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province, pour y tenir les assemblées primaires des Etats-Généraux de 1789; et ces mêmes salles où le connétable présidait aux conseils tenus par la fidélité, aux discussions agitées par les plus illustres chevaliers du temps, pour la défense du royaume, devenues, sous nos yeux, le théâtre des passions les plus orageuses, ont été le berceau de la révolution qui a renversé momentanément l'antique édifice de la monarchie française.

Après la mort du connétable, son cœur fut déposé à Valence, où il était décédé; son corps fut transporté dans sa terre de Lesdiguières, située dans les plus âpres montagnes du Dauphiné, et placé dans un sépulcre que lui-même y avait fait construire, sous la direction de Jacob Richier, célèbre sculpteur de ce tempslà. Le mausolée de ce grand homme, tel qu'on le voyait encore en 1791, dans la chapelle da château, présentait un piedestal de marbre noir, enrichi de quatre basses-tailles de marbre blanc, sur chacune desquelles étaient sculptées en relief les principales actions du héros la prise de Grenoble, la bataille de Pontcharra, le combat des Molettes, et la prise du fort Barreau. Au-dessus était élevé un vase de marbre noir, où reposait l'effigie du con

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nétable, en même marbre, couchée et armée de toutes pièces, selon l'usage du temps. Aux deux côtés, deux anges, en marbre blanc, soutenaient une table de marbre noir pour l'épitaphe. Au plus haut paraissaient les armoiries en marbre blanc, entourées de trophées; le tout enrichi de moulures, corniches, pointes de diamants et autres ornements curieux. L'armure personnelle du connétable, son casque, sa cuirasse, son épée, et autres objets accessoires, surmontaient ce monument, qui était l'objet de la curiosité et de la vénération publique.

Dans le même caveau, au-dessous de ce mausolée, étaient des cercueils en plomb, où reposaient les cendres du connétable, du maréchal de Créqui, son gendre, de la maréchale sa fille, et de plusieurs autres de ses parents. On ne pouvait y descendre sans un frémissement religieux, qui semblait annoncer la présence de ces êtres privilégiés par le ciel et la nature. Mais est-il quelque asile sacré contre la férocité spoliatrice des monstres qui n'ont pas même respecté les autels! On a profané ces tombeaux; la cupidité s'est emparée des couvercles des cercueils; mais elle a tremble au moment de déplacer les corps, et les a

laissés intacts, exposés aux injures de l'air. Ils ont demeuré ainsi plusieurs années, jusqu'au moment où le retour de la tranquillitë publique a permis de songer à recueillir ces restes précieux. On s'est alors occupé de les rassembler avec soin, et de les remettre dans le plus grand ordre. Mais le corps du connétable s'est trouvé le plus corrompu, et le crâne en était séparé. On l'a cherché avec la plus grande sollicitude, et on a enfin découvert qu'il était dans un coin du caveau, et que, par une vicissitude sans doute naturelle, mais bien extraordinaire, cette tête, qui fit si souvent trembler les ennemis de la France, qui fut si long-temps le plus ferme appui du trône, cette tête, dans laquelle reposaient les secrets de l'Etat et les intérêts de l'Europe, servait de nid à des rats qui y avaient établi leur domicile.

le

Ces cendres respectables ont été transportées, depuis quelques années, ainsi que mausolée, quoique fort mutilé, dans la ville de Gap. Mais déjà, en 1791, le superbe château de Lesdiguières, composé autrefois de six grosses tours, renfermant deux grands corpsde-logis, environné de fossés revêtus de pontlevis,

ne présentait plus qu'un monceau de

ruines, au milieu desquelles subsistaient seulement la chapelle et les monuments funèbres, que le voyageur sensible allait admirer avec intérêt.

La chaîne d'or de Bayard, du chevalier sans peur et sans reproche, avait passé par héritage à des descendants collatéraux de cette illustre maison, et devait sans doute en être le trésor le plus précieux. Celui qui en était le possesseur en 1789, follement enthousiasmé du jeu du comédien Larive, dans la tragédie qui porte le nom de ce héros (Gaston et Bayard) en fit présent à cet acteur, et crut ainsi rendre hommage à la mémoire de son ancêtre. Larive la donna peu après au marquis de la Fayette.

Cette famille possédoit aussi le cor d'ivoire, on cornet du paladin Roland, dont elle prouvait sa glorieuse descendance. Elle l'avait déposé aux archives du chapitre de Lyon, où il était conservé avec soin à l'Ile-Barbe. La révolution a confondu ce monument pré cieux avec tous les objets de sa fureur; et on l'a vu depuis entre les mains d'un pâtre qui s'en servait pour rappeler ses troupeaux.

Le château de Bayard à Pontcharra, dans lequel les dignes héritiers de ce grand homme. (d'un autre nom et d'une autre branche que celle dont on vient de parler) avaient conservé avec un respect religieux son armure, et jusqu'à l'ameublement de sa chambre, après avoir passé, par l'effet de la révolution, entre les mains de différents possesseurs, est à présent occupé par un ouvrier de Grenoble; et la famille de Noinville n'a pu recouvrer sur un héritage aussi précieux que quelques fonds épars, dont les communes s'étaient emparées illégalement, et que l'autorité des lois les a forcées de restituer.

L'ÉVÊQUE de ***, connu par son avidité, revenant de son séminaire où il avait passé quelque temps, parlait avec emphase du désintéressement de tous ses ecclésiastiques qui ne faisaient aucun cas ni des bénéfices ni des richesses, et qui même s'en moquaient. Ils s'en moquent, dit le roi, et vous, vous vous moquéz d'eux.

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