Page images
PDF
EPUB

nouveau sujet de reproches à sa fille, et ne craignit pas d'outre-passer dans sa résistance le terme que la loi mettait à son autorité. Enfin, intervint arrêt définitif du parlement de Paris, qui, suppléant au consentement paternel, permit le mariage entre les deux jeunes gens alors majeurs, et assigna même une partie des biens du père pour la dot de la demoiselle.

M. le Monier, furieux de l'arrêt qui le condamnait, se remaria aussitôt, dans l'espoir d'avoir d'autres enfants, en faveur desquels il pourrait disposer du reste de sa fortune. Mais ce second mariage, bien loin de lui ap porter les consolations qu'il en attendait, ne servit qu'à mettre le comble à ses infortunes. Le comte de Mirabeau trouva le moyen de s'introduire dans sa maison. Abusant de la confiance du mari, dont il avait l'air de par tager les anciens ressentiments, il séduisit sans peine une jeune femme, aussi inexpérimentée que romanesque, et l'engagea à fuir avec lui dans les pays étrangers, emportant avec elle ses diamants, ses bijoux, et tout l'or qu'elle put dérober à son époux. Ils se retirè rent ensemble à Genève.

On pense que M. le Monier n'hésita pas à

par

réclamer la vengeance des lois contre un crime aussi atroce, et qu'il suivit sa plainte avec toute l'ardeur de l'homme le plus cruellement outragé. Mirabeau fut condamné par contumace au supplice le plus infamant: mais, aidé du crédit de sa famille, il trouva le moyen d'intéresser en sa faveur l'autorité royale, en livrant lui-même sa maîtresse, que l'on vint arrêter à Genève, pour ainsi dire entre ses bras, et qu'on conduisit à Paris, pour y être enfermée lettre de cachet dans un cou. vent. Il eut encore l'adresse de cacher à sa victime cette horrible trahison, et garda là cassette, qui sans doute était le premier objet de ses vœux. Se rendant ensuite en France, selon qu'il en était convenu avec le ministère, il fut mis au château de Vincennes par ordre du roi, qui voulut bien ainsi le soustraire aux poursuites de la justice. C'est de là que, s'appuyant sur l'insouciance immorale de M. de Maurepas, il établit, sous l'autorisation formelle de ce ministre, avec sa Sophie (madame le Monier), cette correspondance qu'il a fait imprimer depuis; ouvrage d'un esprit exalté, et que l'homme honnête ne peut lire sans indignation, en voyant profaner les mots d'honneur et de vertu dans

1

une cause aussi odieuse, et par un organe aussi impur.

Les circonstances et la faveur rendirent bientôt au comte de Mirabeau sa liberté, dont il n'usa que pour se montrer fils dénaturé, époux barbare. Nommé député aux étatsgénéraux par la sénéchaussée d'Aix, on sait comment il justifia tout ce qu'on pouvait attendre d'un pareil choix.

M. DE NEDOUCHEL était un anglomane déterminé. Un jour il était à cheval à la portière de la voiture du roi qui allait à Choisy. Il avait fait de la pluie, et M. de Nedouchel, trottant dans la boue, éclaboussait le roi, qui, mettant la tête à la portière, lui dit : M. de Nedouchel, vous me crottez.- Oui, sire, à l'anglaise, répondit d'un air très-satisfait de Jui-même M. de Nedouchel, qui, au lieu du mot crottez, avait entendu trottez. Louis XV, sans se douter de la méprise, se contenta de lever les glaces en disant avec bonhomie : voilà un trait d'anglomanie qui est un peu fort.

1

EN 1777, temps où l'on commença le superbe édifice de l'église de Sainte-Geneviève à Paris, il courut une pièce de vers latins, qui semble avoir été la prédiction des hor

reurs que l'impiété a produites depuis en France, seize ou dix-sept ans après.

Templum augustum, ingens, reginà assurgit in urbe,
Urbe et patronâ virgine digna domus.
Tarda nimis Pietas, vanos moliris honores!
Non sunt hæc factis tempora digna tuis.
Antè Deo summâ quam templum extruxeris urbe,
Impietas templis tollet et urbe Deum.

Ces vers ont été traduits ainsi qu'il suit :

Il s'élève à Paris un temple auguste, immense,
Digne de Geneviève et des vœux de la France.
Tardive Piété ! dans ce siècle pervers,
Tu prépares en vain des monuments divers.
Avant qu'il soit fini, ce temple magnifique,
Les Saints et Dieu seront proscrits,
Par la secte philosophique,
Et des Temples et de Paris.

La comédie des Philosophes, par Palissot; fut jouée à Nancy, sous les auspices du roi Stanislas, et imprimée peu après. Cet auteur avait cru pouvoir se permettre sans conséquence de jeter, en excellents vers, un ridi

cule public sur des littérateurs qui abusaient de leurs talents pour pervertir les premières bases de la morale et de l'ordre social. Mais il n'en fallut pas davantage pour réunir contre l'auteur cette secte philosophique, qui dès lors formait déjà un corps redoutable. M. Palissot lutta courageusement contre une coalition aussi ardente, et parvint, malgré toutes les oppositions, à obtenir, en 1759, que sa pièce fût jouée sur le Théâtre - Français à Paris. Le jour de la première représentation semblait devoir être très-orageux. Deux cabales furieuses se préparaient à combattre, et * l'on annonçait hautement le plus violent tumulte. Mais la fermeté du maréchal de Biron sut prévenir tous ces excès. En descendant de sa voiture à l'entrée du spectacle, il appela le sergent de garde, et lui demanda publiquement si le doublement de la garde qu'il avait ordonné était arrivé? Sur la réponse affirmative, il ordonna que les sentinelles du parterre fussent renforcées, qu'on arrêtat indistinctement ceux qui feraient le plus léger bruit, et ceux qui paraîtraient vouloir le favoriser; il ajouta que, dans le cas où le tumulte augmenterait, une partie du doublement se porterait les armes hautes dans l'or

« PreviousContinue »