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SUR UN ENFANT

Endormi au bord d'un ruisseau.

A l'ombre du feuillage,
Sur le moelleux rivage
D'un limpide ruisseau,
Enfant aimable et beau,
Doucement tu sommeilles
Et tes lèvres vermeilles
Comme une belle fleur
Au parfum enchanteur
Que voit naître l'aurore
Au passage de Flore,
Semblent s'épanouir
Au souffle du zéphir.
Ta blonde chevelure
Erre sur la verdure

En flots nombreux d'argent.
Sur ton front innocent,
La feuille de la rose
Voltige ou se repose:
Son brillant incarnat
En reçoit plus d'éclat,
Et sur ton cou d'albâtre,
Le papillon folâtre

Vient briller un moment
Comme un riche diamant.
Dans ce charmant bocage,
On entend le ramage
Des mélodieux oiseaux
Et le doux bruit des eaux.
Sur sa tige en cadence
Le roseau se balance,
Chasse le moucheron,

Qui gronde sur ton front.
D'aimables tourterelles
L'une à l'autre fidèles
Mêlent leurs doux soupirs
A la voix des zéphirs,
Et l'onde qui murmure
Roule sur la verdure

Ses eaux dont la fraîcheur
Va réjouir la fleur,

Qui cache sous l'herbette
Son humble et belle tète.
Coulez plus mollement,
Chantez plus doucement,
Faites, faites silence,
De la pure innocence
Respectez le repos,
Ruisseaux, petits oiseaux;
Car tandis qu'il sommeille
Sur lui son ange veille;
Aimable enfant qui dors
Sur ces fortunés bords.
Le temps de la jeunesse
Est une douce ivresse
Qui ne fait que passer;
Le flot qui vient raser
En courant le rivage,
En est la vraie image.
Un jour quand la raison
Viendra rider ton front
Des soucis de la vie,
Ton âme poursuivie
De craintes, de désirs
De maux et de plaisirs,
Sous leur poids étouffée,
Cherchera de Morphée
Mais en vain les pavots!
Goûte, enfant, le repos,
Tandis qu'il est facile;
Dans ce séjour tranquille,
Sous ces ombrages frais,
Dors, enfant, dors en paix.

PICARD FRANÇOIS.

DE LA NÉCESSITÉ DE L'UNION.

On nous rendra cette justice que, forcés de prendre part aux luttes politiques, nous n'avons point méconnu la nécessité de l'union des citoyens. Nous n'avons pas soutenu les conservateurs à titre de parti tout au contraire, nous avons loué particulièrement le principe de conciliation inscrit dans leur programme. Nous n'avons pas non plus combattu les hommes qui exercent aujourd'hui le pouvoir par antipathie personnelle ou par esprit de coterie nos articles précédents en donnent la preuve et attestent une impartialité que nos amis trouvent rarement dans la presse opposée. Nous avons repoussé en eux cette politique exclusive, cet esprit de lutte systématique qui tend à faire de la discorde l'état normal du pays.

Que pourrions-nous dire sur la nécessité de l'union que nous n'ayons déjà dit à l'apparition même de cette Revue, dans le premier article qui traite des partis en Belgique? Peut-être un triste et vague pressentiment nous inspirait dès-lors. Plus pénétrés que jamais des principes que nous développions à cette époque, nous éprouvons un vif regret en voyant que des vérités élémentaires aient été généralement si peu comprises.

Nous l'avons dit, il y a trois ans, et nous le répétons avec une conviction encore plus profonde, l'existence des partis a pour principal danger que jamais ils ne s'arrêtent au terme fixé par ceux qui les forment. Leurs premiers chefs se reuferment ordinairement dans les limites d'une modération relative, mais bientôt ils sont poussés, entraînés, et tôt ou tard, écartés par de plus ardents. C'est l'histoire, toujours la même, de tous les partis; et il ne saurait en être autrement,

Toute société renferme des hommes dont elle doit redouter les passions et les mauvais instincts. Aussi longtemps que le calme règne sur l'horizon politique, leur existence ne se révèle guère que dans le monde des tribunaux; mais à la première apparence d'orage, on les verra fatalement tous apparaître comme de sinistres météores.

Un journal français (l'Univers) faisait, il y a peu de temps, des réflexions bien justes à ce sujet : « Jamais, disait-il, un peuple, quelque bien ordonné » qu'il puisse être, quelle que soit l'intégrité de ses mœurs, n'est exempt de » cette guerre. Quand la vie politique est calme, c'est dans la sphère des >> relations individuelles que les malfaiteurs s'agitent. Aux époques de crise, » quand il se forme des partis pour renverser et pour changer le Gouverne»ment établi, les hommes de désordre se mêlent naturellement à ces que»relles. C'est là le pire danger des révolutions (1). Nul moyen d'ailleurs de » s'y soustraire. Des gens unis pour détruire ne peuvent ni se choisir ni » s'associer que du point de vue de leur œuvre commune (2). Et quels meil>> leurs auxiliaires en pareil cas que les esprits familiarisés de longue main » avec tous les genres d'audace et de perversité? Voilà l'élément qui donne >> aux factions la puissance de nuire; voilà ce qui fait qu'une sédition n'éclate » jamais sans attirer dans la rue, du fond de leurs repaires, une foule de >> visages sinistres qu'on ne rencontre en plein jour qu'aux heures où l'état » social est en question.

» Et si les discordes se perpétuent et s'aggravent, le mal que nous signa»lous prend des proportions effrayantes. Partout où il y a trouble et agita» tion, il faut que la lie monte et domine; c'est là le signe auquel un ren>> versement se reconnaît: toutes les fois que les nationalités sont livrées à » ces redoutables épreuves, les âmes mécontentes et dévoyées, les natures » réfractaires et violentes, la haine, l'envie, toutes ces bêtes féroces qui sont » dans nos cœurs quand nous cessons un instant de les tenir sous nos pieds, » tout cela prend un masque de justice et réclame la dictature au nom de la >> philantropie. Ici le témoignage de l'histoire est unanime: il affirme de plus » que ce genre de despotisme ne peut manquer de s'établir lorsqu'il a pour >> complices la conviction des uns, l'orgueil des autres, la neutralité des >> indifférents; et, par dessus tout, les défaillances de la probité vulgaire et >> les divisions des gens de bien. »

Nous avons été heureux de trouver nos idées communes si bien rendues

(1) Et des luttes de partis. Les partis, même constitués par les programmes les mieux formules n'y échappent pas toujours complétement. Les whigs ne se louent guère de l'appui des radicaux et des chartistes. Les torys auraient même fortune dans un sens opposé, s'il y avait en Angleterre des absolutistes. (Note de la Rédaction.)

(2) C'est en d'autres termes ce que nous avons développé dans notre article sur l'opposition. Tome I, p. 149. (Id.)

par un journal placé à une hauteur méritée dans l'opinion publique. Nous y adhérons complétement et nous n'admettrions pas l'objection que ces lignes, écrites pour un pays bouleversé par la révolution la plus anti-sociale, ne sont pas applicables à notre patrie. Toute la différence se réduit à l'énergie et à la franchise des moyens. Quand un Gouvernement subsiste, quand surtout il est appuyé par une sympathie générale, les hommes du désordre ne procèdent pas comme le lendemain d'un jour de barricades. Ils cachent leur drapeau, se mettent à la queue d'une opposition pour la pousser et se qualifient hommes du progrès en attendant que leur beure favorable ait sonné. Depuis trois ans, nous les avons assignés comme des auxiliaires fatalement attachés à toute opposition systématique.

Combien de fois nous avons accusé la neutralité des indifférents et les divisions des gens de bien! Nos articles de 1846 et de 1847 sont pleins de reproches sévères que nous leur adressions. L'Univers fait entendre en France les mêmes plaintes. Hélas! partout les hommes se ressemblent. L'insouciance, l'inertie, le défaut d'union forment le lot des honnêtes gens. De là vient qu'une minorité, forte par sa discipline, courbe sous son joug tout un pays.

Les plus tristes motifs suffisent pour diviser ceux que leurs sentiments et leurs intérêts devraient liguer pour la défense de l'ordre. Une orgueilleuse opiniâtreté qui ne sait rien céder, les ambitions et les rancunes particulières, le funeste amour d'une fausse popularité, le défaut du courage moral qui force tant de personnes à travailler dans le sens d'un progrès qu'elles redoutent au fond du cœur, y viennent également concourir. Ainsi, tandis que l'indifférence ou l'égoïsme désarme une partie des hommes d'ordre, l'orgueil et la lâcheté viennent disjoindre leurs forces actives et les mettre aux mains les unes contre les autres pour le plaisir et le profit de l'ennemi commun, qui ne manque pas d'apporter, sous un faux drapeau, son aide intéressée à cette œuvre de discorde.

Prenons un exemple hors de Belgique. Nous regretterions de ranimer d'anciennes querelles et, d'ailleurs, la lutte des conservateurs et des ultralibéraux a bien perdu de son importance depuis un an. Le litige qui existe aujourd'hui, réunit les uns et les autres contre ceux qui veulent bouleverser l'état politique et social. Il met la société toute entière aux prises avec ses destructeurs. C'est à la France que nous irons demander un enseignement dans son histoire la plus récente.

Le Gouvernement de Louis-Philippe ne comptait pas d'ennemis bien redoutables, et la coterie républicaine qui l'a renversé n'aurait pu se montrer, il y a deux ans, sans exciter une clameur de haro. La gauche qui a rempli si niaisement le rôle de Raton, les Thiers, les Barrot entre autres, étaient loin de prévoir ou de désirer une révolution. Les causes que nous avons énumérées plus haut les ont jetés comme toute la gauche dynastique dans une oppo

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