mad. de Scudery : « Vous avez en ma présence des absences de cœur, bien pires que celles d'esprit. » ABSENT, E, adj. On a dit par un néologisme que nous ne saurions blåmer, et qui trouve en ce temps surtout son application: « Déclamateur hypocrite, qui prêche une morale absente de son cœur. » Ann. lit. ABSENTER (S), v. euphémisme, pour dire être en faillite, faire banquerourte. ABSINTHE, s. f. du latin absin- | thium, venu du grec àívio (apsin- | thion) sans douceur, plante amère et odoriférante. Mad. de Sévigné a fait un usage heureux de ce mot dans le sens d'amertume, chagrin : « La vie, a-t-elle dit, est cruellement mêlée d'absinthe;» et Regnard, avec non moins d'énergie: : Sa femme cependant, de cent frayeurs atteinte, Boit chez elle à longs traits et le fiel et l'absinthe. Malherbe avait dit « Il adoucit toutes nos absinthes. » Mais ce pluricl n'a pas fait fortune. ABSOLU, part. et adj. Ce mot, formé du latin absolutus, s'est employé pour absous. Je voi ci que la mort m'attrape : James n'en serai absolu. Hist. de Fr. en vers mss. etc. De là l'expression, jeudi absolu, pour le jeudi-saint, parce qu'autrefois dans l'église d'Occident, c'était en ce jour qu'on absolvait les pénitens publics. Comme dans les églises d'Orient, même dans quelques-unes d'Occident on absolvait le vendredisaint, ce jour a aussi été nommé le vendredi absolu. Nous employons encore dit La Curne Sainte-Palaye, ce mot dans le sens de décisif, dans quelques expressions, et nous disons volonté absolue. Autrefois on écrivait absolute au féminin. Suivant La Harpe, dans un cas d'absolue nécessité est une phrase faite: ce qui peut-être a fait passer l'absolu pouvoir, permis en poésic, comme dans ce vers de la tragédie de Brutus : Ah! quand il serait vrai que l'absolu pouvoir. Cours de Littér. tom. 1x, p. 1j1. En prose on dit le pouvoir absolu, et cette expression est plus usitée que jamais; elle exprime ce pouvoir royal qui s'élève au-dessus des lois, et qui ne reconnait d'autre règle que son bon plaisir. De ce mot absolu, pris en ce sens, on a dérivé, dans ces derniers temps, absolutisme, pour exprimer ce système de gouvernement; et absolutistes, pour désigner les partisans de cette sorte de gouvernement opposé au régime constitutionnel. ABSORBER, du latin absorbere (engloutir); aussi se trouve-t-il écrit absorbir dans les Sermons franc. de saint Bernard, et assorbir dans le Roman de la Rose. ABSORPTION, sorptione ablatif d'absorptio ( action s. f. du latin abd'absorber). Volney a fait un usage remarquable de ce terme : « De même, dit-il, que, dans un Etat, un parti avait absorbé la nation, puis une famille le parti, puis un individu la famille, de même il s'était fait d'Etat à Etat un mouvement d'absorption. » ABSOUDRE, v. On a dit absoldre, assoler, assoudre, assoudrer, assouldre; toutes ces formes se trouvent dans le Gloss, de l'anc, langue franç de Sainte-Palaye. Ce mot vient du latin absolvere (delier ) : « Droit est toujours plus près d'absoudre que de condamner. » Cette belle maxime, qui doit être gravée dans le cœur de tous les rois, comme dans celui de tous les juges, se trouve dans les Etablissemens de saint Louis. « Horace, dans le vers suivant de son Epitre à Iccius : Si fortè in medio positorum abstemius herbis, étend cette acception à quelque espèce de mets que ce soit. Les anciens nous offrent très-peu de détails sur ce terme. C'est aux querelles théologiques des Calvinistes et des Luthériens qu'il doit sa célébrité. On l'emploie rarement en français. On ne sait pas pourquoi Rousseau s'en est servi préférablement à celui de nazaréen: c'est sans doute parce qu'il fut élevé parmi les sectes protestantes. Dans le deuxième livre de son Emile, il dit : « Nous serions tous abstèmes, si l'on ne nous eût donné du vin dans nos jeunes ans. » Encyc. mod. tom. 1, pag. 90 (1823). Une religieuse s'accusait d'avoir eu ABSTRAIRE, P. composé de traire, vient du latin abstrahere, également composé de trahere (traire). Abstraire, c'est tirer de, séparer, arracher. On le trouve employé au propre dans J. Le Maire, Illustration des Gaules, liv. 11, pag. 256 : « La noble pucelle Cassandre se voit abstraire par force et violence hors du temple de Minerve. » Regnier Desmarais remarque que déjà de son temps ce mot ne s'employait guère qu'à l'infinitif, et encore très-rarement. C'est aujourd'hui un terme didactique. Leibnitz a employé le participe avec un réABSTINENCE, s. f. du latin abs-gime indirect : « Toute action, dittinentia, proprement l'action de tenir une chose éloignée de soi, et par conséquent de s'en abstenir, de s'en priver. Le philosophe Bernier, qu'on appelait le joli philosophe, disait un jour à Saint-Evremont : « Je vais vous faire une confidence, que je ne ferais pas à mad. de la Sablière, ni même à Mile de Lenclos, que je tiens d'un ordre supérieur je vous dirai donc confidemment, que l'abstinence des plaisirs me paraît un grand pé-il ché.» Abstinence dans le sens de privation de viande est d'un usage trèsancien. J. de Meung a dit en parlant des hypocrites ou faux dévots: Maints pour sembler plus honnestes, Roman de la Rose, v. 16081 et suiv. ABSTRACTION, s. f. enlèvement; c'est le sens propre du latin abstrahere, enlever par force : « Achilles tenant à grand'injure l'abstraction de sa concubine Briséis ». J. LE des Gaules, MAIRE, Illustration liv. 11, pag. 224. Abstraction ne s'emploie depuis long-temps qu'au figuré, pour exprimer une opération de l'esprit par laquelle il considère séparément des choses unies : « Il faut dire que les justes ont le pouvoir prochain en faisant abstraction de tout sens. » PASC. il, est individuelle et non générale, ni abstraite de ses circonstances. » On doit, dit l'abbé Féraud, regarder ce mot, ainsi employé, comme un latinisme. ABSTRAITEMENT, adv. d'une mamot de nière abstraite. C'est un M. Necker: « Il n'a plus qu'à les considérer abstraitement; il met pour correctif, pour ainsi dire. L'Acad. ne porte pas ce mot; il serait utile, et » L'ab. FERAud. manque à la langue. ABUS, s. m. mot pris du latin abusus (mauvais usage). Abusion du latin abusio (action de mal user), se trouve pour abus dans Coquillart, auteur du 15e siècle. «Nous remarquerons, dit La Curne Sainte-Palaye, que le mot abus a été introduit, dans notre langue, à l'occasion du plaidoyer de Cugnière et de Bertrand. Le premier s'étant servi des termes de torts et entrepri ses dont usoit le clergé sur le roi; Bertrand, pour adoucir ces expressions, convertit le mot de torts en celui d'abus, que Gerson fit valoir dans son Traité de la Puissance ecclésiastique. De là l'expression appel comme d'abus. Voy. Pasquier, Rech. liv. 111, pag. 255. » Abus signifie aussi erreur : Alléguer l'impossible aux rois, c'est un abus. LA FONTAINE. ABUSER, v. du latin abusum, supin d'abuti (faire un mauvais usage ). La Curne Sainte-Palaye nous apprend que l'on disait autrefois buser, masser pour abuser, amasser, etc. On dit abuser d'une fille, en jouir | après avoir employé des moyens de séduction. Cette locution se trouve daus la Vulgate, Genèse, ch. 19, v. 8, où Lot dit en ce sens aux habitans de Sodome : « Habeo duas filias quæ necdum cognoverunt virum; educam eas ad vos, et abutemini eis, sicut vobis placuerit » (J'ai deux filles qui n'ont pas encore d'homme, je les amenerai vers vous, et vous en abuserez comme il vous plaira). Mad. de Sévigné a donné à ce mot un sens badin: « Ma fille, j'abuse de vous; voyez quels fagots je vous conte. »> connu ABUSEUR, S. m. celui qui abuse, se trouve dans les Epithètes de De la Porte, pag. 155. Paris, 1571, au mot Mahomet; il est dit : « Cest abuseur du peuple nasquit en une ville de l'Arabic heureuse, nommée la Mèque.» « C'estoient divinateurs, enchanteurs et abuseurs de simple peuple.» RABELAIS, t. IV, pag. 305, édit. de 1732. Bossuet l'a employé comme adjectif : « Nous aurions raison, dit-il, de l'attribuer aux esprits abuseurs,» Ce terme que l'Acad. n'admet qu'en le regardant comme familier, est peu usité de nos jours; il serait utile de le rajeunir sans en borner l'emploi. ABUSION, Voyez ABUS. ABUTER, . viser, tendre à un but, c'est le sens propre. « Il semble que l'ame ébranlée et émue se perde en soy-même, si on ne luy donge prise, et faut toujours lui fournir d'objet où elle s'abutte et agisse. »> MONTAIGNE. On l'emploie encore, suivant l'Ac. dans le sens de jeter des quilles ou des palets vers un but convenu, pour décider qui jouera le premier. ACABIT, s. m. qualité bonne ou mauvaise. « On a dít cap pour chef, tête; mauvais cap, pour méchef, accident, malheur. De là peut-être acabit, formé de cap. Ménage semble avoir considéré ce mot comme une. Ta plume baptise De noms trop doux gens de tel acabit. ACACIA, s. m. Suivant le P. Bouhours, ce mot nous est venu des pays étrangers avec l'arbre qui porte ce nom. « C'est proprement, avons-nous déja dit dans notre Nouveau Dict. des Origines, l'arbre qui donne la gomme arabique, nommé par les Grecs l'arbre sans malice, parce que la piqûre de ses épines n'est suivie d'aucun fàcheux accident. Mais on le confond actuellement avec un arbre originaire de l'Amérique septentrionale, d'où il fut apporté en France, avant l'année 1600, par Vespasien-Robin, professeur de botanique au jardin royal des plantes de Paris, où il le démontrait sous le nom d'acacia americana. » Cet arbre est aujourd'hui très multiplié dans nos jardins où il sert à former de très belles allées. ACADEMICIEN, s. m. Ce nom a d'abord été donné aux disciples de Platon parce qu'ils s'assemblaient dans un lieu nommé Académie (voyez ce mot). Ensuite le mot academie ayant servi à désigner des sociétés savantes, le nom d'académicien a été continué aux membres de ces sociétés. Beauchamp observe « que la comédie des Académistes, pour la réformation de la langue française en 1643... fut réimprimée depuis sous le titre des Académiciens. » Rech. des Théatres, t. 11, pag. 210. Ce passage porterait à croire que le mot académiciens ne serait pas antérieur à 1643, et que les membres de l'Académie française, instituée la pre mière de nos académies (en 1635) auraient d'abord porté le nom d'Academistes. Le titre d'académiste a été conservé aux jeunes gens qui apprenaient l'équitation et l'escrime dans les écoles destinées à ces arts, depuis que ces écoles prirent fastueusement le nom d'académie; mais le titre d'académicien n'a été attaché par l'usage qu'aux gens de lettres et aux savans des quatre académies: la française, celle des sciences, celle des inscriptions et celle des beaux-arts? ACADEMICIENNE, s. f. d'académicien. « Ce mot a été établi au sujet et en faveur de Mme Deshoulières que l'académie d'Arles s'est fait honneur de compter au nombre de ses membres, et qui a été la première du beau sexe qui ait reçu, en France, des lettres d'académicienne, en 1689. » Nouveau Dict. des Origines. ACADEMICITE, s. f. titre, qualité d'académicien. C'est un terme plaisant dont Galiani a cru pouvoir se servir: « Présentez mes félicitations à l'abbé Arnaud sur son academicité. » On ne voit pas pourquoi on ferait difficulté d'employer ce mot dans le style badin ou dans le style épistolaire. ACADEMIE, s. f. en latin academia. Ce nom fut donné dans le principe à un lieu fort agréable et planté d'arbres, à six stades (un quart de lieue) de la ville d'Athènes, où Platon et ses disciples s'assemblaient pour converser sur des matières philosophiques. Le nom d'académie fut pris d'un nommé Académus, riche citoyen d'Athènes, qui en était possesseur, et vivait du temps de Thésée. « Academia fuit locus nemorosus mille passibus distans ab Athenis, et ab Academo quondam Heroe denominatus. In hoc loco fuit villa ubi Plato natus et philosophatus est. Undè academici philosophi dicti sunt qui Platonem sequebantur.» HERMANNUS TORRESTINGS, Dictionarium poeticum. Ciceron, chez les Romains, donna par allusion le nom d'Académie (academia) à une maison de campagne qu'il avait près de Poozzol. Ce fut là qu'il composa les questions que pour cette raison il nomma académi ques. On a donné depuis le nom d'académies à différentes assemblées de savans qui s'appliquent à cultiver les langues, les sciences ou les arts. En ce sens, la première académie dont nous connaissions l'institution est celle que Charlemagne établit par le conseil d'Alcuin. La plupart des nations ont à présent des académies, et la France en compte plusieurs à Paris et quelques-unes dans les départe mens. Académie se dit encore, dans un sens particulier, des lieux où la jeunesse apprend à monter à cheval, et quelquefois à faire des armes, à danser, à voltiger, etc. a Gui Allard dit Pluvinel, élève de Pignatelli de Naples, fut le premier qui établit en France des academies pour monter à cheval. Ce fut lui qui apprit à monter à cheval à Louis XIII. Pour rendre ses écoliers habiles, Pluvinel eut chez lui des maitres qui leur apprenaient à voltiger, à faire des armes, à manier la pique, à danser, à dessiner, à jouer du luth, les mathématiques et les autres sciences nécessaires à un homme de condition. Il honora son école du nom d'académie, et il parait que c'est de là que cette qualification a été attribuée aux établissemens du même genre. » « Le titre d'Académie, dit Voltaire, a été tellement prodigué en France, qu'on l'a donné pendant quelques années à des assemblées de joueurs qu'on appelait autrefois des tripots. On disait académies de jeu. On a même dit une académie d'amour, pour exprimer en termes honnêtes un lieu de prostitution. ACADÉMIE, ÉE. Il se trouve dans un de nos vieux conteurs pour tenir en suspend: «< Tournant ainsi à toutes légéretez et conseils, on demeurerait assez perplex, confus et académié pour ne rien entreprendre. » Contes d'Eutrapel, tom. II. ACADÉMIFIÉ, ÉE, part. qui suppose le verbe académifier, faire académicien. Linguet a dit assez plaisamment : « J'ai l'honneur d'être à peu près autant académifié qu'on peut l'être, et je n'en suis pas plus fier. » ACADÉMISER, V. Diderot, s'adressant aux jeunes élèves de l'Académie de ACALIFOURCHONNÉ, ÉE, part. ACARIATRE, adj. Ce mot qu'on trouve écrit acariastre et achariastre dans nos anciens auteurs, est un de ceux sur lesquels les étymologistes ne Jacques Sylvius, il dérive de saint Tu serois plus hors de sens Que ceux qu'on mène à saint Acaire. EUST. DES CH. Poés. mss. fol. 529, col. 2. Jacques Bourgoing, qui écrit acha- riastre le dérive du grecaxapis (acharis) sans grace, désagréable. La Curné Sainte-Palaye et le P. Labbe le font venir de l'ancien mot care (face, vi- sage) d'où il nous reste encore le verbe accarer, opposer face à face, con- fronter. « Acariâtre, est-il dit, dans le Mercure de France du 15 juin 1779, pag. 133, au lieu de venir de saint Acaire, en latin Acarius, que l'on avait la simplicité d'invoquer autre- fois pour qu'il daignât, par son in- tercession, faire changer le caractère des femmes indociles et revêches, vient naturellement ct sans con- trainte, et sans recourir à aucun mi- tituent mutuellement en celtique } qui signific tete, et du mot bas-bre- ACASANER, . « Ne permet que leurs esprits s'abastardissent ou s'a- casanent en voluptez. » EST. PASQUIER, uns, du latin cabulus, espèce de bé- lier, de machine qui jetait de grosses pierres, d'où l'on avait fait adcabu- lare, ainsi accabler signifierait pro- prement écraser avec des pierres je- tées avec cette machine. Selon les autres, il vient du mot gallois ou cel- tique cablu qui signifie opprimer. Quel usage heureux Corneille et Ra- cine n'ont-ils pas fait de ce verbe A vaincre tant de fois les Etats s'affaiblissent, Et la gloire du trône accable les sujets. Je t'ai comblé de biens, je t'en veux accabler. Ma rivale accablant mon amant de bienfaits Opposait un empire à mes faibles attraits. sage); on a dit care qui se trouve Accaration pour confrontation dans le Glossaire de l'ancienne langue françoise, par La Curne Sainte-Pa- laye. On lit accaratio dans le même sens dans Du Cange, Gloss. latin. ACCAPAREUR, s. m. de l'italien caparra tait pas encore dans le Dictionnaire de l'Académie en 1787. Un écrivain moderne, M. de Salvandy, appelle ACCENT, s. m. dans l'acception |