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« demisielle Isabiau d'Auwaing,» agenouillés aux deux côtés de la Vierge Marie, qui tient de son bras gauche l'enfant Jésus, vêtu d'une tunique. Il est de l'an 1401, et a un pied dix pouces de hauteur sur une largeur de deux pieds neuf pouces. La Vierge, dont la tête a malheureusement disparu, et l'enfant se distinguent par l'excellence du dessin, mais l'exécution en est généralement inférieure. En revanche, les têtes des figures agenouillées présentent ce puissant cachet d'individualité que l'on remarque dans les portraits sortis du pinceau des Van Eyck.

Le monument de Jehan de Coulogne, qui date de l'an 1403 et qui a deux pieds quatre pouces de haut sur deux pieds cinq pouces de large, représente la figure à mi-corps de Saint-François recevant les stigmates. Cette production est aussi d'un bon travail; mais elle mérite surtout l'attention par la peinture originale dont elle est encore couverte. La couleur rouge du fond et l'azur du nuage sont le mieux conservés. La tête du saint a été soigneusement peinte en couleur de chair, et son vêtement en blanc.

Mais un morceau plus important que les ouvrages que nous venons de mentionner, un morceau digne d'être placé à côté du tombeau des Seclin, est le monument de Jean du Bos (forme ancienne du nom de Du Bois) et de sa femme Catherine Bernard. Il est de l'an 1438, et a deux pieds huit pouces de haut et quatre pieds un pouce de large. On voit au milieu la Vierge assise sur un trône et tenant sur son genou droit l'enfant Jésus, vêtu d'une tunique et portant dans sa main droite le globe de la terre. Derrière Marie s'étend un tapis tenu par deux anges. A ses côtés sont agenouillés Jean du Bois, sa femme et sa fille, derrière lesquels se tiennent debout leurs patrons SaintJean-Baptiste et Sainte-Catherine. Le mouvement des figures est d'une convenance extrême, et les détails anatomiques sont modelés de main de maître. La tête de la Vierge, dont le nez est mutilé, est d'un type noble et délicat; seulement les yeux sont trop peu ouverts. La pose de ses mains, surtout celle de la main gauche qu'elle tient sur un livre ouvert, révèle un sentiment remarquable du beau. La tête de Saint-Jean offre l'expression d'une hante intelligence. Celle de la femme, qui porte cette espèce de coiffure que l'on rencontre si fréquemment sur les tableaux de l'école des Van Eyck et qui s'évase si fortement aux tempes, est d'une animation extraordinaire et d'une exécution si achevée qu'on dirait une miniature. Il en est de même de la tête des deux anges. Sous le bras gauche de Marie on remarque encore quelques traces de la dorure qui couvrait primitivement le fond de cet ouvrage. Le monument de Jean Gervais (1) représente la Vierge avec l'enfant et

(1) Nous avons lu le nom du même Jean Gervais sur un lutrin en cuivre qui est à St-Ghislain et dont nous parlerons plus loin. (Note du Traducteur.)

deux anges, et rappelle l'ordonnance de l'ouvrage précédent. A la droite de la Vierge on voit deux hommes, à sa gauche deux femmes en adoration. Malheureusement toutes les têtes sont mutilées, et l'œuvre ne porte point de date. L'exécution en est un peu plus sèche, et les cassures plus dures des plis, qui accusent le goût primitivement introduit par Jean Van Eyck, témoignent déjà d'une réaction de l'école des Van Eyck sur la sculpture. Le travail de ce relief, qui a un pied dix pouces de haut sur deux pieds trois pouces et demi de large, nous autorise à rapporter cet ouvrage aux environs de l'an 1460.

Dans la cathédrale de Tournai se trouvent encore deux reliefs qui portent, il est vrai, le cachet de l'école dont sont sortis les monuments à peu près contemporains que possède M. Dumortier, mais qui sont d'un travail moins savant et appartiennent évidemment à des artistes d'un ordre inférieur. L'un, qui est de l'année 1409, et qui a quatre pieds de haut sur quatre pieds six pouces de large, est le monument de Jean de Wattines, dont il représente l'image, accompagnée de son patron et agenouillée aux pieds du Christ sur le mont des Olives, composition de onze figures. La dorure des vêtements est fort bien conservée; le reste de la peinture ne l'est qu'en partie. L'autre monument, qui appartient à l'année 1426, a trois pieds huit pouces de haut sur quatre pieds huit pouces de large. Il a été érigé à la mémoire d'Eustache Savary et de sa femme. On y voit ces deux personnages et leur fils, accompagnés de leurs patrons et agenouillés en adoration devant l'Éternel, qui tient un crucifix à la main. Les têtes des huit figures ont disparu, mais le reste est d'un travail supérieur à celui de l'ouvrage qui précède.

Des sculptures en ronde bosse qui sont restées de cette époque, nous ne connaissons qu'une seule, mais elle est d'une haute importance. Elle représente la Vierge assise sur un trône et tenant l'enfant divin sur ses genoux. Elle est placée dans l'une des conques du transept, mais à une si grande élévation, qu'il est difficile d'en juger complétement l'exécution. Elle paraît d'une conception noble, d'une grande vérité anatomique, d'un modelé moelleux dans les formes de l'enfant, et d'un goût très-pur dans le jet des draperies. En la comparant aux reliefs dont nous avons parlé ci-dessus, et qui portent des dates positives, nous inclinons à la rapporter à l'an 1440.

Dans l'église de Sainte-Marie-Madeleine, on voit une Annonciation figurée sur deux piliers dont l'un fait face à l'autre. D'un côté, se trouve la Vierge, de l'autre, l'ange Gabriel. Ces deux figures, taillées en pierre blanche, mais malheureusement couvertes de badigeon, sont placées sur des consoles soutenues par des anges qui tiennent des écussons. Elles se distinguent par le modelé et par la noblesse des têtes. Les cassures anguleuses des plis, dont les masses lourdes et un peu grossières trahissent la main d'un artiste secondaire, nous autorisent à faire remonter cet ouvrage au milieu du XVe siècle.

Un embranchement de l'école de Tournai, dont il vient d'être parlé, a

fleuri à Mons, ancienne capitale du Hainaut. Cette ville conserve, dans son église dédiée à Sainte-Waudru, plusieurs monuments funéraires, qui sont faits de la même pierre bleue, et dont les sculptures sont tout à fait du même style que celles que nous avons signalées à Tournai, mais d'une exécution plus ou moins inférieure à celles des principaux ouvrages de la collection de M. Dumortier. Les plus remarquables sont les suivants :

Monument de 1418. Il représente un chevalier agenouillé que son jeune patron recommande à la Vierge tenant l'enfant Jésus. Les proportions (comme on le remarque, du reste, dans la plupart des sculptures montoises), sont un peu courtes, et les têtes un peu fortes. Le mouvement de la Vierge, qui se penche en avant, est dans le goût un peu forcé des sculptures gothiques, et ses ajustements sont conçus dans ce style un peu mou que l'on remarque dans les tableaux de Cologne, attribués à maître Wilhelm. La magnifique draperie du saint est du même style, mais elle est mieux étudiée. La tête du chevalier porte un énergique cachet d'individualité, ses mains sont modelées avec un grand sentiment de vérité. L'encadrement gothique où ces figures sont encastrées est d'une grâce peu commune.

Il y a un autre monument, qui doit à peu près remonter à la même époque, mais dont nous n'avons pu déchiffrer les dates presque effacées. Il représente, sous trois baldaquins gothiques, d'une belle forme et d'un bon travail, la Vierge couronnée et tenant l'enfant, à sa droite l'image du défunt, accompagné de son patron St-Jacques de Compostelle, et à sa gauche celle de la défunte, accompagnée de sa patronne et d'une autre femme. Les portraits sont pleins d'animation; cependant l'exécution de cet ouvrage est médiocre. Un troisième monument appartient à l'an 1431. Il est également couronné de trois baldaquins gothiques, qui sont d'une grande pureté de style. Sous celui du milieu on voit la Sainte Trinité. L'Éternel est assis sur un trône, tenant une croix à laquelle est attaché Jésus-Christ, et il est accompagné du Saint-Esprit, figuré sous la forme ordinaire d'une colombe. Sous celui de droite est placée l'image du défunt que protège son patron Saint-JeanBaptiste, et sous celui de gauche se présentent sa femme et sa fille, près desquels se tient Saint-Nicolas ayant à ses pieds la cuve avec les trois enfants. Les têtes sont pleines de vie, et les plis des étoffes sont d'un goût noble. Bien que cette production soit d'un travail moins parfait, elle est cependant celle qui se rapproche le plus de l'admirable monument de Jean Du Bois, à Tournai.

Deux ouvrages provenant de l'ancienne abbaye de Saint-Denis près de Mons, et placés récemment, par les soins de M. le duc d'Aremberg, dans la nouvelle chapelle de son château d'Enghien, nous offrent de remarquables échantillons de l'esprit de l'école montoise à une époque un peu postérieure, et nous fournissent de rares exemples de retables sculptés en pierre à l'imitation des tableaux à volets dont on garnissait anciennement les tables du sacrifice.

L'un représente plusieurs scènes de la vie de la Vierge. Au centre on voit l'Assomption, au-dessous de laquelle est figurée la naissance de Marie; à droite, l'Annonciation et la Visitation; à gauche,. l'Adoration des Mages. Dans toutes les parties de ce travail, dans les figures, dans les têtes, dans les mains, on reconnaît, mais avec un modelé plus fin et mieux étudié, le réalisme noble et plein de goût qui constituait le caractère de l'école des Van Eyck. A en juger d'après le style des draperies, qui dénotent également une réaction opérée par cette école sur la sculpture, cet ouvrage pourrait fort bien appartenir à l'intervalle qui sépare l'an 1460 de l'an 1480.

L'autre se compose de trois scènes de la vie de Sainte-Élisabeth de Thuringe. L'exécution en est parfaitement étudiée, surtout dans les têtes. Celles des hommes sont pleines de caractère, celles des femmes sont empreintes d'une grâce extrême. Les proportions très-courtes des figures ainsi que la lourdeur des plis des draperies et le style des ornements architectoniques qui appartiennent à la fin du règne de l'ogive, nous autorisent à rapporter cette sculpture au milieu du XVIe siècle.

Ces deux retables out été récemment en partie peints, en partie dorés, comme ils l'étaient anciennement.

Mais ce qui prouve que, durant la première moitié du XVIe siècle, cette école wallonne de sculpture a fourni aussi des productions très-remarquables, à côté du style de l'école des Van Eyck, dans la manière nouvelle qu'inaugura la Renaissance, ce sont les bas-reliefs qui ornent le maître-autel de l'église de Notre-Dame à Hal, mais que malheureusement nous n'avons pu examiner de près, à cause du service divin, qui y est particulièrement fréquent à raison du concours des pèlerins qu'y attire l'image miraculeuse de la Vierge. On y lit ce qui suit : « Jean Mone, maistre artiste de l'empereur (Charles V) a faist cest dist retable en l'an de grace 1533 (1).

Un des sculpteurs les plus celèbres de tous ceux qui ont travaillé dans le goût de la Renaissance, est Jean de Bologne, qui était de Douay, comme on sait, et qui appartenait à la partie wallonne de la Belgique (2).

Les fonts baptismaux qui se trouvent dans la petite chapelle de l'église de Hal dont nous venons de parler, nous prouvent qu'outre les sculptures en pierre, les artistes tournaisiens fournirent aussi des productions en cuivre coulé. On y lit l'inscription suivante: « Willaume Le Febvre, fondeur en

(1) Une description de ce retable a été donnée par M. VAN HASSELT dans les Splendeur de l'art en Belgique, p. 260 et suiv., où se trouve publiée pour la première fois l'inscription citée par M. Waagen. (Note du Traducteur.)

(2) Jean de Bologne, premier sculpteur de François Ier et de Ferdinand Ier, grandsducs de Toscane, naquit à Douay en 1529, et mourut en Florence en 1698. La ville de Douay appartenait alors à la Flandre belge, dont elle fut détachée en 1668 par le traité d'Aix-la-Chapelle qui la céda à la France.

(Id.)

laiton à Tournay. » La forme architectonique de cet ouvrage appartient au style gothique et elle présente un ensemble qui ne manque pas d'élégance. La partie inférieure, qui est soutenue par six lions couchés, ressemble à un énorme calice d'une forme un peu déprimée. Le haut couvercle dont il est couvert, a la figure d'un cylindre, qui se réduit graduellement à différents intervalles. Il est couronné de petites figurines en ronde bosse, représentant Saint-Jean baptisant le Christ, près duquel se trouve un ange qui tient les vêtements du Sauveur. Un peu plus bas est adaptée autour de ce cylindre une galerie plus large sur laquelle sont posées d'autres figurines, également en ronde bosse et représentant Saint-Georges à cheval qui terrasse le dragon, la princesse de Lybie et deux autres saints aussi à cheval (1); autour de la partie inférieure du couvercle sont rangés les douze apôtres, placés sous des frontons gothiques. A en juger par l'armure des saints et par le costume de la princesse, cet ouvrage doit appartenir à l'intervalle qui s'écoula entre 1450 et 1440 (2). Le réalisme qui se manifeste dans ces sculptures, ne peut, ni sous le rapport du goût, ni sous le rapport de l'exécution, soutenir la comparaison avec les sculptures contemporaines en pierre que nous devons à l'école tournaisienne. Les proportions sont écrasées, les têtes et les mains manquent de finesse, les draperies sont lourdes. On peut en conclure ou que la sculpture en cuivre a été comparativement inférieure à la sculpture en pierre à Tournai, ou que, par un hasard peu favorable, l'ouvrage dont nous venons de parler appartient à un artiste médiocre (3).

Nous terminerons en mentionnant une pierre tumulaire qui nous a frappé dans la collection de M. Dumortier et qui appartient aux environs de l'an 1440, parce qu'elle prouve que les sculpteurs tournaisiens se servaient aussi de pierre bleue pour y graver des figures, à l'imitation des lames de cuivre que l'on trouve assez souvent appliquées aux monuments funéraires. On y voit la Vierge Marie assise sur un trône et tenant l'enfant Jésus; elle est adorée par deux hommes et un enfant qui sont agenouillés à sa droite, et par deux femmes qui sont disposées à sa gauche. Une chose digne de remarque, c'est que les contours extérieurs des figures et les dais qui couronnent

(1) Ces deux figurines représentent Saint-Hubert et Saint-Martin, patron primitif de l'église de Hal. Voyez VAN HASSELT, Les Splendeurs de l'art en Belgique, p. 260. (Note du Traducteur.)

(2) Le millésime MCCCCXLVI est gravé sur le monument même; il a sans doute échappé à M. Waagen. Voyez VAN HASSELT, lib. citat., p. 259. (Id.)

(3) On conserve dans l'église de St-Ghislain, près de Mons, un charmant lutrin en cuivre, surmonté d'une statuette représentant Ste-Catherine et ciselé en 1442. (Voyez VAN HASSELT, lib. citat., p. 401). On y lit les inscriptions suivantes : « Chel estapiel fist Williaume Le Fèvre, fondeur de laitton à Tournay. » « Chest estapicl et l'image ensy qu'il est donna chéens Denise-Marie Folette, vesve de feu Jehan Gervais, en MCCCCXLII. Priez pour leurs âmes. >>> (Id.)

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