand de Statuettes, malgré d'incontestables qualités de disposition et surtout de facilité de faire, facilité qui nuit d'ailleurs au talent de M. Ruyten encore plus qu'elle ne le sert, parce qu'elle l'empêche de se mûrir par la méditation et par l'étude, aucun de ces deux tableaux, disons-nous, n'est à la hauteur, comme vérité de jour, comme naïveté d'observation de la nature, comme soin d'exécution, de son Charlatan et de cette Terrasse du Château que tout le monde admira l'an dernier. Nous espérons que M. Ruyten, en qui nous trouvons d'ailleurs l'étoffe d'un excellent artiste s'il veut faire usage des éléments de talents que ses œuvres attestent, ne nous saura point mauvais gré de notre franchise. Nous l'avons loué autrefois comme nous le critiquons aujourd'hui dans toute l'intégrité de nos convictions sans autre motif que de lui être utile à lui-même, tout en nous efforçant d'éclairer l'opinion publique dans la mesure de nos moyens.

C'est un tableau original qui ne manque ni de piquant, ni de vérité que celui de M. L. DE MARTELAERE, de Gand, Vue prise dans les ruines de l'Abbaye de St-Bavon, à la Vieille Citadelle de Gand. On y remarque surtout une grande naïveté de soleil, et quelques tons d'ombre d'une bonne opposition. Seulement la facture de ce tableau souffrirait un peu plus de fermeté, une touche plus franche et plus fixe surtout dans les ombres. Il y aussi une certaine monotonie et dans la couleur et dans la disposition de ces longues herbes toutes uniformement couchées du même côté. Ce dernier accident peut s'expliquer à la rigueur par la violence du vent; mais quant à la couleur, nous pensons que quelques tons grisâtres, quelques reflets du ciel adroitement distribués, enlèveraient aisément à ces herbages leur crudité et leur donneraient un air de nature qui leur manque à présent.

M. VAN SCHENDEL se présente au Salon d'Anvers sous tant de formes diversse, là peintre d'histoire, ici peintre de vue de ville, plus loin paysagiste, qu'on ne sait vraiment dans quelle catégorie d'artistes il faut le placer.

Cependant puisque nous ne lui trouvons une véritable et incontestable supériorité que dans la Vue de Ville, nous dirons ici quelques mots de ses œuvres. Nous l'avouerons sans détour, nous déplorons plus que nous ne comprenons la fatalité qui pousse cet artiste à faire de la peinture historique, en dépit de la nature de son talent qui s'y refuse obstinément. M. Van Schendel a eu beau donner à la lumière artificielle dont il éclaire cette scène biblique, Assuérus ordonnant à Aman d'honorer le juif Mardochée (622), une grande vérité physique basée sur une observation savante et minutieuse de la composition chromatique des rayons lumineux, il ne saurait racheter par cette qualité un dessin rond, mou, sans caractères, une touche mesquine dont la minutie ne choque pas toujours dans un tableau de genre, où la petitesse des objets réclame une certaine finesse de pinceau, mais ne saurait produire un bon effet appliqué à des figures de grandeur naturelle. Ce n'est pas non plus dans le paysage que brille dans toute sa plénitude le talent de M. Van Schendel. C'est dans la vue de ville qu'il doit être étudié, qu'il doit être admiré; parce que c'est là qu'il se déploie vraiment supérieur, et sans rival sérieux parmi les contemporains, grâce à cette magie d'effet dont il a le secret. Jamais peut-être M. Van Schendel n'a résolu avec plus de bonheur que dans sa Vue de ville hollandaise (623) le problème si difficile de mettre en présence, sans que cette rivalité leur nuise, les lueurs pâles et bleuâtre de la lune, les vives et brillantes clartés de la lumière artificielle ; jamais surtout il n'a donné un caractère plus agréable à ses figures. A l'exception de la jeune femme qui s'avance vers le marchand de poissons, celles-ci n'ont presque rien conservé de cette lourdeur de formes qui nuisait d'habitude à l'ensemble des œuvres de l'artiste hollandais, et empêchait même de jouir pleinement de la perfection des autres parties de ses tableaux.

Si nous en exceptons MM. CHARETTE-DUVAL, H. ROBBE, et FR. HUYGENS, les fleurs et les fruits ne sont guères représentés au Salon d'Anvers que par M. ROBIE, dont le choix neuf et original de ses sujets, l'élégance, le bon goût de ses compositions, l'éclat de sa couleur, la richesse de ses tons, l'énergie et la finesse de sa touche, nous inspirent chaque année une plus profonde antipathie pour ces tableaux dénués de toute espèce d'imagination, pour ces hideux pots de fleurs, pour ces tristes corbeilles de fruits s'étalant insipidement sur un fond tout uniment gris ou brun. Il serait difficile d'imaginer une disposition plus piquante, une couleur plus brillante que celles du tableau de M. Robie, intitulé Des Raisins (459). Malheureusement nous y avons constaté, et certes bien à regret, quelques tons d'un éclat trop mat, quelques oppositions peu vraies très-en usage dans la peinture à la colle et qui paraissent faire viser au décor cette page, d'ailleurs si belle. Le fragment de frise, dont les figures en bas-relief s'harmonisent si heureusement avec les pampres de ces deux vignes qui grimpent en s'entrelaçant, avec ces grappes juteuses et veloutées, est d'une exécution parfaite. Les feuilles de

murier à gauche sont magnifiques; les feuilles de vigne à travers lesquelles on voit transparer le soleil sont d'un éclat merveilleux, et la grappe de raisin détachée et à demi desséchée qui repose sur ce morceau de corniche renversée est d'un accent de vérité qu'on ne peut se lasser d'admirer.

M. Charette Duval est entré dans une voie où il peut être sûr de rencontrer des sympathies sincères et des encouragements légitimes. Lui aussi veut bien se donner la peine de faire quelque dépense d'imagination dans la composition de ses tableaux de fleurs; lui aussi a compris que pour éveiller une pensée ou un sentiment dans l'esprit ou le cœur du spectateur, — seul moyen de plaire toujours et d'attacher en intéressant, il fallait que le peintre lui-même fit présider une pensée ou un sentiment à la composition de son œuvre; que sans cette condition essentielle les arts d'imitation, n'étant plus qu'une reproduction plus ou moins fidèle mais purement mécanique de la nature, descendent de leur véritable hauteur au niveau de simples industries, et que l'adresse ou la patience de l'ouvrier se substitue au génie de l'artiste. C'est sous l'empire de ces réflexions aussi simples que justes, pourtant trop souvent étrangères, semble-t-il, à bien des gens qui font des tableaux et des statues, voire même des palais et des églises avec un peu moins d'intelligence des premières conditions d'une œuvre d'art, qu'un menuisier n'en montre, dans la sphère de son métier, en rabotant ses planches; c'est sous l'empire de ces réflexions, disons-nous, que M. Charette Duval a conçu sans doute et exécuté son charmant tableau, Le Mois de Marie (110), l'un des meilleurs dans son genre du Salon d'Anvers, et auquel cependant la commission de placement a cru de sa dignité de devoir refuser, nous ne disons pas une bonne place, car celles-là ne sont pas faites pour tout le C'est une

monde, mais seulement une place à peu près convenable.

et

charmante idée que celle du tableau de M. Charette Duval. Un magnifique bouquet, au milieu duquel on se plait à voir s'épanouir de fraîches et pures roses blanches, vient d'être déposé au pied d'une statue de la Madone, qu'un rayon de soleil et une ombre portée pleine de chauds reflets, nuancent des tons les plus délicats et les plus vrais. Une guirlande de fleurs des champs, des coquelicots aux frêles pétales, des bluets mêlés à des épis de froment, riche et brillant tribut des campagnes, étale avec une simplicité charmante leurs grâces agrestes et leur luxe solide à côté des trésors les plus splendides et les plus rares du jardin et de la serre. Un élégant livre d'heures aux vives enluminures, semblable à ceux dont faisaient usage, à une époque moins indifférente et plus artistique que la nôtre, les belles châtelaines et les nobles damoiselles, est là, entr'ouvert, à demi caché sous les fleurs; on y peut lire ces paroles de l'Ange qui salua Marie dans son humble demeure de Nazareth, et que toutes les générations des hommes ont répétées depuis avec respect, avec bonheur. Certes, voilà une pensée du moins, et une pensée pleine de charme, qui élève le cœur et lui fait du bien. Ne dirait-on pas une de ces

heureuses inspirations si familières aux pieux artistes du moyen âge; un de ces élans de l'âme que les anges recueillent pour en parfumer leurs encensoirs d'or; ou plutôt une prière perpétuelle qui monte, sans cesse mêlée aux suaves senteurs de ces fleurs fraîches écloses, vers la Vierge immaculée, pour réjouir le Ciel et consoler la terre?

Ce n'est pas une chose plus facile sans doute de donner de l'intérêt à un tableau d'animaux qu'à un tableau de fleurs ou de fruits. Aussi n'est-ce point sans une vive satisfaction que nous avons rencontré chez nos peintres d'animaux, au Salon de cette année, autant de goût que de talent, et cela dans un genre dont les exigences paraissent d'autant plus nombreuses que ses ressources sont plus restreintes, et il faut le dire, souvent ses résultats plus médiocres. Sans parler même de l'idée, du choix du sujet qui seul peut donner de l'intérêt à de semblables tableaux, que de connaissances ceux-ci ne supposent-ils pas chez l'artiste qui pratique ce genre avec quelque distinction? A l'étude des lois générales de la nature et de l'art, étude et lois communes dans toutes les branches de la peinture, viennent s'ajouter, pour le peintre d'animaux, des connaissances anatomiques toujours longues et difficiles à acquérir; la nécessité de surprendre comme à la dérobée les mœurs, les habitudes, de saisir en quelque sorte au vol les mouvements si variés, si souples, si imprévus, si fugitifs de ces modèles, qui ne posent pas, ou qui posent mal; et comme si tout cela ne suffisait pas à sa tâche, il lui faut encore posséder la science des fonds, soit comme paysagiste, soit comme peintre d'intérieurs.

Sans doute, toutes ces conditions se trouvent rarement réunies, surtout à un degré également éminent, chez le même artiste, mais puisqu'il est aisé de les constater dans les œuvres de MM. Verboekhoven, Stevens, Ed. Tschaggeny, Verlat et quelques autres, c'est pour nous mieux qu'un devoir de critique à remplir, c'est un véritable bonheur que de le faire.

Nous avons dit l'an dernier combien nous préférions en général les petits tableaux de M. EUG. VERBOEKHOVEN, à ses pages monumentales; et cela par la raison bien simple qu'outre un effet presque toujours plus solide et plus piquant dans ses délicieuses miniatures, cet artiste y brille par une finesse de touche, par une délicatesse de pinceau qui risque toujours de dégénérer en monotonie et en sécheresse dans un grand tableau. Aussi quels que soient les éloges que l'on ait prodigués à ce Portrait d'un Chien Lévrier (637) que M. Verboekhoven a envoyé à Anvers, nous avouerons que tout en rendant pleinement justice aux qualités sérieuses et scientifiques de cette œuvre, son exécution nous a semblé trop froide pour exciter chez nous le même enthousiasme.

Parlez-nous plutôt de ce Temps de Chien (508) de JOSEPH STEVENS, ce peintre philosophe, parfois bien un peu philosophe cynique peut-être, comme le disait quelqu'un l'autre jour, en jouant spirituellement sur les mots : voilà

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