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il n'y a pas un seul principe. Tournez vous au contraire vers la notion de l'homme déchu et du divin qu'elle comporte, vers celle que la philosophie la plus avancée regarde comme la plus satisfaisante, vous avez tout à coup un principe qui domine tous les principes connus. Qu'y a-t-il en effet qui surpasse le divin dont nous parlent MM. Vacherot et Jules Simon?

La philosophie et le Catholicisme prennent donc un avantage infini sur la minorité lettrée.

Aujourd'hui, sans doute, à la suite de certains précédents, il y a des préventions qui sont devenues une seconde nature pour certains esprits. Il y a dans ceux-ci à l'égard du Catholicisme une aversion qui a quelque analogie avec l'hydrophobie. Mais nul n'a le droit de hair pour haïr; nul n'a le droit de juger, de condamner sans raisonner, surtout dans un siècle qui se dit et se croit philosophe.

Or, admet-on, oui ou non, que, pour avoir des principes en rapport avec l'homme, il faut connaitre l'homme? Nous ne pensons pas qu'il soit possible de le nier.

Eh bien, contrairement aux cris, aux calculs, à l'esprit de tout le dixhuitième siècle, la science la plus avancée, la philosophie la plus impartiale de notre temps dit et répète que la doctrine qui a le mieux connu l'homme, c'est le Catholicisme. Il n'y a donc que le Catholicisme qui puisse donner un principe ou des principes à l'homme. Ceci est un fait aussi certain, aussi évident qu'un corollaire de géométrie.

Admet-on ensuite que les principes soient dans les vulgarités de l'existence intellectuelle, ou à une certaine hauteur? Nous défions qu'on réponde autrement que nous. Sans contredit, les principes sont à une certaine hauteur. Mais le divin catholique est au sommet de toutes les hauteurs, quelles qu'elles soient. Le divin catholique est donc le principe des principes. Pour Cicéron en effet, pour Platon, pour tous les plus grands philosophes, le principe, un principe était ce qui n'avait rien d'antérieur à lui; c'était Dieu. Mais le divin catholique est infiniment supérieur au Dieu cicéronien, au Dieu platonicien, au Dieu de tous les penseurs connus et à connaître. Le divin catholique reste donc le principe par excellence; et il n'y a pas de raisonnement, pas de raison qui puisse prévaloir contre lui.

FRATERNITÉ. ÉGALITÉ.

La minorité lettrée invoque ensuite la fraternité, l'égalité; et, comme nous l'avons vu, elle ne tient encore ici que des mots, quand elle croit tenir des

idées, des réalités. Le Catholicisme n'a qu'à paraître; et aussitôt la fraternité, l'égalité deviennent des vérités positives, des vérités indestructibles. Étant admis en effet que Dieu est créateur, providentiel, père des hommes, comme le dit M. Saisset, il est certain que tous les hommes sont déjà frères, sont égaux. Étant admis en outre un Dieu Rédempteur, un Dieu auxiliaire de tous les hommes, on comprend que la fraternité, l'égalité se fortifient aussitôt d'une force infinie.

La minorité lettrée préfère sa fraternité, son égalité qui n'obligent à rien, à la fraternité, à l'égalité catholiques qui obligent toujours, cela se conçoit. Mais on voit facilement les abîmes qui séparent les unes des autres. La fraternité, l'égalité n'ont par elles-mêmes aucune valeur dans la minorité lettrée. Dans l'esprit catholique, elles tiennent à la nature même du Dieu Père, du Dieu Fils, du Dieu St-Esprit; elles tiennent à la nature humaine. Qui pourrait hésiter entre ces fraternités, ces égalités si mensongères, d'un côté; si vraies de l'autre ?

ᏞᏞᏴᎬᎡᎢᎬ .

Dans la minorité lettrée, la liberté n'est au fond que la tyrannie, le despotisme d'une oligarchie caché derrière de grands mots ou des fictions.

Qu'est-ce que la liberté, d'après la véritable notion de l'homme et de Dieu, d'après l'esprit catholique?

D'après l'esprit catholique, la liberté est la faculté pour chacun de se développer dans toutes ses puissances, conformément à l'ordre.

Ici par conséquent, il n'y a plus d'individus destinés par leur nature à connaître, à sentir, à vouloir ou à agir par la connaissance, le sentiment, la volonté des autres. En d'autres termes, il n'y a plus d'esclaves, plus d'Helotes. Tous les hommes sont égaux : tous relèvent également d'une loi, d'une seule et même loi.

La liberté est donc infiniment plus certaine avec la loi catholique, qu'avec des caprices individuels.

Mais, dit-on, on n'accepte point cette loi. Soit: mais vaut-il mieux se livrer à des hommes qu'à cette loi? A quels hommes vous livrerez-vous? Est-ce à des tribuns? Quelle garantie positive vous donnent-ils ? Est-ce à toutes les nuances plus ou moins distinctes d'opposition? Où est le programme de chacune de ces nuances? En quoi le programme de l'une diffèret-il de celui de l'autre? Comment suis-je mathématiquement certain d'être plus libre avec celle-ci qu'avec celle-là? Comment suis-je certain de n'être

pas opprimé? Est-ce qu'il est plus facile de pratiquer la liberté, que l'égalité, la fraternité à l'égard des autres? Est-ce que l'orgueil n'est pas toujours là, d'autant plus impérieux qu'on monte davantage?

La meilleure sauvegarde de la liberté reste donc la loi, et non pas un homme ni des hommes, quels qu'ils soient.

Les idées du paganisme ont pris un tel empire sur nous que la liberté ne se présente à nos esprits que sous la figure des démagogues d'Athènes ou des tribuns de Rome, ou sous la figure de Constitutions plus ou moins démocratiques; mais ce n'est pas là qu'est la liberté. Encore une fois, les démagogues d'Athènes comme ceux de Rome n'auraient jamais souffert qu'un esclave leur disputât le pouvoir à leur point de vue, toute la politique moderne devrait n'appartenir exclusivement qu'à l'aristocratie ou à la propriété. La maxime de l'ancien monde était que celui qui n'avait rien, n'avait droit à rien. La liberté n'est donc pas ailleurs que dans la doctrine qui a déclaré tous les hommes frères; et il est monstrueux de parler sans cesse d'une liberté qui n'était au fond que l'oppression de toutes les classes pauvres, quand on peut avoir une liberté complète pour tous, en se rangeant à la doctrine catholique.

Mais, dit-on, la doctrine catholique parle de l'homme déchu, de l'homme qui doit se réparer, et par conséquent se concilie avec toutes les humiliations que la tyrannie même la plus effroyable peut engendrer. Là est la thèse de Rousseau dans un de ses ouvrages. Mais dans l'esprit catholique, l'homme, est-il, oui ou non, le frère et l'égal de l'homme? Dans l'esprit catholique, l'homme n'est-il pas le fils de Dieu? N'a-t-il pas mérité que Dieu lui-même le rachetât?

Qu'on ne parle douc pas de chute, de déchéance, pour justifier ou pour appeler la tyrannie Catholicisme et tyrannie sont deux mots, deux pensées, deux entités qui se repoussent dans la vie sociale, comme se repoussent le bien et le mal.

La liberté, au nom de la notion de l'homme, au nom de l'esprit catholique, est donc supérieure à celle de la minorité lettrée, de toute la hauteur qui sépare la civilisation européenne de civilisations ensevelies déjà depuis plus de vingt siècles: elle lui est préférable, de toute la distance qui sépare un principe inépuisable par sa fécondité, d'un fait brutal qui n'amène jamais avec lui que des agitations stériles ou sanglantes.

SOLIDARITÉ D'EXISTENCES ET DE RACES.

Chez les démocrates actuels, chez ceux qui se disent volontiers la partie

la plus avancée de la minorité lettrée, la solidarité d'existences et de races n'est qu'une chimère, en théorie; elle n'est que l'extermination de toute l'humanité, dans la pratique.

Dans le Catholicisme, tous les hommes sont non seulement les enfants d'un même Père qui est Dieu, les descendants d'un même homme, Adam; ils sont encore les membres d'un seul et même corps; et ce corps, c'est J.-C. Ils sont tous soumis à cette maxime : « Fais à autrui ce que tu voudrais qu'il te fût fait. » Est-ce qu'il est possible de mieux lier l'homme à l'homme ? Est-ce qu'il est possible de le rendre plus solidaire de son semblable? L'esprit catholique va si loin qu'il assimile la soustraction du salaire de l'ouvrier à l'homicide volontaire, à l'impureté contre nature, à l'oppression des pauvres, des veuves; qu'il appelle ces fautes des pêchés qui crient vengeance au Ciel. Est-ce qu'il est possible d'être plus prévoyant, de plus exiger, en restant dans la sphère d'où ne doivent jamais sortir les doctrines?

Mais disent les socialistes, les démocrates qui se jugent les plus capables de la minorité lettrée, on ne fait pas ce que commande le Catholicisme. Chacun reste égoïste; chacun reste fier; chacun préfère l'injustice à la justice. Mais pensez-vous qu'il en soit de la justice divine comme de la justice humaine? Pensez-vous qu'elle ne sait pas, elle, atteindre tôt ou tard les égoïstes, les orgueilleux et les lâches qui préfèrent le crime à la vertu? D'ailleurs, si l'on reste rebelle à la voix de la doctrine qui connaît le mieux l'homme et Dieu, pensez-vous qu'on vous écoutera davantage, vous qui ne connaissez ni l'un ni l'autre; vous, qui ne vous doutez pas même de la nécessité de les connaître; vous qui êtes nés d'hier, nés d'aujourd'hui; vous qui n'avez d'autre originalité que de mal copier le Catholicisme; de le copier sans le comprendre; de le copier, même en le blasphémant?

Il n'y a donc pas de solidarité qui puisse lutter contre la solidarité incluse dans le catholicisme. Celle-ci, en effet, commande à tous les puissants de soulager et d'aider les faibles, à tous les riches de soulager et d'aider les pauvres; aux maîtres de soulager et d'aider les serviteurs. Elle le leur commande au nom du Dieu Père, au nom du Dieu Rédempteur, et au nom du Dieu source de toutes les grâces. Elle le leur commande au nom de la fraternité, de l'égalité, de la liberté humaine. Elle le leur commande, tout en respectant les inégalités inséparables de l'existence même des sociétés. Elle le leur commande au nom de peines terribles. Une doctrine ne peut ni ne doit faire plus.

Le Catholicisme continue donc d'être supérieur à toutes les idées, à toutes les prétentions modernes, tant pour l'intelligence que pour les résultats, en fait de solidarité, comme en fait de travail, comme pour toutes les questions qu'on a agitées et qu'on peut agiter encore, dans l'intérêt de tous ceux qui souffrent.

PRESSE. LIBERTÉ DE LA PRESSE.

La presse, comme on sait, telle qu'elle est dans les prédilections de la minorité lettrée, met à néant l'invisible, l'immatériel: elle est essentiellement matérialiste et sceptique; elle place en haut ce qui doit être en bas et en bas ce qui doit être en haut; elle n'a d'autre aliment que des préjugés combattus par tous les hommes éclairés, par tous les progrès acquis à la science des idées; elle est en contradiction manifeste avec le spiritualisme propre à la philosophie de l'instruction secondaire, avec l'enseignement le plus fort qui existe en France, quand on le considère en lui-même et en dehors des atteintes de la politique. Elle n'est par conséquent qu'une cause de perturbations.

Que le journalisme au contraire procède de la notion de l'homme et de Dieu, telle qu'elle est induite par la philosophie, telle qu'elle est imposée par la religion de la majorité, tout aussitôt le journalisme rentre dans l'ordre.

Alors, en effet, il donne à l'invisible, à l'immatériel le rang qui lui est dû.
Alors il a une foi, au lieu d'être livré à la fièvre du scepticisme.
Alors les idées supérieures passent avant les inférieures.

Alors il peut faire sérieusement de la convergence, c'est-à-dire, de la force au profit de la société tout entière.

Alors il centuple la puissance intellectuelle, morale et matérielle de la France, tant dans ses rapports avec l'intérieur qu'avec l'extérieur. Où trouver en effet une nation plus puissante que la France, si les hommes qui agissent le plus sur l'esprit public s'entendaient au moins sur le point de départ intellectuel, sur les idées générales, sur le but?

Là pourtant ne se bornent pas les bienfaits de la notion de l'homme et de Dieu, à l'égard de la presse. Cette double notion donne tout-à-coup au jourlisme, quelles que soient ses manifestations, une mission dont il n'a jamais eu que des idées vagues, et que par conséquent il a toujours très-mal remplie.

Ainsi aujourd'hui, qu'est-ce que la presse conservatrice (1) dans l'esprit de la minorité lettrée? C'est celle qui défend infiniment plus des égoïsmes toujours menacés, que des idées sacrées. Qu'est-elle, au point de vue de la notion de l'homme et de Dieu? Elle s'élève aussitôt jusqu'à être le défenseur des lois éternelles de la société.

(1) Comme le Journal des Débats, le Constitutionnel, etc.

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