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ENTRETIEN. 3 CONVERSATION, ENTRETIEN, COLLOQUE, DIALOGUE. Ces quatre mots sont synonymes, et désignent également un discours lié entre plusieurs personnes qui y ont cha cun leur partie. Le mot de conversation désigne des discours entre gens égaux où à-peu-près égaux, sur tootes les matières que présente le hasard. Le mot d'entretien marque des discours sur des matières sérieuses, choisies exprès pour être discutées, et par conséquent entre des personnes dont quelqu'une a assez de lumières ou d'autorité pour decider. Le mot de colloque caractérise particulièrement les discours prémédités sur des nu tières de doctrine et de controverse, et par conséquent entre des personnes instruites et autorisées par les partis opposés. Le terme de dialogue en général, peut également s'appliquer aux trois espèces que l'on vient de défiar, et indique spécialement la manière dont s'exécutent les différentes parties du discours lié.

La liberté et l'aisance doivent régner dans les conver sations. Les entretiens doivent être intéressans, et ne perdre jamais de vue la décence. Les colloques sont inutiles, si les parties ne s'entendent pas ; et font plus de mal que de bien, si l'on ne procède pas de bonne foi: le fameux Colloque de Poissi fut également repréhensible par ces deux points. Les dialogues ne peuvent plaire qu'autant que les différentes parties du discours. sont assorties aux personnes, à leurs passions, à leurs intérêts, à leurs lumières, et aux autres circonstances qui, en concourant à établir la scène, doivent en même temps y distinguer nettement chaque acteur.

Dans les sociétés de liaison et de plaisir, on tient des conversations plus ou moins agréables, selon que la com pagnie est plus ou moins bien composée. Dans les assemblées académiques, on a des entretiens plus ou moins utiles, selon que la matière est plus ou moins intéressante, que les membres en sont plus ou moins instruits, et qu'ils parlent avec plus ou moins de netteté. Dans les temps de trouble et de division il est bien dangereux de consentir à des Colloques; parce que souvent ils ne servent que de prétexte aux brouillons pour procurer leurs intérêts personnels aux dépens de la vẻrité qu'ils trahisssent et de, la tranquillité publique

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qu'ils sacrifient; et que c'est à coup sûr un moyen de plus pour ranimer la fermentation, par le rapprochement et le choc des opinions contraires. Le dialogue doit être aisé, enjoué, et sans apprêt dans les conversations; sérieux, grave et suivi dans les entretiens; clair, raisonné, travaillé, éloquent même et pathétique dans les colloques.

y a des sots qui brillent dans la conversation par un certain clinquant, une audace à s'exprimer et à changer de sujets, que les gens d'esprit ne possèdent pas, parce que l'étude et la réflexion rendent ces derniers circonspects. C'est ce qui fait que dans la société, les uns et les autres passent quelquefois pour ce qu'ils ne sont pas.

Ce ne sont pas même toujours les gens de lettres qui brillent le plus dans la conversation. Le talent de parler sur-le-champ demande un homme qui pense promptement et nettement. Or, combien de beaux esprits qui ne peuvent développer leurs pensées que par la médis tation? M. Nicole, l'un des premiers écrivains du dixseptième siècle, étoit de ce nombre : il fatiguoit même ceux qui l'écoutoient: aussi disoit-il, au sujet de M. de Tréville, qui parloit facilement il me bat dans la chambre, mais il n'est pas plutôt au bas de l'escalier que je l'ai confondu.

Le grand Corneille, si élevé, si sublime dans ses tragédies, et dans ses autres écrits, n'étoit plus le même dans la conversation; il s'énonçoit au contraire d'une manière si sèche, si embarrassée, qu'une grande princesse qui avoit desiré de le voir et de l'entretenir, disoit qu'il ne falloit point l'écouter ailleurs qu'à l'hôtel de Bourgogne, qui étoit l'hôtel des comédiens.

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Duclos n'écrivoit jamais sans s'être auparavant entretenu plusieurs fois avec ses amis sur la matière qu'il avoit dessein de traiter; et cela non pas pour mendier des idées, mais pour en faire naître chez lui par la chaleur de l'imagination qu'il se procuroit en parlant. << Avec ce secours, disoit-il, je trouve en un moment » ce qui m'auroit coûté des journées entières dans mon >> cabinet, et que peut-être même je n'aurois pu trouver. » Je parlerois à mon laquais, faute d'un auditeur plus » compétent cela anime toujours plus que de penser >> tout seul ».

sûr

Le même Duclos n'étant encore que de l'académie des belles-lettres, et n'ayant donné que les Confessions, et Madame de Luz, qu'il n'avoit pas même avouées, eut une assez longue conversation avec M. de Fontenelle sur un point de littérature. Quand Duclos eut cessé de parler, Fontenelle fut si content de ce qu'il venoit d'entendre, qu'il lui dit: Vous devriez écrire, faire quelque ouvrage Et sur quoi, lui demanda Duclos? Sur ce que vous venez de me dire, répondit Fontenelle. Les hommes en général, recherchent moins l'instruction que les applaudissemens. C'est donc un moyen de déplaire dans la conversation, que d'y paroître plus occupé de soi que des autres. L'illustre Racine, dans la' vue de dégoûter un de ses fils de la manie des vers et dans la crainte que ce fils n'attribuât à ses tragédies les caresses dont quelques grands seigneurs l'accabloient, lui disoit souvent : « Ne croyez pas que ce » soient mes vers qui m'attirent toutes ces caresses; » Corneille fait des vers cent fois plus beaux que les »miens, et cependant personne ne le regarde; on ne » l'aime que dans la bouche de ses acteurs; au lieu que

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sans fatiguer les gens du récit de mes ouvrages, dont » je ne leur parle jamais, je me contente de leur tenir » des propos amusans, et de les entretenir de choses qui leur plaisent. Mon talent avec eux n'est pas de » leur faire sentir que j'ai de l'esprit, mais de leur apprendre qu'ils en ont. Ainsi, quand vous voyez mon»sieur le duc passer souvent des heures entières avec moi, vous seriez étonné, si vous étiez présent, de voir que souvent il en sort sans que j'aie dit quatre paroles; mais peu-à peu je le mets en humeur de cau» ser, et il me quitte encore plus satisfait de lui que >> de moi. »

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(M. BEAUZÉE.)

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COQUETTERIE.

LA La coquetterie est dans une femme le dessein de paroitre amable à plusieurs hommes ; l'art de les engager et de leur faire espérer un bonheur qu'elle n'a pas solu de leur accorder: d'où l'on voit que la vie d'une coquette est un tissu de faussetés, une espèce de profession plus incompatible avec la bonté du caractère et Thonnêteté vér table, que la galanterie ; et qu'un homme coquet, car il y en a, a le défaut le plus méprisable qu'on puisse reprocher à une femme.

La coquetterie est toujours un honteux déréglement de l'esprit. La galanterie est d'ordinaire un vice de complexion. Une femme galante veut qu'on l'aime, et qu'on réponde à ses desirs; il suffit à une coquette d'être trouvée aimable, et de passer pour telle. La première va successivement d'un engagement à un autre; la seconde, sans vouloir s'engager, cherchant sans cesse à vous séduire, a plusieurs amusemens à-la-fois. Ce qui domine dans l'une est la passion, le plaisir ou l'intérêt ; et dans l'autre c'est la vanité, la légéreté, la fausseté. Les femmes ne travaillent guère à cacher leur coquetterie ; elles sont plus réservées pour leurs galanteries, parce qu'il semble au vulgaire que la galanterie dans une femme, ajoute à la coquetterie; mais il est certain qu'un homme coquet a quelque chose de pis qu'un homme galant. La coquetterie est un travail perpétuel de l'art de plaire pour tromper ensuite, et la galanterie est un perpétuel mensonge de l'amour. Fondée sur le tempé rament, elle s'occupe moins du coeur que des sens, au lieu que la coquetterie ne connoissant point les sens ne cherche que l'occupation d'une intrigue par un tissu de faussetés. Conséquemment c'est un vice des plus méprisables dans une femme, et des plus indignes dans un homme.

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« Une femme coquette, dit la Bruyère, ne se rend » point sur la passion de plaire, et sur l'opinion qu'elle »a de sa beauté; elle regarde le temps et les années comme quelque chose seulement qui ride et q

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laidit les autres femmes; elle oublie du moins que l'âge » est écrit sur le visage. La même parure qui a autrefois » embelli sa jeunesse, défigure enfin sa personne » éclaire les défauts de sa vieillesse : la mignardise et » l'affectation l'accompagnent dans la douleur et dans » la fièvre; elle meurt parée et en rubans de couleur.

» Lise entend dire d'une autre coquette, ajoute le » même auteur qu'elle se moque de se piquer de » jeunesse, et de vouloir user d'ajustemens qui ne con» viennent plus à une femme de quarante ans ; Lise » les a accomplis, mais les années pour elle ont moins » de douze mois, et ne la vieillissent point; elle le croit » ainsi, et pendant qu'elle se regarde au miroir, qu'elle » met du rouge sur son visage, et qu'elle place des » mouches, elle convient qu'il n'est pas permis à un » certain âge de faire la jeune, et que Clarice en effet » avec ses mouches et son rouge est ridicule. »

(ANONYME.)

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