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informé de ce petit mystère, et fit transférer à la Bastille l'agent de Sa Majesté, sous prétexte qu'il faisait un commerce de livres prohibés. Le roi ayant trouvé sa cassette vide pendant quelques jours, ne voyant point d'ail leurs paraître Blaizot, envoya chez lui, et fut très-surpris d'apprendre qu'il était détenu par son ordre à la Bastille. Indigné de cet abus de son autorité, il manda aussitôt le baron de Breteuil, qu'il traita avec la plus grande sévérité, le chargeant de rendre tout de suite la liberté à ce malheureux libraire, de lui donner à ses frais un dédommagement proportionné au tort qu'il lui avait fait; et ce ne fut qu'à la considération de la reine, qui intervint en faveur du ministre, qu'il voulut bien borner là sa punition (*).

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M. JOLI de FLEURY, qui a eu peu de temps la place de contrôleur général des finances dans l'intervalle des différents ministres dont on vient de parler, ne s'y est fait remarquer que par quelques édits bursaux, et par la manière plaisante dont ils ont été chansonnés en style poissard.

Pour l'intelligence des couplets qui sui

vent, il faut savoir que M. Joli de Fleury, frère du procureur général et de l'avocat général, petit homme, d'une figure basse, avait fait enregistrer au Parlement un édit précédé d'un préambule fort séduisant, édit par lequel il augmentait les droits sur le sel, et qui, par la contexture adroite du dispositif, paraissait diminuer l'impôt sur le bois, tandis qu'il l'augmentait réellement.

Sur l'air : Voulez-vous que de Fanchette,

L'AS-TU donc lu, ma commère,
L'as-tu lu, ce fameux édit,

Enregistré sans mystère

Par nos pèr' circoncis?

Comme il nous rançonne !

Comme il nous ramone!

Si c'est du fleuri,

Ce n'est pas du joli.

Queuq' j'irons faire aux guinguettes,

Si le sel est renchéri ?

Adieu l'fin de nos goguettes ;
Car c'est li q'en fait tout l'prix.
Comme il nous rançonne! etc.

11 veut de la bell' manière,
Nous faire avaler l'gougeon;
Mais si la sauce est si chère,
Que ferons-nous du poisson ?
Comine il nous rançonne ! etc.

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Pour nous voler deux fagots;

Il nous prend pour des balourdes,
Ce vilain p'tit escargot.

Comme il nous rançonne! etc.

Comment, avec l'am' si juive,
A-t-is épargné l'jambon ?
C'est qu'il est très-bon convive,
Et de null' religion.

Comme il nous rançonne! etc.
V'la c' qu'c'est qu'd'avoir d'l'alliance
Dans la cour du parlement;

On s'permet avec confiance.
'D'être un mauvais garnement.
Comme il nous rançonne!
Comme il nous ramone!
Si c'est du fleuri,

Ce n'est pas du joli.

Si la courte durée du ministère de M. d'Ormesson ne me permet pas des détails sur ses opérations en finance, j'aurai du moins la satisfaction de rendre hommage aux vertus de l'homme respectable qui ne céda qu'aux bontés de son souverain, en acceptant malgré lui une place qui était l'objet de l'ambition générale.

Héritier des grandes qualités qui avaient distingué ses ancêtres, élève et neveu du digne magistrat que le vœu public désirait si

ardemment à la tête du Parlement de Paris, lorsque son rang et la justice du roi l'y appelèrent, il parvint fort jeune à la dignité de conseiller d'état. Louis XVI, qui depuis longtemps remarquait son assiduité au travail, qui connaissait également sa capacité et sa mo'destie, et qui était persuadé que l'incorruptible probité était le premier titre à sa confiance, lui offrit le ministère des finances. M. d'Ormesson crut ne pouvoir répondre à une faveur aussi inattendue, qu'en s'y refusant, sous prétexte de sa jeunesse, qui ne lui permettait pas d'avoir acquis les talents et l'expérience nécessaires pour une place aussi importante. « Je n'ignore pas, lui dit le « monarque, que l'un de vos aïeux refusa «< cette même place, et que Charles IX, qui <«la lui avait offerte, dit hautement : il faut « que mes finances soient en bien mauvais « état, puisque les plus honnêtes gens de << mon royaume ne veulent pas s'en charger. « C'est à ce même titre que je vous choisis, « et j'espère que votre refus n'a pas le même << motif. Vous êtes jeune, mais je le suis plus « que vous, et j'ai un bien plus grand far«deau à soutenir : nous nous aiderons l'un <<< et l'autre ».

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Il n'était plus possible de résister à des ordres aussi pressants et donnés avec tant d'intérêt. M. d'Ormesson, contrôleur général des finances, s'acquitta, dès les premiers moments de cet emploi, avec le zèle et la scrupuleuse honnêteté qu'il mettait à tous ses devoirs. Cependant son ministère fut de courte durée: on eut quelques inquiétudes sur la caisse d'es compte, dont les paiements éprouvèrent un retard momentané. L'intervention du gouvernement sur un établissement entièrement

soumis à la confiance publique, augmenta le tumulte. Les ennemis de M. d'Ormesson ne manquèrent pas d'en'aggraver le danger auprès du roi, et lui persuadèrent qu'il ne pouvait en prévenir les suites, qu'en sacrifiant son contrôleur général. M. d'Ormesson se démit sans peine d'une place qu'il n'avait point ambitionnée, et resta l'ami de son souverain, qui lui conserva son estime et la direction de Saint-Cyr, par laquelle il se trouvait dans le cas de travailler directement avec Sa Majesté, sur des détails de confiance intime.

APRÈS avoir parlé de M. d'Ormesson, con

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