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qui lui avait été si bien indiquée, demande mademoiselle Adélaïde, lui dit que sa maîtresse doit dîner, comme elle le sait bien, rue de Gaillon, chez madame de ***; que cette dernière, devant avoir plus de monde qu'elle n'en attendait, a demandé à son amie douze couverts à emprunter, et qu'il s'est chargé de les venir prendre. «Mais comme vous ne me << connaissez pas, ajoute-t-il, et que vous êtes « trop prudente pour les confier à un inconnu, « elle m'a remis sa boîte pour certifier ma mis«sion ». La bonne Adélaïde, à la vue de la boîte, n'imagine pas de concevoir le moindre soupçon, et ne pouvant quitter la maison en l'absence de sa maîtresse, remet les douzé couverts, avec lesquels le filou, fort content du succès de ses deux escroqueries, s'évade bien vite.

M. LENOIR étant chez M. le duc d'Orléans (Louis), qui l'accueillait toujours avec la plus grande bonté, la conversation tomba sur les différents tours d'adresse des filoux, dont on raconta beaucoup d'histoires extraordinaires. Le prince soutint que c'était la faute de ceux qui en étaient dupes; qu'en ne se mettant pas

dans les foules, ou s'y tenant sur ses gardes, on ne pourrait pas en être victime. M. Lenoir lui répondit qu'il était moins que tout autre en état d'en juger, étant toujours orné de ses décorations, entouré de sa cour, ne pouvant être approché que par ceux qui avaient l'honneur d'être connus de Son Altesse, et la foule s'écartant dès qu'il se présentait; mais que si Son Altesse voulait aller trois ou quatre fois en simple particulier, sans prendre aucune précaution extraordinaire, on lui escamoterait très- aisément sa montre ou sa boîte dans sa poche, sans qu'il s'en doutât. Le prince offrit de parier qu'on ne le volerait pas, se réservant seulement de ne pas aller dans les foules, et le défi fut accepté.

Dès le lendemain M. Lenoir vint chercher le prince qui se revêtit d'une simple redingote, et ils allèrent ensemble sur les boulevards neufs, l'un des endroits les moins fréquentés de Paris. Ils mirent pied à terre et passèrent la barrière où ils laissèrent leur suite. Une conversation intéressante, et la solitude du lieu écarté où ils se trouvaient, firent bientôt oublier le motif de la promenade; mais à peine eurent-ils fait deux cents pas dans la campagne, qu'ils aperçurent auprès

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d'une cahute une femme du peuple qui battait avec la plus grande inhumanité son enfant âgé d'environ dix ans. M. le duc d'Orléans, qui était bon et extrêmement sensible, alla tout de suite à cette femme, et lui représentant sa barbarie, tâcha de l'adoucir; mais cette mégère en fureur s'écria : « Ah! mon«sieur, ne prenez pas son parti, vous ne sa«vez pas toutes les sottises qu'il me fait; c'est « un petit coquin, etc. » Le jeune enfant, qui portait une figure intéressante, vint se jeter tout en larmes dans les bras de son intercesseur, pour se mettre à l'abri des coups de sa mère, qui à la fin se laissa fléchir. «< Eh bien! «monseigneur, dit M. Lenoir, vous croirez « dorénavant à l'adresse des filoux? - Com «ment donc!-Regardez dans votre poche. >> Le duc d'Orléans se fouille, et ne trouve plus sa boîte. Indigné de ce qu'un enfant aussi jeune recevait une telle éducation, il voulut le retirer du crime, ainsi que de la prison, d'où M. Lenoir l'avait fait sortir pour jouer cette scène, et se chargea de le faire élever dans une pension. Mais il est bien difficile que le germe du vice, développé avec l'enfance, ait été totalement détruit.

M. DUVAUR, auteur d'une faible comédie, intitulée le Faux Savant, pièce qui cependant est restée au théâtre, en avait présenté une autre, sous le titre du Mendiant, aux comédiens français qui la refusèrent. Il crut être plus heureux en province, et parvint à la faire jouer à Lyon. Pendant la représentation, il était placé entre les deux premières coulisses, de manière à être vu de tous les spectateurs, une grande canne dans une main,-son rouleau de papier dans l'autre; et pour diriger les acteurs, à la figure la plus hétéroclite rendue encore plus singulière par une énorme perruque noire, il ajoutait des mouvements si convulsifs, qu'il avait l'air 'd'un démoniaque. Un jeune peintre, frappé d'un costume aussi original, se hâta d'en faire, au crayon, une caricature également ressemblante et plaisante, sous laquelle on mit ce quatrain:

Du faux savant c'est ici la cppie:

Jadis il reçut votre encens;

Mais aujourd'hui vous voyez qu'il mendie
Par charité donnez-lui du bon sens.

Cette facétie, dont en un instant il se rẻ

pandit ces copies dans toute la salle, contribua peut-être autant à faire tomber la pièce que les platitudes qui y étaient multipliées.

On faisait compliment à madame Denys, nièce de Voltaire, sur la manière dont elle venait de jouer le rôle de Zaïre sur le théâtre de son oncle. « Il faudrait pour ce rôle-là, « répondit-elle, être jeune et jolie. Ah! «madame, répliqua naïvement le compli« menteur, vous êtes bien la preuve du con

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LES comédiens français mettaient depuis long-temps sur leurs affiches, en attendant la première représentation de Guillaume Tell. Madame de V*** peu instruite de l'histoire, et n'ayant aucune notion sur les annales helvétiques, disait de bonne foi: « Il serait bien << temps de nous donner enfin ce Guillaume Hup so yov kne, 17 <«<< un tel».

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Cette même madame de V*** étant un jour à un dîner, où se trouvaient un grand nombre

de

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personnes distinguées par leur naissance

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