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ques autres Contrées, celui principalement des villages marécageux, qui font fitués fur l'Oder, font extrêmement fertiles: il y croît du froment de l'épeautre & de l'orge en abondance. Tout ce pays a été finguliére ment amélioré fous le regne du Roi Frédéric-Guillaume, & encore bien plus fous celui de Frédéric II, fon fils & fon fucceffeur. L'agriculture a pris depuis un degré de perfection, qu'elle n'avoit point ci-devant; quantité de terres, autrefois ftériles, ont ceffé de l'être; des campagnes riantes ont fuccédé aux marais, qui infectoient le pays, & des forêts jugées inutiles ont fait place à de beaux & grands villages, que l'on découvre de côté & d'autre. Quelque grands que foient les avantages, que les habitans de la Marche retirent de l'agriculture, elle n'eft point cependant l'objet principal de leur occupation; il s'en exporte à la vérité quelques bleds pour le Duché de Lunebourg & pour la ville de Hambourg; mais les provinces de Pomeranie & de Siléfie y en importent une quantité à-peu-près égale. Les produits de la terre font abondans dans plufieurs Contrées, & même généralement pour ainfi dire : les forêts n'y font point d'une moindre importance on en tire le chauffage, le bois néceffaire pour les verreries, les forges & les martinets, ainfi que celui de conftruction, foit pour les maifons, foit pour les vaiffeaux: une partie de ce bois eft conduit à Hambourg, en Hollande, en France & en d'autres pays; on eftime que le produit de cette forte de commerce monte à plufieurs tonnes d'or; mais malgré la grande consommation, qui fe fait de bois de toutes efpeces, les forêts font ménagées cependant de façon à ne point manquer dans les temps à venir. C'est par la nourriture & 'l'entretien du bétail, que fubfifte principalement la majeure partie des habitans de la Marche de Brandebourg, notamment de celui des bergeries : la laine qui en provient, eft d'une qualité fupérieure; elle eft la base des belles manufactures, qui fe trouvent établies dans le pays. Ces bergeries ont été encore améliorées depuis, en ce que le Roi Frédéric II a fait amener des béliers, foit de l'Efpagne, foit de l'Angleterre. On y nourrit auffi avec beaucoup d'avantage quantité de vers à foie, & cette efpece d'établiffement s'étend de plus en plus. Les principaux minéraux que fournit le pays, font l'argile & une terre extrêmement fine propre à en faire de la porcelaine; différentes fortes d'autres terres, qui peuvent être converties en couleurs; de l'alun, du falpêtre & de l'ambre. Aux environs de Freyenwalde fe trouvent des eaux minérales, qui font en grande réputation. Ce pays eft traverfé par deux grands fleuves, qui font P'Elbe & l'Oder. L'Elbe atteint la vieille Marche à la métairie, nommée Polke, & forme fa limite du côté du levant elle reçoit la riviere de Tanger près de Tangermunde, & la Havel, qui eft navigable, près de Werben delà elle coule entre la vieille Marche & le pays nommé Prignitz jufques près de Wittenberg, où la Stepenitz s'y jette, riviere affez confidérable par elle-même, puifqu'elle eft fufceptible d'être chargée de

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radeaux. L'Elbe abandonne la vieille Marche près de Wanfter, mais continue de côtoyer la Prignitz, d'où elle reçoit une autre riviere près de Schnackenbourg, nommée Aland, & finalement celle appellée Elde, en continuant fon cours jufqu'aux confins du pays de Mecklenbourg. La Havel, dont nous venons de parler, fort du même pays de Mecklenbourg, & prend le nom, qu'elle porte, près de la ville de Furstenberg : elle continue fon cours en formant pendant un certain temps la limite entre le Duché de Mecklenbourg & la Marche Uckerane, & porte de grandes nacelles depuis Furftenberg jufqu'à Zehdenick: elle groffit fes eaux à Spandau, en y recevant la Sprée, & la Doffe près de Vehlgaft, où elle devient par-là navigable jufqu'à l'endroit où elle fe réunit à l'Elbe. Cette même riviere de Sprée vient de la Luface déjà affez forte pour porter flottes à Krausnick, & être navigable à Coffenbladt. Elle reçoit à Kapenick une autre riviere, dite Wendifche Sprée, & va fe perdre à Spandau dans la Havel. Elle fe partage jufques là à plufieurs reprises en différentes branches, en traverfant des lacs pendant fon cours. L'Oder, qui eft navigable, découle de la Siléfie, parcourt la nouvelle Marche, en recevant dans le Cercle de Croffen la riviere nommée Ober, qui vient de la Pologne; celle appellée Bober, au-deffous de la ville de Croffen, & la Warte au-deffus de Kuftrin gonflée elle-même des eaux de la Netze & de la Drague Elle reçoit encore au-deffous de Writzen la vieille Oder, qui prend fa fource dans le Cercle de Lebus; puis la riviere nommée Finow, & enfin celle de Welfe, d'où elle va fe jetter dans le pays de la Poméranie. La Marche jouit de l'avantage d'avoir différens canaux, qui lui font d'une grande utilité. Un ingénieur, appellé Mahiftre, en a établi un par ordre du Roi Frédéric II, que l'on nomme le canal de Plauen, & qui raccourcit de moitié la navigation de Berlin à Magdebourg: ce travail a été fait & parfait dans l'intervalle du Juin 1743, au 5 Juin 1745. Il commence près de Parei fur l'Elbe, & fépare en deux les rivieres d'Ihle & de Stremme, pour aller joindre la Havel près de Plauen fur une diftance de 8655 perches: le canal a 22 pieds de largeur au fond, 26 à la fuperficie de l'eau & 40 jufqu'à 50 dans fon évasement: il eft chargé de 9 ponts de diftance en distance, & de 3 éclufes, qui, retenant les eaux jufqu'à la hauteur de 21 pieds, facilitent finguliérement la navigation depuis l'Elbe jufqu'à la Havel. Une pareille navigation est établie entre la Sprée & l'Oder par le moyen d'un foffé que l'Electeur FrédéricGuillaume a ordonné être fait, & qui eft dénommé par fon nom. Cet ouvrage a été commencé en 1662, & parachevé en 1668, fous la direction de Philippe de Chiefe, Quartier-Maître Général. Sa longueur, eft de trois grands milles d'Allemagne, & fa profondeur de cinq verges mefure du Rhin. La ville de Mulrofe eft fituée vers le milieu de ce canal, lieu auquel la riviere de Schlubbe fe jette dans un lac, dont les eaux du canal font renforcées. Il paffe par dix éclufes placées de diftance en distance,

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& l'on compte que fa pente fur toute fa longueur n'eft pas moindre de 62 pieds. Un nommé Blefendorf en a fait un plan du temps de l'Electeur Frédéric Guillaume, que Bartfch a gravé poftérieurement. Un autre canal, nommé canal de Finow, joint la Havel avec l'Oder en prenant fa direction depuis Liebenwalde vers Oderberg, après avoir traversé la riviere de Finow; il a 13 éclufes, & il a été fait par les ordres du Roi Frédéric II entre les années 1743 & 1745. Sa chûte eft de 130 pieds fur une longueur de 12,000 verges du Rhin. Outre ce canal il en a été conftruit un nouveau en l'année 1753, nommé le nouveau canal de l'Oder il tire fes eaux du fleuve de ce nom près de Guftebiefe, pour les y reverfer près du village de haut-Sathen, à un mille au-deffous d'Oderberg; il traverse vieux Guftebiefe, vieux Litzegæricke, Zackerick, vieux Rudnitz, vieux Kuftrinchen, nouveau Glietzen, haut & bas Wuhzen. II y a auffi dans le pays de la Marche quantité de lacs. Quelques-uns de ceux de la moyenne Marche font réunis par le moyen de canaux & d'éclufes partie élargis & partie conftruits à neuf. L'Elbe & l'Oder ne font point fi poiffonneufes que la Havel, la Sprée & plufieurs autres moindres rivieres. On fait la même différence entre les lacs, dont nous venons de parler.

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Les provinces de la Marche font peuplées d'habitans, dont l'origine eft différente. Les Sueves & particuliérement les Semnons font les premiers, que l'on connoiffe, qui s'y foient établis. Les Venedes leur fuccéderent dans le cinquieme fiecle, temps auquel ces peuples furent réduits à un très-petit nombre les Saxons les fubjuguerent en différens temps, & ceux d'entr'eux, qui ne fubirent point leur joug, fe retirerent pour s'établir en d'autres lieux. Albert, furnommé l'ours, repeupla le pays en faifant venir de nouveaux habitans de la Hollande, de la Séelande, de la Flandre & des lieux fitués le long de la mer feptentrionale; peuples auxquels fe joignirent des habitans de la haute & bafle Saxe & d'autres contrées plus éloignées. La guerre appellée de trente ans, & notamment des années 1638 & 1639, furent des plus fatales au pays de la Marche par les ravages qu'y firent la guerre, la pefte & la famine. Cette grande dépopulation engagea l'Electeur Frédéric-Guillaume à inviter tous les réfugiés proteftans de la France à venir habiter dans la Marche, & à leur accorder des immunités confidérables, qui par la fuite furent encore augmentées par le Roi Frédéric 1. Un appas fi féduifant engagea plufieurs centaines de familles à y tranfporter leur fortune, en quoi ils furent imités par quantite de Lorrains & de Vallons appellés Palatins, parce qu'ils s'étoient établis précédemment dans le Palatinat; par des Suiffes, des Bohémiens & Allemands de différentes provinces, qui tous y furent reçus poftérieurement à l'année 1688. Un concours fi prodigieux de perfonnes de toutes ces nations peupla fucceffivement le pays, au point, que lors du dénombrement fait en 1770, le nombre des habitans de la Marche Electorale fe trouva monter à 660,000.

On compte dans cette Marche Electorale 43 villes immédiates & 31 médiates, ce qui fait en tout 74 villes, 26 bourgs, dont 15 jouiffent de certains droits de ville. La nouvelle Marche contient d'un autre côté 33 villes. A l'époque de l'année 1770, il s'eft trouvé 61 baillages dans la Marche Electorale, 237 métairies, 53 nouveaux établiffemens Royaux, 672 anciens villages Royaux, 44 autres villages formant des colonies Royales, 81 bailliages nobles, 1874 anciens villages nobles & 13 villages formant des colonies feigneuriales, ce qui fait en tout 2603 villages. Suivant les Inftructions de Thile fur l'établissement des contributions dans la Marche Electorale, il s'eft trouvé en 1746 dans cette même Marche 94 villages & 12,949 fujets de plus, qu'il n'y en a eu avant la guerre de trente ans. Les particuliers établis dans le plat-pays de la Marche Electorale, font toujours affurés d'une fomme de quatorze millions d'écus pour les dédommager des pertes, qui peuvent leur furvenir par des incendies.

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Arrivant le cas qu'il furvienne une affaire, qui intéreffe les villes en général, & qu'il foit queftion de prendre ou de confirmer quelque réfolution, ou de figner quelqu'acte convenu à cet égard, voici l'ordre, dans lequel les chef-lieux ont coutume de donner leur fuffrage & de procéder à la fignature de l'acte Berlin & Kaln, Brandebourg, Stendal, Prenzlow, Perleberg, Ruppin, Francfort & Kuftrin, en obfervant cependant, que la ville de Berlin & Kaln donne un reverfal à celle de Brandebourg pour raifon de la préféance, qu'elle prend fur elle, attendu qu'elle appartient à celle-ci d'ancienneté. Au refte les villes fe divifent en villes immédiates & en villes médiates; les premieres font celles, qui dépendent immédiatement du Prince, & reffortiffent de même aux cours de juftice fupérieures. Les autres font celles qui dépendent foit des bailliages particuliers du Prince, foit de ceux de quelques perfonnes nobles.

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Les Etats de la Marche de Brandebourg fe divifent en deux corps, favoir en celui du plat-pays, ou du corps de la nobleffe, duquel font partie les villes médiates; & en celui des villes immédiates. Selon les recès des années 1524 & 1572, le corps de la nobleffe étoit tenu de payer le tiers de toutes les impofitions en général, & celui des villes les deux tiers reftans; mais ce dernier paroiffant chargé au-delà de fes forces, il fut convenu lors du recès du 24 Juin 1643, qu'il ne payeroit plus que 59 par cent, & que la nobleffe acquitteroit les autres 41 par cent conjointement avec les villes médiates, qui en dépendent. C'eft dans cette proportion, confirmée par le Prince, qu'ont été payées jufqu'à nos jours généralement toutes les impofitions, non-feulement dans la Marche Electorale, mais même dans la nouvelle Marche: les Prélats, les Seigneurs & le furplus de la nobleffe contribuent de cette forte avec toute leur dépendance 410 écus par 1000 écus d'impofitions, & la généralité des villes en paie 590. Si cette impofition de 1ooo écus ne concerne point la nouvelle Marche, & qu'on la fépare du pays contribuable: alors, déduction

faite

faite de la 80me, partie de cette fomme, dont le paiement tombe à la charge des contrées dites Beeskow & Storkow, les villes immédiates paient 552 écus 15 gros, & la Nobleffe 404 écus & 21 gros. Les Etats du pays de la Marche font impofés particuliérement pour l'extinction des dettes nationales, & le paiement des intérêts, qui peuvent en être dus: il a été établi à cet effet une caiffe d'amortiffement, qui eft dirigée par des délégués, que nomment les Etats, & qui font divifés en deux corps, favoir : 1o. De la recette des droits fur les terres labourables & les pignons, auquel préfide un directeur, & qui eft compofé d'un député perpétuel de la Nobleffe, d'un député des villes en général, d'un autre des Evêchés de Havelberg & de Brandebourg, & qui y repréfentent les Prélats de ces mêmes Evêchés, & finalement de cinq autres députés, qu'y envoie le corps de la Nobleffe des Cercles de la Marche Electorale. Ce corps s'af femble annuellement vers la fin du mois de Mai.

2o. De la recette des nouveaux droits établis fur la bierre, qui eft dirigé par le même directeur & par deux députés perpétuels, auxquels font ajoutés un député de la part des Prélats & des Abbayes, deux de la part de la Nobleffe & trois Bourguemeftres, qui y affiftent au nom des villes : ce corps a coutume de s'affembler chaque année au mois de Novembre ou de Décembre.

La province de la Marche a de plus un Syndic, deux Secrétaires, un Tréforier, un Receveur des nouveaux droits établis fur la bierre, un teneur de livres & des employés à la chancellerie; auxquels employés il faut ajouter trois Receveurs -Généraux des rentes, favoir un pour la moyenne Marche & la Marche Uckérane, un pour la Prignitz, & un autre pour la vieille Marche, auxquels il faut ajouter auffi les Receveurs établis dans toutes les villes en particulier. Les Confeillers Provinciaux perçoivent euxmêmes, chacun dans leur diftri&t, les droits établis fur les terres labourables & les pignons; ils en font réputés les Receveurs, quoique fouvent ils en faffent faire la collecte par des Receveurs particuliers.

Les caiffes municipales des villes font dirigées par le directeur, dans la direction duquel les villes fe trouvent; par les députés perpétuels de la même direction, & par ceux que les villes nomment du nombre de leurs Magiftrats; ils forment également deux corps, favoir celui de la moyenne Marche & de la Marche Uckérane, & celui de la Prignitz & de la feconde moitié du comté de Ruppin, qui chacun ont un receveur & des fecrétaires. Les Seigneurs de Putlitz font revêtus de l'office héréditaire de Maréchal de la Marche de Brandebourg; ceux de Schwerin de celui de Chambellan; ceux de Hacken de celui d'Echanfon, ceux de Schoulenbourg de celui de maître de cuifine; les comtes de Gravenitz de celui de Sénéchal, poffédé par les comtes de Munchow depuis 1740 jusqu'en 1763 & antérieurement par ceux de Hoverbeck; ceux de Schenk de celui de Tréforier, & ceux de Graben de celui de Grand-Veneur.

Tome IX.

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