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société ne permettant pas de lui donner un prompt secours, il resta assez long-temps dans cette cruelle position, et n'en fut délivré que par l'assistance d'un menuisier, qui, avec ses instruments, cerna la boiserie et le dégagea de

Son entrave.

Le duc d'Orléans, qui voulait s'amuser de son humeur, et savoir jusqu'où il pouvait la porter, lui proposa de faire la partie d'un soidisant grand seigneur allemand, qu'il dit lui avoir été présenté, et qui jouait fort gros jeu. On les met tête à tête à un piquet, et le comte d'Osmond, qui le jouait parfaitement, fut fort étonné de se trouver presque tous les coups repic et capot: il perdit bientôt des sommes énormes; mais la présence du prince le retint dans les bornes de l'honnêteté, autant du moins que sa vivacité put le lui permettre. La partie terminée, il se leva, et se disposait à payer, lorsque son adversaire lui annonça modestement qu'il ne pouvait recevoir son argent, et lui dit : « Monsieur le comte, vous << avez cru changer de cartes tous les coups, << et vous n'avez jamais joué qu'avec ce jeu « (en lui en montrant un qu'il fit sortir de sa « manche) : vous n'en douterez pas quand je << vous avouerai que je suis Comus ». C'était

en effet ce célèbre escamoteur, que le due d'Orléans avait mandé pour se divertir aux dépens du comte.

LE marquis de Cremeaux d'Entragues, grand-fauconnier de France, l'un des plus beaux hommes et des plus élégants de la cour, était si généralement aimé et estimé que, quoique comblé des faveurs du roi, il n'avait jamais excité l'envie, et que tout ce qu'il y avait de plus distingué à Paris et à Versailles cherchait à le prendre pour modèle. Un de ses amis lui demandait comment, devant être par ses succès dans tous les genres, l'objet de la jalousie de son sexe, il était parvenu à s'en faire chérir aussi unanimement. « C'est que << j'ai toujours eu pour principe, répondit-il, « de ne point entrer dans les intrigues, de ne << heurter aucune ambition, d'employer beau«coup de coquetterie auprès des hommes, et « d'être sans prétentions avec les femmes ».

Il avait cependant celle de s'établir en toute occasion le défenseur du beau sexe; mais c'était toujours avec une aménité qui ne pouvait blesser ceux mêmes auxquels il semblait faire une leçon sévère. Se trouvant souvent dans

le cas d'entendre en société dénigrer l'honnêteté de quelques femmes, en leur attribuant comme amants favorisés les hommes qu'elles recevaient le plus habituellement chez elles, il ne manquait pas de demander à celui qui tenait cet imprudent propos : « Monsieur, << l'avez-vous vu? - Non.... mais.... En ce <<< cas-là vous nous mettez bien à notre aise, « en nous permettant de croire que ceux qui « vous l'ont dit s'en sont rapportés, comme << cela arrive trop fréquemment, à de fausses << apparences, ou ont eu quelque intérêt à « vous tromper sur un objet aussi essentiel à «la réputation de cette femme ». Un jeune. homme, qui avait déjà essuyé quelquefois cette petite réprimande, crut l'embarrasser, en lui répondant : « Oui, monsieur, je l'ai vu.— «< En ce cas, répliqua le marquis d'Entragues, << elle a dû compter sur la discrétion d'un <<< homme honnête, et je vous remercie d'a<< yoir la même confiance en la nôtre »>,

La princesse de Poix jouant au billard avec lui: «H faut, dit-elle, que je sois bien mala<< droite, je ne peux pas toucher une bille, «Princesse, répondit le marquis, c'est «< qu'une bille n'est pas un cœur. »

Dans une société, composée sans doute en

partie de maris jaloux et peu délicats, on lui' demanda si, étant marié et pouvant avoir quelque soupçon sur la conduite de sa femme, il ne se croirait pas autorisé à intercepter et lire les lettres qui lui seraient adressées. Non, <«< certainement, répondit-il; pourquoi don« nerai-je à celle que je dois honorer et aimer « la préférence d'un procédé que je n'oserais << me permettre vis-à-vis un étranger? >>

On croit que le marquis d'Entragues eut, pour une femme très-connue par son esprit et sa beauté, madame de Caze, un attachement dont la médisance même respecta l'honnêteté et la constance. Ayant eu le malheur de perdre cette amie, à laquelle il donna les plus tendres soins jusqu'à ses derniers moments, il tomba dans une sombre mélancolie, et ne lui survécut que peu de temps.

L'IMPERATRICE DE RUSSIE avait envoyé à Voltaire une boîte d'ivoire qu'elle avait faite au tour. Cette boîte donna à ce célèbre écrivain l'idée d'une plaisanterie. Après avoir pris quelques leçons de sa nièce, il envoya à Catherine, en retour de son cadeau, le commencement d'une paire de bas de soie blancs

tricotés de sa main, et accompagnés d'une épître dans laquelle il mandait à l'impératrice qu'ayant reçu d'elle un ouvrage d'homme travaillé par une femme, il priait sa majesić d'accepter un ouvrage de femme sorti des mains d'un homme. On tient cette anecdote très-peu connue, d'une personne qui se trouvant à Ferney, à cette époque, eut le plaisir de voir tricoter Voltaire.

M. TURGOT alla voir un jour Voltaire chez M. le marquis de Villette. Ah! vous voilà M. Turgot, lui dit Voltaire, comment vous portez vous? J'ai beaucoup de peine à mar cher, répondit le ministre, la goutte me tourmente.-Ah, messieurs, s'écria Voltaire, en s'adressant à ceux qui étaient présents : Toutes les fois que je vois M. Turgot, je crois voir Nabuchodonosor.- Oui, les pieds d'argile, répondit le ministre.-Et la tête d'or, répliqua Voltaire.

MONSIEUR le prince, de Ligne raconte qu'é tant au château de Ferney, un marchand de chapeaux et de souliers gris, entre tout d'un

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