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beaucoup de sévérité. L'officier répond de temps en temps par des révérences respectueuses et un léger sourire, qui, irritant le maréchal, l'engage à tenir les propos les plus amers, accompagnés de dures menaces. Enfin, l'officier profitant d'un moment de silence: « Je suis bien fâché, dit-il, de n'avoir pu en<<< tendre toutes les choses obligeantes que « M. le maréchal a bien voulu me dire; mais <<< je suis un peu sourd. » Le maréchal, qui l'était en effet lui-même autant que l'officier affectait probablement de l'être, s'étant fait répéter ce qu'il disait, fut très-confondu d'avoir employé autant de paroles inutilement.

MONSIEUR le comte de V....avait une femme extrêmement galante, et dont les désordres étaient tellement publics qu'il résolut de la faire enfermer; mais elle prévint son dessein, et s'évada avec un jeune Mousquetaire. Le lendemain on fit courir dans Paris l'épigramme: suivante:

Connaissez-vous monsieur V....
Sa femme, chevalière errante,
Dans Paris hier s'égara;

Il promet mille écus de rente
A celui qui..... la gardera.

M. DE GARNERAN, premier président du parlement de Trévoux, était un magistrat savant, intègre, éclairé, mais vif, impatient, emporté même quand il éprouvait la plus légère contradiction. Se trouvant à une assemblée publique de l'académie de Lyon, dont il était membre, il annonça qu'il allait lire un discours sur la modération. On fit le plus grand silence, et il commença ainsi : « Messieurs, « la modération.... Fermez cette porte... Mes<«<sieurs, la modération est une..... Voulez« vous bien fermer cette porte..... Messieurs, <<< la modération est une vertu..... Sacrebl..... << fermerez-vous cette porte? »

M. de Flesselles, nommé premier président du Conseil supérieur de Lyon, à l'époque des innovations entreprises par le chancelier Maupeou, fut chargé de la suppression du parlement de Trévoux. Il se rendit dans cette ville, assembla les magistrats au Palais, et, après un discours aussi honnête qu'analogue à cette circonstance, il leur intima les ordres

dont il était dépositaire. M. de Garneran répondit en peu de mots que son premier devoir était d'obéir aux ordres de son souverain, quel que fût l'organe par lequel il lui plût de les faire signifier, et quittant aussitôt sa place, accompagné de tout son corps, il se disposa à sortir de la salle. Mais les portes s'ouvrant, il aperçut son laquais, et jetant à l'instant à terre sa simarre et son mortier: «< An« toine, s'écria-t-il, ramasse cela; ce n'est plus « bon que pour des valets ».

Pour sentir la dureté de ce sarcasme, il faut savoir que le père de M. de Flesselles avait porté la livrée, et que cette désagréable anecdote était consignée de la manière la plus authentique dans la Correspondance, ouvrage répandu avec la plus grande profusion.

On sait à quel point a été porté l'engouement de beaucoup de gens pour le prétendu comte de Cagliostro, à qui ses sectateurs attribuaient jusqu'à une puissance surnaturelle. La crédulité en ce fameux charlatan a donné lieu à une aventure assez extraordinaire à Metz.

(*) Un bon bourgeois de cette ville, qui avait

une femme jeune et jolie, ayant été obligé de s'absenter pendant trois mois, et craignant les événements dont son honneur aurait pu être victime dans ce laps de temps, imagina à son retour de dire à sa femme, qu'il savait un peu superstitieuse, qu'il avait été consulter à Strasbourg le comte de Cagliostro, et lui avait fait part de ses craintes sur l'observation de la fidélité conjugale en son absence; que celui-ci Jui avait donné une fiole contenant une liqueur qu'il devait boire en se couchant avec elle, et au moyen de laquelle, si ses craintes étaient fondées, il serait le lendemain métamorphosé en chat. La jeune femme rit beaucoup de la crédulité de son mari, qui, en se mettant au lit, avala le breuvage ordonné, et elle n'oublia rien pour dissiper, par les plus tendres caresses, d'aussi sottes idées. Après la nuit la plus heureuse, elle se lève la première, entre dans son cabinet, s'habille, revient dans la chambre, ouvre les fenêtres, et n'entendant point remuer son mari, tire les rideaux pour le réveiller. Mais quel fut son étonnement quand elle n'aperçut dans le lit, à sa place, qu'un gros chat noir qui était mort. Elle se doute aussitôt de la ruse, et fait semblant d'en être dupe. Elle jette les hauts

cris, appelle son mari, personne ne répond. Alors elle fait retentir l'appartement de sa feinte douleur, et s'écrie : « Ah! faut-il donc

que j'aie perdu le meilleur des maris pour << une seule fois que je lui ai été infidèle ! ah! << maudit officier....... » A ces mots, le mari sort furieux de dessous le lit où il s'était caché en mettant le chat noir à sa place. A cette apparition, la femme part d'un grand éclat de rire, et avoue que, s'étant doutée du tour que son mari voulait lui jouer, elle a été bien aise de le lui rendre, pour le punir d'une jalousie déplacée qui fait le malheur de son ménage. Le pauvre époux, honteux de se trouver pris dans son propre piége, eut beaucoup de peine à calmer sa douce moitié, qui, à son tour, montrait la plus vive colère, et, soit qu'il la crût ou non, il jura de renoncer dorénavant à toute espèce d'épreuves; mais il se promit intérieurement de ne point recevoir d'officier chez lui, et de ne plus faire d'absence. (*)

gens

Le comte de Cagliostro, dont tant de honnêtes ont été si cruellement dupes, était né à Naples dans la classe la plus abjecte, et ti

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