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les tromper en leur retenant dix mille livres ; &, charmé d'une fourberie qui pouvoit être fort avantageufe dans l'état de difette où fe trouvoit l'armée, il vint en inftruire le Roi. Le religieux Monarque, pénétré d'indignation aux paroles du Comte, lui fit une jufte & févere réprimande de cette action qu'il appelloit perfidie, & lui commanda de la réparer à l'inftant. » Non, dit-il, malgré le danger où font exposés mes jours à toute heure, » je ne partirai point que les deux cents mille livres ne foient payées. » Quel triomphe pour les Infideles de voir un Roi Chrétien perfide & » parjure!

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BON-SENS, f. m. La mesure de jugement & d'intelligence nécessaire à tout homme dans le commerce ordinaire de la vie.

OTE

TEZ à l'homme le Bon-fens, & vous le réduirez à la qualité d'automate ou d'enfant. Il me femble qu'on exige plutôt dans les enfans de l'efprit que du Bon-fens; ce qui me fait croire que le Bon-fens fuppofe de l'expérience, & que c'eft de la faculté de déduire des expériences, qu'on fait le plus communément les inductions les plus immédiates. Il y a bien de la différence dans notre langue entre un homme de fens & un homme de Bon-fens: l'homme de fens a de la profondeur dans les connoiffances, & beaucoup d'exactitude dans le jugement; c'eft un titre dont tout homme peut être flatté : l'homme de Bon-fens, au contraire, paffe pour un homme fi ordinaire, qu'on croit pouvoir fe donner pour tel fans vanité. Au refte, il n'y a rien de plus relatif que les termes fens, fens-commun, Bon-fens, efprit, jugement, pénétration, fagacité, génie, & tous les autres termes qui marquent, foit l'étendue, foit la forte d'intelligence de chaque homme. On donne ou l'on accorde ces qualités, felon qu'on les mérite plus ou moins foi-même,

ON

BONNETERIE, f. f. BONNETIER, f. m.

N défigne, fous le nom de Bonneterie, le métier ou l'art de Bonneterie & la marchandise que cet artifan fabrique. Le Bonnetier eft celui qui vend ou qui fabrique & apprête des bonnets, des bas, & autres ouvrages tiffus de maille & à l'aiguille.

Les Bonnetiers achetent la laine prête à être employée à leurs ouvrages, ces préparations font à-peu-près les mêmes, que pour la draperie.

Anciennement on ne fe fervoit, en France, que de bas ou chauffes de drap, ou de quelque autre étoffe de laine drapée, dont le trafic fe faifoit

à Paris par des efpeces d'artifans, qui delà fe nommoient Drapiers chauf feliers & qui formoient alors une communauté particuliere, qui fut réunie au corps de la draperie. Elle en fut féparée enfuite depuis qu'on eut inventé l'art du tricot & celui du métier qui l'imite. Cette double découverte fit tomber entiérement la Bonneterie faite avec des étoffes de drap. On fabriqua alors les bas, foit au métier, foit au tricot, & l'on y employa la foie, le fleuret, la laine, le coton, le poil, le chanvre, ou le lin filé. Ces fortes de bas font des tiffus formés d'un nombre infini de petits nœuds, ou efpeces de bouclettes enlacées les unes dans les autres que l'on nomme maille.

Les bas au tricot, qui ont été inventés long-temps avant les bas au métier, & que l'on nomme auffi bas à l'aiguille ou bas brochés, fe font avec de longues & menues aiguilles de fer ou de laiton poli, qui en fe croifant les unes fur les autres entrelacent les fils & forment les mailles dont les bas font compofés, ce qui s'appelle tricotter ou brocher les bas.

La maille eft une très-belle invention, dont l'auteur eft resté inconnu. Quoique le travail en foit fimple, dit l'Abbé Pluche, il eft tel cependant que, ni la gravure, ni aucune defcription ne peut le faire concevoir. Heureufement, ajoute-t-il, ce travail n'eft point rare, & fi l'infertion d'une nouvelle maille dans une autre déja faite, n'est pas d'abord facile, à bien entendre, on trouve par-tout des mains prêtes à en montrer l'affemblage & des bouches, qui mettent de la netteté dans tout ce qu'elles difent. L'art du tricot n'eft proprement qu'un jeu pour les jeunes perfonnes, qui l'apprennent à la feule infpection de ceux qui y travaillent : ce qu'il y a d'un peu difficile, c'eft l'attention qu'il faut avoir d'accroître ou de diminuer à propos le nombre des mailles pour donner au bas la forme exacte de la jambe.

Les bas au métier font ordinairement des bas très-fins, qui fe manufacturent beaucoup plus rapidement qu'au tricot, par le moyen d'une ma chine de fer poli, très-ingénieufe, dont il n'eft pas poffible de bien décrire la conftruction, à caufe de la diverfité & du nombre de fes parties, & dont on a peine même à comprendre le jeu en la voyant. Les Anglois fe vantent d'en être les inventeurs, mais ils cherchent envain à ravir cette gloire à la France. Tout le monde fait qu'un François ayant inventé cette machine auffi utile qu'admirable, & trouvant quelques difficultés à obtenir un privilege exclufif qu'il demandoit pour s'établir à Paris, paffa en Angleterre, où fa machine fut admirée, & où il fut lui-même magnifiquement récompenfé.

Les bas, faits au tricot ou au métier, doivent fubir différentes opérations avant de pouvoir être d'aucun ufage. Il faut d'abord les fouler, les mettre en forme au retour de la fouloire, les racoûtrer, c'eft-à-dire, réparer à l'aiguille les petits défauts qui peuvent s'y trouver. Les draper, ce qui ne peut avoir lieu que pour les bas de laine, & ce qui confifte à les peigner avec Tome IX.

N

des chardons pour les rendre plus épais & plus chauds; après cela vient la tonte, la teinture, le rappret, & enfin la derniere façon qui consiste à les catir, c'est-à-dire, à les mettre à la preffe entre deux plaques de fer chaudes pour leur donner l'uni & l'éclat néceffaires.

La premiere manufacture de bas aux métiers fut établie en 1656 dans le Château de Madrid près de Paris. Le fuccès de cet établiffement donna lieu à l'érection d'une communauté de Maîtres-ouvriers en bas au métier, & on leur donna des ftatuts par lefquels on régla la qualité & la préparation des foies, le nombre des brins de foie, la quantité de mailles vuides, qu'il faut laiffer aux lifieres, le nombre d'aiguilles fur lefquelles fe doivent faire les entures & enfin le poids des bas.

Défense fut faite d'établir aucun métier ailleurs qu'à Paris, Dourdan, Rouen, Caen, Nantes, Oleron, Aix, Toulouse, Nifmes, Ufez, Romans, Lyon, Metz, Bourges, Poitiers, Orléans, Amiens & Rheims, où ces métiers s'étoient déjà établis;

D'employer des foies fans être débouillies au favon, bien teintes, bien féchées, nettes, fans bourre, doublées, adoucies, plates & nerveuses; d'employer de l'huile dans ledit travail;

D'employer pour le noir, des foiés, autres que non teintes, dont les ouvrages feront envoyés tout faits aux teinturiers

De mettre dans les ouvrages en laine, fil, caftor, moins de trois brins, & d'employer aucun fil d'eftame, ou d'eftain tiré à feu; on nomme de ce nom du fil de laine retors;

De fouler les ouvrages au métier avec autre chofe que du favon blanc ou verd, à bras ou à pieds;

De débiter aucun ouvrage fans y mettre un plomb, qui portera d'un côté la marque du maître, & de l'autre celle de la ville;

Défense de transporter hors du Royaume aucun métier, à peine de confifcation & de mille livres d'amende.

Défense aux maîtres ouvriers en bas au métier de rien entreprendre fur ceux de bas au tricot, & à ceux-ci de molefter les premiers. Ce qui prouve que ces artifans formoient alors deux branches, qu'on a fagement réunies en un feul corps. Leurs premiers ftatuts leur furent donnés par Henri IV, en 1608. Ils y font qualifiés d'Aulmuciers-mitonniers, parce qu'anciennement c'étoient eux qui vendoient les aulmuces ou bonnets de tête & les mitaines.

La Bonneterie de Paris eft, fans contredit, une des meilleures de l'Europe & la plus parfaite du Royaume. Elle forme le cinquieme des fix corps. des Marchands de Paris. Les Bonnetiers peuvent vendre, bonnets de laine, ou de drap, bas, gants, chauffons, camifoles, caleçons & en général tous ouvrages faits au métier ou au tricot en laine, fil, poil, lin, caftor, coton, & autres matieres ourdiffables. Leurs armoiries font d'azur à la toifon d'argent furmontées de cinq navires auffi d'argent, trois en chef &

deux en pointe. Ils ont auffi une confrérie établie dans l'Eglife de S. Jacques de la boucherie, fous la protection de S. Fiacre.

Leur communauté eft gouvernée par fix gardes, dont deux s'élifent tous les ans. L'admiffion s'y fait de même que dans les autres communautés d'arts & métiers par l'atteftation du temps d'apprentiffage de compagnonage & par la préfentation du chef-d'œuvre.

La bonneterie de France eft fujette à des droits de fortie, comme l'étrangere l'eft à des droits d'entrée.

Les bonnets de laine de fabrique d'Angleterre doivent pour droit d'entrée dans le Royaume vingt livres par cent péfant, conformément au tarif de 1667, & ils ne peuvent entrer que par Calais & St. Valery felon l'arrêt du 3 Mai 1720.

Si les bonnets viennent des provinces réputées étrangeres, ils ne doivent que huit livres du cent pefant conformément au tarif de 1664.

Quand aux bonnets de coton, ils peuvent entrer par tous les bureaux indiftinctement en payant cinq pour cent de la valeur fuivant l'arrêt du confeil du 2 Février 1762. Les ouvrages de bonneterie en fil travaillés au tricot ou au métier, & venant des' provinces réputées étrangeres doivent, pour entrée aux cinq groffes fermes vingt livres par cent pesant.

Les bonnets de laine fabriqués en France, doivent comme mercerie pour droit de fortie trois livres par cent pefant.

La bonneterie de France allant directement à l'étranger eft exempte des droits de fortie en rempliffant les formalités prefcrites par l'arrêt du 13 Octobre 1743, & les lettres-patentes du 22 Décembre de la même année.

Les bas de foie paient de droit, pour entrée en France, 2 livres de la paire, & par l'arrêt du 6 Mars 1719, ils ne peuvent plus entrer en France par mer, que par Marseille, & par terre, que par le Pont-Beau-voifin; auffi bien que les bas de filofelle & de fleuret.

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NOUS

I.

OUS entendons ici par Bonté la difpofition habituelle d'un être intelligent à contribuer, de toutes fes forces, à rendre les êtres fenfibles, auffi heureux qu'ils peuvent l'être, felon leur nature, leur état, leurs relations & leur deftination.

Doués, comme nous le fommes, d'un fens moral, qui ne nous permet pas de voir avec indifférence la conformité ou l'oppofition de l'état & des mouvemens des êtres moraux ou fenfibles, avec ce qui devroit réfulter des regles de l'ordre, fondées fur leur état, leur relation & leur

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destination: tout ce qui eft caractérisé par cette conformité nous plait tout ce qui y eft contraire nous déplait. Dès que nous favons qu'un être eft fenfible, sa mifere, fes douleurs, fon mécontentement nous mettent dans la peine dès que nous en fommes inftruits, & que chez nous la nature n'eft pas corrompue; nous nous plaifons au contraire à voir les preuves de fon bien-être, de fon plaifir, de fon contentement. Un fecret retour fur nous-mêmes, qui vient fuppléer à l'efficace fouvent trop froide du fens moral, nous fait reffentir les peines & les plaifirs des êtres en qui nous en appercevons les fignes, & rend plus active notre Bonté; le mouvement du fang agité par l'imagination, augmente la force que les jugemens de notre raifon devroient avoir fur nos mouvemens & nos déterminations volontaires, & nous difpofe à faire des actes de Bonté.

Ne confondons pas ici la Bonté avec la fimple compaffion, qui n'eft que la peine que nous fait éprouver la vue des douleurs d'un être qui fouffre & qui exprime fes douleurs en notre préfence; la compaffion eft fouvent une affection involontaire & machinale; la Bonté eft une difpofition volontaire & réfléchie.

Ne confondons pas la Bonté avec l'amitié, l'attachement pour nos voifins, nos compatriotes, nos connoiffances; ces affections font bornées à certains individus & ne s'étendent pas au-delà; la Bonté s'étend à tous les êtres fenfibles, présens ou absens, connus ou inconnus; elle embraffe même les êtres futurs; elle veut que le plus grand bonheur poffible foit le partage de tout ce qui peut être heureux. Il fuffit d'être capable de bonheur pour que la Bonté fouhaite de réaliser cette félicité. Non-feulement la Bonté ne fait le malheur d'aucun être; mais elle défire le bonheur de tous, & agit pour le procurer, & les bornes de fon action dans cette vue ne font fixées que par celles de fes forces. Ne pas faire tout le bien que l'on peut, c'eft n'être bon qu'en partie, la Bonté cependant n'eft pas une paffion, une affection déraisonnable, & fans mefure; c'est une difpofition réfléchie, fondée fur le fentiment moral de ce qui eft convenable, fur l'amour de l'ordre & de la perfection: ainfi un être bon ne facrifiera pas néceffairement fa propre félicité au bonheur d'un autre être; mais il préférera le bonheur du plus grand nombre, à celui du plus petit nombre, lorfque tous ne peuvent pas être rendus heureux; la Bonté préférera le bonheur des êtres les plus excellens, à celui des êtres moins estimables. Conduite par la fageffe, la Bonté ne défirera pour chaque être, que le bonheur qui peut leur convenir; elle n'emploiera pour le procurer, que les moyens qui font conformes à l'ordre moral fachant que la perfection est la fource de la félicité, elle ne voudra conduire les êtres au bonheur, que par la route que les regles de l'ordre approuvent; elle travaillera à les rendre heureux, en travaillant à les rendre parfaits. Elle emploiera pour cela les moyens les plus efficaces & les plus compatibles avec la fatisfaction de ceux qu'elle veut rendre heureux.

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