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M. DE MUELENAERE.

Un des enfants de la Flandre qui ont le mieux mérité de cet intéressant pays, M. le comte de Muelenaere, vient de se retirer de la scène politique: un arrêté royal, daté du 15 février 1849, a accepté la démission qu'il a donnée de ses fonctions de gouverneur de la Flandre occidentale, et l'a autorisé à faire valoir ses droits à la retraite. Cette décision inattendue a causé un vif regret dans la Flandre; les journaux de tous les partis se sont réunis dans un seul hommage, rendu aux qualités éminentes qui distinguent cet homme d'État, afin de lui exprimer, pour les nombreux services qu'il a rendus au pays, la reconnaissance qui est dans tous les cœurs.

La Revue de la Flandre, qui s'est toujours plu à attribuer à la patrie les titres des hommes dont elle peut être fière, joint volontiers son tribut de gratitude à celui que l'opinion publique a déjà payé à M. de Muelenaere, et la rédaction croit ne pouvoir mieux témoigner ce sentiment que par la publication de la biographie suivante de l'ex-gouverneur de la Flandre occidentale.

FÉLIX-AMAND COMTE DE MUELENAERE, ministre d'État, est né à Pitthem (Flandre occidentale), le 9 avril 1793.

Après avoir terminé son cours d'humanités, il entra à l'école de droit à Bruxelles, et obtint le grade de docteur en 1815. Le barreau promettait une belle carrière à M. de Muelenaere, dont les premiers débuts avaient attiré sur lui l'attention publique et celle des chefs du Gouvernement qui l'appelèrent aux fonctions du ministère public.

Fort jeune encore, il était procureur du Roi à Bruges, lorsque le 9 juillet 1824, les états provinciaux de la Flandre occidentale l'envoyèrent à la seconde Chambre des États-Généraux. M. de Muelenaere justifia la confiance dont il avait été l'objet en prenant une part active à toutes les discussions de quelque importance.

Le 10 janvier 1825, il démontra tous les inconvénients et tous les désavantages qui résulteraient pour le commerce du pays, surtout dans les provinces limitrophes de la France, de l'adoption du projet de loi concernant la cessation du cours légal des monnaies françaises dans les provinces méridionales du royaume des Pays-Bas et déclara qu'il voterait contre la loi.

Dans la séance du 14 novembre suivant, il fit entendre des plaintes amères au sujet de la répartition de l'impôt foncier pour 1826. Quelques jours plus tard (15 décembre), il prononça un discours à l'occasion du budget pour 1826, réclama des économies et demanda la révision de quelques lois financières. S'associant aux critiques émises par d'autres orateurs sur l'impôtmouture, il déclara voter contre le budget.

Le 1er février 1826, il se mêla aux débats relatifs au changement du tarif des douanes. Il prit en outre la plus grande part aux discussions qui eurent lieu sur l'organisation judiciaire, et sur les divers titres du code civil et du code de procédure.

Le 22 décembre 1826, il vota contre le budget des dépenses pour 1827, et aborda, dans les séances du 19 mars, du 25 et du 28 avril 1827, l'examen du budget des recettes. Après avoir fait des observations sur diverses lois financières, il communiqua à la Chambre des réflexions sur les contributions en général. Il émit l'opinion que la contribution foncière doit être modérée en temps ordinaire, parce que, portant sur le sol, et frappant ainsi tout à la fois le laboureur et le propriétaire, il importait de laisser à ces deux classes des moyens sur lesquels le Gouvernement peut compter en temps de guerre, attendu que dans ces circonstances les produits de tous les autres impôts diminuent et deviennent souvent presque nuls.

Le 1er décembre 1828, M. de Muelenaere se prononça en faveur de la liberté de la presse, et pour l'abrogation des lois de 1815 et 1818. Le 5 mars 1829, il vota pour le dépôt au greffe de 150 pétitions, couvertes d'innombrables signatures, et pour une communication au Roi. Dans la séance du 13 avril 1829, M. de Muelenaere prononça un long discours en faveur de l'institution du jury.

Le 14 mai 1829, il vota de nouveau contre le budget, lequel fut rejeté. Ce fut son dernier acte parlementaire aux États-Généraux; il échoua aux élections suivantes. Le peuple ouvrit une souscription pour lui offrir, ainsi qu'à M. Vilain XIIII, une médaille en or à leur effigie.

Ce fut dans cette situation que la révolution de 1830 vint surprendre M. de Muelenaere. La confiance de ses concitoyens le ramena bientôt sur

la scène politique; il fut élu membre du Congrès national par les districts de Bruges, d'Ostende et de Thielt, le 27 octobre 1830, et nommé gouverneur de la Flandre occidentale, le 12 novembre suivant, par le Gouvernement provisoire.

Ses premiers votes furent pour l'indépendance du peuple belge, proclaméo à l'unanimité par le Congrès national, dans la séance du 18 novembre 1830; pour la monarchie constitutionnelle représentative, avec une royauté héréditaire par ordre de primogéniture; pour l'institution du Sénat, etc.

Le 4 juin 1831, il vota en faveur du prince de Saxe-Cobourg-Gotha, et fit partie de la députation chargée de se rendre en Angleterre pour annoncer à ce prince son élection comme Roi des Belges.

Dans la séance du 7 juillet, au sujet de la discussion relative à l'acceptation des préliminaires de paix arrêtés par la conférence de Londres, M. de Muelenaere exprima le regret que l'on n'eut pu obtenir un résultat plus avantageux à la Belgique, mais il ajouta qu'en politique, il faut savoir faire part des circonstances et attendre de l'avenir ce qu'elles vous refusent dans le temps présent : « Parce que la révolution, dit-il, a été faite dans les circonstances les plus favorables, faut-il qu'elle se montre exigeante jusqu'à l'injustice? Si elle ne reste pas dans les bornes légitimes, si elle ne sait pas respecter les droits des autres peuples, si elle vise à la conquête, elie reconnaît alors le droit du plus fort et ce droit sera tourné contre elle....

» N'oublions pas que le fruit de toutes les révolutions a été perdu par les exigences des assemblées législatives. Si vous ne saisissez pas aujourd'hui l'occasion de vous constituer, la révolution de 1830 aura le sort de celle de 1790; comme elle, elle périra par vos mains. Oh! devant Dieu et devant les hommes, je vous adjure, ne dites pas non. Pour moi, je ne veux pas assumer sur ma tête la responsabilité d'un vote négatif. »>

Après la dissolution du Congrès, M. de Muelenaere a constamment été élu membre de la Chambre des Représentants par le district de Courtrai. Il a fait partie du premier ministère du Roi Léopold, en qualité de ministre des affaires étrangères. Nommé le 24 juillet 1831, il donna sa démission le 12 novembre de la même année, après la discussion et le vote des 24 articles; mais il dut conserver la direction des affaires jusqu'au 17 décembre 1832. Plus tard, il attaqua la conduite de quelques déterminations politiques de ses successeurs; mais avec une grande réserve et avec cette dignité qui convient à un homme pénétré des difficultés contre lesquelles ont sans cesse à lutter les fondateurs d'une monarchie nouvelle.

Rappelé au ministère des affaires étrangères le 4 août 1834, après la retraite de MM. Lebeau et Rogier, laquelle, suivant les déclarations faites à la Chambre, eut lieu pour des motifs en dehors de la politique et des débats parlementaires, il annonça à la Chambre des Représentants que le traité du 15 novembre demeurait la base de la politique extérieure.

Dans la discussion du projet d'adresse en réponse au discours du Trône (séance du 14 novembre), il eut occasion de confirmer cette déclaration, en répondant à une interpellation de M. Dumortier. C'est sous le ministère dont M. de Muelenaere a fait partie (de 1834 à 1837) que la première loi communale et celle relative à l'organisation provinciale furent votées; il prit constamment une grande part aux débats qui eurent lieu à la Chambre des Représentants et au Sénat, soit qu'il s'agissait des relations internationales, soit qu'il eut à discuter les intérêts du commerce ou de l'avancement dans l'armée, soit enfin qu'il eut à faire adopter diverses lois de finances.

M. de Muelenaere donna sa démission et se retira du ministère le 13 décembre 1836, à la suite de dissentiments qui éclatèrent dans le sein du conseil. Mais il continua à faire entendre sa parole dans les débats législatifs. Il parla en faveur du chemin de fer de Gand vers la frontière française (séance du 20 mai 1837). Le 20 février 1838, il défendit l'institution du jury et s'attacha à démontrer les améliorations dont elle est susceptible et qui peuvent la rendre moins défectueuse dans la pratique.

A la séance du 28 décembre 1839, il combattit, dans la discussion du budget des travaux publics, la construction du canal de l'Espierre.

Le 2 avril 1840, sur une interpellation positive de M. De Langhe, M. de Muelenaere répondit avec la plus grande modération :

« Messieurs, membre de cette Chambre, je ne reconnais à aucun de mes collègues le droit de m'interpeller sur les conversations que je puis avoir eues avec le chef de l'État.

» Les convenances m'imposeraient peut-être un silence absolu; mais comme ce silence pourrait faire naître des suppositions erronées, je veux répondre deux mots à M. De Langhe.

» J'ai eu l'honneur d'être appelé par le Roi. S. M. ne m'a pas chargé de la formation d'un cabinet; mais je m'empresse d'ajouter aussi, que si le Roi m'avait fait l'honneur de me confier cette mission, j'aurais cru devoir la décliner dans les circonstances actuelles. >>

Dans la séance du 28 avril, il appela l'attention du Gouvernement sur l'industrie linière, dont la décadence causait un malaise général dans les Flandres, et prit part, dans la même session, à la discussion de la loi relative aux céréales.

M. le comte de Muelenaere a été nommé ministre des affaires étrangères pour la troisième fois le 13 avril 1841. Mais il donna sa démission quelques semaines après pour reprendre ses fonctions de gouverneur de la Flandre occidentale.

A la suite de la promulgation de la loi sur les incompatibilités, M. de Muelenaere cessa de faire partie de la Chambre des Représentants, où nous voudrions le voir revenir aujourd'hui qu'il a renoncé à ses fonctions de gouverneur provincial.

DES ANNUAIRES SCIENTIFIQUES DE LA BELGIQUE

POUR 1849.

Il n'est pas sans importance de jeter quelquefois un regard sur l'état intellectuel de notre pays, alors même que tout l'intérêt du moment semble se concentrer dans l'étude de son état politique. Si les peuples portent aujourd'hui envie à notre sort, si notre histoire de dix-huit années nous a mérité l'estime et l'admiration des nations les plus puissantes de l'Europe, nous le devons à l'esprit de nationalité qui s'est développé et fortifié parmi nous à la faveur des libertés publiques; mais, nous ne pouvons l'oublier, il a fallu pour établir le régime d'ordre, de paix et de stabilité dont nous jouissons, ce génie de la réflexion et de la persévérance, que l'histoire impartiale doit reconnaître à l'honneur des populations de la Belgique. Malgré le doute dans lequel s'obstinaient à cet égard bien des esprits chez nous comme chez nos voisins; malgré le peu de foi qu'avait la diplomatie dans la durée d'une de ses œuvres les plus laborieuses, la Belgique a vécu; elle a grandi; elle s'est créé une vie politique qui lui est propre, et elle a dit, par son attitude au milieu des crises de Fannée 1848, qu'elle n'en voulait point d'autre.

Pourquoi dénierait-on à notre jeune nationalité le pouvoir de se traduire et de se répandre au dehors par un mouvement intellectuel digne du mouvement politique qui a porté si haut la Belgique de 1830? Seulement, qu'on n'exige pas qu'il y ait coincidence parfaite entre ces deux mouvements chez un peuple qui vient à peine d'échapper aux étreintes de diverses dominations étran

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