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spectateurs en font autant. Enfin je me mets à rire de la meilleure grâce du monde; je n'en suis pas plus heureux. J'avoue qu'en cet ins tant je fus totalement, déconcerté. Mon rive ne fut plus qu'une grimace; et tandis que je me battais les flancs pour jouer la gaîté, on lisait dans mes yeux la tristesse la plus pros fonde. En un mot, la provinciale vint à la comédie dans l'intention, de s'y déplaire, et elle s'y déplut; ma réputation, expira, et..... (le pot est vide)».

VOICI, une anecdote qui prouve que quoique la profession de comédien soit fort hono rée en Allemagne, les, acteurs, ne jouissent pas, sous le rapport de la fortune, d'un sort beaucoup plus heureux que le Roscius, anglais dont nous venons de transcrire l'histoire.

Un acteur jouait le principal rôle dans une tragédie. Au cinquième acte, il devait se poi gnarder et tomber sur la scène. Il se tire à merveille de ce coup de théâtre, et tombe tout de son long, les pieds tournés du côté des spectateurs, qui jusqu'alors avaient été attendris jusqu'aux larmes, Malheureusement

pour l'acteur et pour la pièce, ses finances ne lui avaient point permis d'avoir une chaus sure élégante, ou du moins neuve, et il s'était vu obligé de mettre une carte pour boucher un trou qui était à la semelle d'un de ses brodequins: le public s'en aperçut lorsqu'il tomba, et la vue du valet de pique sous le prétendu mort, fit succéder un rire universel aux larmes qui avaient précédé. Le héros humillé se lève, ne fait qu'un saut, disparaît, et la pièce n'est point finie.

- LES Gardes-Suisses avaient une juridiction militaire particulière, et mettaient la plus grande importance à cette prérogative. Leur jalousie à cet égard, portée à l'excès, donna lieu, en 1762, à un événement cruel, qui aurait dû faire sentir tout le danger d'une pareille distinction.

Le chevalier d'Erlach et le comte de Salis, servant tous deux dans ce corps, étaient amis intimes. Leurs sociétés, leur fortune, leurs plaisirs étaient communs, et il était rare qu'on" les rencontrât séparés l'un de l'autre, à moins1 qu'ils n'y fussent forcés par leur service, ou par la nécessité la plus absolue. Se trouvant

ensemble au spectacle, mais dans des loges différentes, M. de Salis alla chercher son camarade, et le tira par son habit pour l'amener près de lui. Celui-ci, occupé apparemment, agréablement, répondit à cet appel d'un ton qui dut paraître en effet plus que brusque à ceux qui ne les connaissaient pas. Des gens officieux qui se trouvaient présents, et qui ignoraient leur intimité, crurent faire un acte de prudence en leur envoyant de suite des gardes de la Connétablie pour éviter toute voie de fait. Dès le lendemain, on les fit comparaître au tribunal des maréchaux de France, où il leur fut ordonné de ne mettre aucune suite à cette affaire, de se réconcilier et de s'embrasser; et il leur fut d'autant moins difficile d'obéir, que ni l'un ni l'autre n'auraient eu le moindre souvenir de ce qui s'était passé, sans la maladresse qui en avait fait une affaire grave.

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Cependant les anciens officiers du régiment n'aperçurent, dans la citation donnée à ces messieurs et dans leur comparution parde-, vant les maréchaux de France, qu'une infraction importante au privilége de leur corps et de leur nation; et voulant en soutenir avec éclat les droits dans leur intégrité, ils s'assem

blèrent, et arrêtèrent, par une délibération formelle, que la réconciliation faite sous l'autorité d'un tribunal incompétent serait regardée comme nulle, et que les deux jeunes gens seraient obligés de se battre ensemble, en présence de quelques-uns de leurs camarades, sous peine d'être renvoyés et dénoncés à leurs cantons, commé ayant porté volontairement atteinte aux droits et prérogatives des corps militaires Suisses au service de France. On leur signifia cet ordre; et comme la dénonciation dont ils étaient menacés pouvait avoir les suites les plus désagréables pour leurs familles, ils se crurent obligés de s'y conformer. Les deux amis se rendirent chez le suisse de la porte Maillot, au bois de Boulogne, où ils avaient fait préparer un grand déjeûner, auquel ils affectèrent d'inviter, avec plusieurs de leurs camarades, quelques officiers aux Gardes-Françaises. Rien n'avait moins l'air du prélude d'une affaire sérieuse; et ils assaisonnèrent au contraire le repas de toute la gaîté de leur âge. Mais au moment où l'on n'était occupé que des plaisirs de la table et du rassemblement, ils s'échappèrent avec quatre témoins, et les convives, un quart-d'heure après, virent rapporter le comte de Salis percé

d'un grand coup d'épée au côté, et accompagné du chevalier d'Erlach dans la plus extrême désolation. Heureusement la blessure ne fut pas mortelle; mais elle le retint au lit six semaines, pendant lesquelles le chevalier n'abandonna son ami ni jour, ni nuit. Ils énvoyèrent d'après cela, et d'un commun accord, leur démission i mais on ne voulut pas l'accepter; et ils furent obligés de céder aux instances de l'estime et de l'amitié dont tout le corps leur prodigua les témoignages les plus flatteurs.

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CE même comte de Salis a été depuis victime de sa sensibilité. Il avait épousé une trèsjolie femme, dont il était extrêmement épris, et qui lui apporta en dot la naissance, la fortune et toutes les grâces qui devaient assurer le bonheur de sa vie. La connaissance plús approfondie de ses qualités ne fit qu'aughienter sa passion, et c'était avec la plus grande peine qu'il se voyait forcé quelquefois, par son service, de se séparer de celle qu'll aimait à si juste titre. Le troisième mois de son mariage, obligé d'aller passer huit jours à Versailles pour monter sa garde, il quitta sa femme

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