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CB40

DE

LA BRUYÈRE,

SUIVIS DES

CARACTÈRES DE THEOPHRASTE.

NOUVELLE ÉDITION.

AZ 2745

PARIS.

EUGÈNE ET VICTOR PENAUD FRÈRES, ÉDITEURS,

RUE DU FAUBOURG-MONTMARTRE, 10.

[1851]

LIOTHEQUE CANTONAL

LAUSANNE

UNIVERSITAIR

DON

SUR LA PERSONNE ET LES ÉCRITS

DE LA BRUYÈRE

PAR M. SUARD,

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE.

JEAN DE LA BRUYÈRE naquit à Dourdan en 1639. Il venait d'acheter une charge de trésorier de France à Caen, lorsque Bossuet le fit venir à Paris pour enseigner l'histoire à M. le Duc; et il resta jusqu'à la fin de sa vie attaché au prince en qualité d'homme de lettres, avec mille écus de pension. Il publia son livre des Caractères en 1687, fut reçu à l'Académie française en 1693, et mourut en 1696.

Voilà tout ce que l'histoire littéraire nous apprend de cet écrivain, à qui nous devons un des meilleurs ouvrages qui existent dans aucune langue; ouvrage qui, par le succès qu'il eut dès sa naissance, dut attirer les yeux du public sur son auteur, dans ce beau règne où l'attention que le monarque donnait aux productions du génie réfléchissait sur les grands talents un éclat dont il ne reste plus que le souvenir.

On ne connaît rien de la famille de La Bruyère : et cela est fort indifférent; mais on aimerait à savoir quel était son caractère, son genre de vie, la tournure de son esprit dans la société; et c'est ce qu'on ignore aussi.

Peut-être que l'obscurité même de sa vie est un assez grand éloge de son caractère. Il vécut dans la maison d'un prince; il . souleva contre lui une foule d'hommes vicieux ou ridicules,

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qu'il désigna dans son livre ou qui s'y crurent désignés; il eut tous les ennemis que donne la satyre et ceux que donnent les succès on ne le voit cependant mêlé dans aucune intrigue, engagé dans aucune querelle. Cette destinée suppose, à ce qu'il me semble, un excellent esprit, et une conduite sage et modeste. On me l'a dépeint, dit l'abbé d'Olivet, comme un philosophe qui ne songeait qu'à vivre tranquille avec des amis et « des livres faisant un bon choix des uns et des autres; ne cherchant ni ne fuyant le plaisir; toujours disposé à une joie modeste, et ingénieux à la faire naître; poli dans ses maniè«res et sage dans ses discours; craignant toute sorte d'ambition, même celle de montrer de l'esprit. » HISTOIRE de l'ACADÉMIE FRANÇAISE.

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On conçoit aisément que le philosophe qui releva avec tant de finesse et de sagacité les vices, les travers et les ridicules, connaissait trop les hommes pour les rechercher beaucoup; mais qu'il put aimer la société sans s'y livrer; qu'il devait y être très réservé dans son ton et dans ses manières, attentif à ne pas blesser des convenances qu'il sentait si bien, trop accoutumé enfin à observer dans les autres les défauts du caractère et les faiblesses de l'amour-propre, pour ne pas les réprimer en lui-même.

Le livre des Caractères fit beaucoup de bruit dès sa naissance. On attribua cet éclat aux traits satyriques qu'on y remarqua, ou qu'on crut y voir. On ne peut pas douter que cette circonstance n'y contribuât en effet. Peut-être que les hommes en général n'ont ni le goût assez exercé, ni l'esprit assez éclairé, pour sentir tout le mérite d'un ouvrage de génie dès le moment où il paraît, et qu'ils ont besoin d'être avertis de ses beautés par quelque passion particulière, qui fixe plus fortement leur attention sur elles. Mais, si la malignité hâta le succès du livre de La Bruyère, le temps y a mis le sceau; on l'a réimprimé cent fois; on l'a traduit dans toutes les langues; et, ce qui distingue les ouvrages originaux, il a produit une foule de copis

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