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Les manufactures de toilerie que nous paroiffons avoir préférées aux autres, parce qu'elles foutiennent la culture du chanvre, & qu'en fe fubdivifant à l'infini dans les campagnes, elles y font une reffource de plus dans les faifons mortes pour les travaux de la terre, ont encore cet avantage que leurs rebuts & les chiffons de linge ufé, s'emploient aux papéteries, dont il y a un nombre confidérable dans la province. On y compte plus de trente papéteries & deux cartonneries, fans compter la belle papéterie à cylindre, d'une feule piece, établie directement à la fource de la Vouge, bailliage de Nuys, par la protection des Etats. Nous venons de parcourir rapidement les principaux objets du commerce, & les branches les plus utiles; nous n'avons qu'un fouhait à former pour le commerce de la Bourgogne, c'eft d'augmenter les débouchés & la facilité du tranfport, par la conftruction du canal de jonction des mers, tant de fois propofé; c'eft alors qu'on verroit la population s'accroître avec les richeffes, en portant les travaux de l'induftrie au plus haut degré de perfection.

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S. IV.

DES ETATS DE BOURGOGNE. (a)

Origine des Etats, & privileges de la Province.

N diftingue en France les pays d'Etats, des pays de Généralités ou d'Elections. Les pays d'Etat font les provinces qui fe font confervées dans la poffeffion de faire des affemblées compofées des trois ordres, (fur le modele des Etats-Généraux du Royaume de France), foit pour régler leur administration œconomique, foit afin d'ordonner elles-mêmes des contributions qu'elles doivent faire pour foutenir les charges de l'Etat, telles font les provinces de Bourgogne, de Bretagne, de Languedoc, &c.

L'origine des Etats de Bourgogne, remonte felon Gollut (pag. 140 Edit. de 1588.) non-feulement jufqu'au regne des Princes Souverains de Bourgogne; mais encore au temps que les Romains occupoient ces pays: cette origine fe perd comme celle des Etats du Royaume dans les premiers temps, où les coutumes des peuples conquérants des Gaules, fe mêlerent avec les ufages des anciens Gaulois. Il y avoit pour la Gaule des Grands-Jours tenus d'abord en Mars, portés enfuite au mois de Mai, temps auquel on les affemble encoré actuellement, à moins que des circonstances particulieres n'en décident autrement. D'annuels qu'ils ont été autrefois nous les voyons triennaux depuis plufieurs fiecles en Bourgogne, fans qu'il

(a) Ce mémoire fur les Etats de Bourgogne eft de M. Béguillet, Avocat, & Notaire de la Province.

foit poffible de fixer précisément l'époque de ce changement. Les Princes faifoient auffi fort fouvent des convocations extraordinaires, foit pour des octrois particuliers, foit pour des événemens imprévus, dont le récit appartient à l'hiftoire. Sous Robert II, Duc de Bourgogne de la premiere race, les Etats s'obligerent dans une affemblée extraordinaire de lui payer le 1. de leurs revenus pendant deux ans, à condition que le Duc s'engageroit à faire fabriquer la monnoie néceffaire au pays, & d'en tenir fixe le titre & le prix. En 1355, le Roi Jean, tuteur de Philippe de Rouvre, dernier Duc de la premiere race, preffé de tirer de fes peuples des fubfides qu'exigeoit la néceffité de s'oppofer aux Anglois, fit convoquer extraordinairement les Etats de la province, pour leur demander que la gabelle dont les Etats-Généraux du Royaume lui avoient accordé l'impofition, eût lieu dans ce pays comme ailleurs. Les Etats répondirent qu'ils ne pouvoient acquiefcer à cette innovation: mais la Nobleffe offrit fon épée pour la défense du Royaume.

Après la mort de Philippe de Rouvre, le même Roi Jean réunit la Bourgogne à la Couronne comme une fucceffion qui lui étoit dévolue. Par lettres données en l'abbaye de Saint-Benigne de Dijon, le vingt-sept Octobre 1361, le Roi confirma les Etats & les privileges des habitans du Duché. Il y eft dit, que la juftice fera adminiftrée par Baillis, Chanceliers, Auditeurs & Notaires, jours-généraux; defquels jours-généraux on ne pourra appeller: qu'il y aura un Gouverneur Souverain pour pourvoir à ceux du pays ez chofes, où il aura puiffance; que les Etats & fujets dudit pays demeureront en leurs franchises & libertés; qu'il y aura au Duché gens ordonnés au fait des comptes, &c. &c.

Le Roi ayant donné la Bourgogne à fon quatrieme fils Philippe-le-Hardì, premier Duc de la deuxieme branche Royale, ce Duc confirma les mêmes privileges, franchises & libertés. Il eft dit par fes lettres données à Grays, le dixieme Novembre 1384, que octrois & aides gratuitement accordés par ledit pays, ne tourneront aux préjudices ni conféquence aux fujets. &c.

Déclaration des trois Etats du 27 Août 1460, que les villes ne pourront imposer péages, rouage ni autres fubfides fur les habitans du pays; que chacun ez villes fera tenu faire paver devant fa maison & l'entretenir, &

Suivant le privilege donné le deux Janvier 1465, le fourniffement des greniers à fel fera perpétuellement fait au plus avalant en préfence des gens des comptes & de ceux des trois Etats, moyennant 10,000 écus accordés au Duc &c.

Les Etats faifoient fouvent valoir leurs droits contre les demandes infolites de leurs Ducs même les plus puiffans, lorfqu'ils vouloient donner atteinte aux privileges de la Province. Le Duc Charles dernier, dit St. Julien de Baluce, l'un de nos meilleurs Hiftoriens, ne mefurant toutes chofes qu'à Paune de fa volonté, fit propofer aux Etats tant de nouveaux fubfides &

impofitions fi étranges que toutes les chambres en étoient étonnées : mais le Sieur de Jonvelle, le Sieur de Mirebeau & autres vrais Bourguignons (c'est-à-dire réfolus de ne rien diffimuler ni céder contre le devoir que chacun doit avoir à fa patrie) prirent charge de faire la réponse pour tout le corps des Etats. Leurs réponses furent laconiques & brieves, mais pleines de brave fubftance fous ces mots: dites à Monfeigneur le Duc que nous lui fommes très-humbles & obéiffans fujets & ferviteurs; mais que quant à ce que vous nous avez propofe de fa part, il ne fe fit jamais, il ne fe peut faire, il ne fe fera pas. Petits compagnons (ajoute l'Auteur) n'euffent ofé tenir ce langage qui fait colliger que les grands Seigneurs font plus que néceffaires aux affemblées des Etats, quand ils ont l'affection bien tournée à l'avantage de la chofe publique, & qu'eurent les Seigneurs fuf

nommés.

Il feroit trop long de rapporter la teneur de toutes les lettres, édits & déclarations des Ducs & des Souverains qui ont confirmé les anciens privileges des habitans du Duché ou qui en ont accordé de nouveaux, on en trouvera le détail & la lifte chronologique dans une differtation particuliere.

Il fuffit de rappeller les articles conditionnels de la foumiffion des trois Etats convenus avec les Ambaffadeurs du Roi Louis XI, commis à demander l'obéiffance defdits Etats après la mort du Duc Charles le 29 Janvier 1476. Il y eft dit :

Que les Etats ayant vu les lettres du Roi écrites aux bonnes villes de Bourgogne, ils ont déclaré, tant à leurs noms que de tous les fujets, vouloir entiérement obéir au Roi, le fuppliant de vouloir garder le droit de Mademoiselle & entendre à fon mariage avec Monfeigneur le Dauphin; offrent de mettre en fa main le Duché avec les Comtés & terres y enclavées, à condition que les députés du Roi bailleront lettres de faire vuider tous gens de guerre du pays; qu'ils procureront abolition générale pour tous les hommes qui ont fervi le Duc contre le Roi, que les officiers feront entretenus & confirmés en leurs Etats, que les trois Etats jouiront de leurs privileges à toujours & fans rien innover &c. &c. Que de tout ce que deffus fera expédié lettres-patentes &c. Il eft finguliérement à remarquer que dans toutes les lettres & confirmations le Roi reconnoît que la réduction du pays a été de la libre volonté & bon gré des Etats. Il déclare la même chofe dans les lettres données à Arras, le quatorze Mars 1476, à la demande des Etats pour l'inftitution d'une Cour de Parlement Souverain au Duché au-lieu des grands-jours de Beaune.

Par lettres-patentes du mois de Mars 1476, datées d'Ablon-fur-Seine, entr'autres chofes eft ordonné que la juftice fera gardée & conduite par Gouverneurs, Baillifs, Gouverneurs de Chancellerie & Grangers, dont les appellans reffortiront au Parlement, que les gages des officiers feront affignés fur les finances du Roi, que les fujets feront entretenus en leurs franchises

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franchises & privileges fans aucune nouvelle; qu'il ne pourra être levé aides ni fubfides que du confentement des gens des trois Etats; que les charges mifes fur le vin & autres marchandises menées de Bourgogne en France feront abolies; que tous les anciens privileges demeurent confervés & mêmement de la fourniture des greniers à fel, &c. &c. On peut auffi confulter fur les privileges de la Province les cahiers des Etats de Tours affemblés en 1483 & les confirmations de ces privileges par les Rois fucceffeurs de Louis XI.

Ce Roi oublia bientôt les prérogatives qu'il venoit de reconnoître dans la demande qu'il fit de fix blancs par chaque feu en bonne ville, & d'un gros fur chaque feu en plat-pays pour la conftruction du château de Dijon, ce qui fut abfolument refufé, attendu, eft-il dit dans les délibéra tions à ce fujet, que par les privileges de la Province aucune imposition ne fe faifoit & réfolvoit que par l'affemblée des Etats: mais qu'on pouvoit accorder quelque fomme par forme de don gratuit & par maniere de fortification, à laquelle contribueroient les eccléfiaftiques & les nobles comme les non-exempts.

Ce n'eft qu'à la fin du regne de François I, à l'an 1548, que remontent les regiftres des Etats actuellement exiffans. On ne trouve rien dans les archives d'antérieur à ce temps. Faut-il foupçonner que Louis XI, dont les démarches furent toujours fourdement dirigées à fon utilité & à la fouveraineté indépendante, fit retirer & fupprimer peu après la réunion les regiftres des anciens Etats, où l'expreffion de certains privileges, dont il vouloit refferrer les bornes, étoit peut-être trop bien énoncée; & pourrionsnous penser auffi que le chagrin de s'en être vu privés, jetta dans le découragement ceux qui furent chargés de rédiger les délibérations fous les deux regnes fuivans? Mais fans nous abandonner aux conjectures, c'est à cette année 1548, que nous pouvons fixer la date exacte des tenues d'E& des principaux points qui y ont été traités. Préface du No

tats,

biliaire.

L'affemblée se tint en l'Abbaye de St. Bénigne le 2 Mai 1548. Le Roi demanda 120,000 livres, on en accorda 50,000 pour le don gratuit. Ils fe tinrent les années fuivantes au réfectoire de l'Abbaye de St. Etienne. Il est inutile de prévenir que nous ne ferons point mention de toutes les affemblées, ni de ce qui y a été traité, il fuffit d'en remarquer quel

ques-unes.

Affemblée des Etats extraordinaires, en l'Abbaye de St. Etienne de Dijon, le 20 Mars 1561, en vertu de lettres-patentes pour délibérer fur les moyens & expédiens d'aider le Roi dans la néceffité de fes affaires & acquittement de fes dettes, & pour élire trois perfonnages pour fe trouver en la ville de Melun au de Mai fuivant, afin de délibérer fur ce fujet avec les députés des autres provinces. Lefdites lettres-patentes, présentées par M. Gafpard Defaulx, Šieur de Tavane, Lieutenant pour le Roi en Tome IX.

Ii

l'absence de M. Daumale, Gouverneur; délibération prise aux trois Chambres, que remóntrances feroient faites au Roi fur ce que ladite affemblée ayant été faite conformément aux lettres de S. M. de vingt perfonnes feulement, & étant contraire aux privileges de la province, il n'y fut plus contrevenu à l'avenir, & que tous ceux qui avoient droit d'affifter auxdits Etats y fuffent appellés. Les cayers des remontrances & expédiens, fournis par les Chambres de l'Eglife de la Nobleffe & du tiers-Etat, chacun en particulier & féparément, font fort remarquables, & finguliérement ceux du Tiers-Etat. Et il y eut une feconde tenue d'Etats fur le même fujet, dans la même année à Dijon le 10 Juin 1561.

Affemblée des Etats-Généraux de la province, au Couvent des Jacobins de Beaune, le 22 Octobre 1576, pour conférer & communiquer fur les remontrances qui étoient à faire à l'affemblée des Etats-Généraux du Royaume, convoqués à Blois le 25 Novembre fuivant.

Affemblée des Etats, le 31 Août 1589, à Dijon, au logis du Roi, en vertu de lettres de MM. du Confeil d'Etat établi à Dijon, & d'autres lettres de M. de Némours, Lieutenant-Général au Duché de Bourgogne, par lesquelles il approuve ladite affemblée. L'ouverture faite par M. Denis Brulart, premier Préfident, affis entre MM. de l'Eglife & MM. de la Ncbleffe. Difcours fait par le premier Préfident en faveur de la ligue, réponse de l'Abbé de Citeaux en faveur de l'union. M. Etienne Tabourot, Promoteur de l'union, préfenta des cayers & mémoires en chacune Chan:bre, fur lesquels ont été faites plufieurs délibérations, qui furent enfuite rayées par ordonnances de Meffieurs les Elus, & par arrêts de la Cour, comme faites contre l'autorité du Roi pendant les guerres civiles.

Il y eut encore d'autres affemblées d'Etats de l'autorité de Mayenne, Gouverneur de la province, fe difant Lieutenant-Général de l'Etat & Couronne de France, au mois d'Octobre 1590, dans laquelle affemblée les députés du parti de la ligue après avoir oui la Meffe & la Prédication à la Ste. Chapelle le 26 Octobre 1590, jurerent folemnellement en corps d'état, plufieurs articles d'union fur le péril & damnation de leurs ames. Autre affemblée en 1593, où préfida le Prince de Mayenne. Dans ce même temps les Royalistes affemblerent d'autres Etats à Semur en Auxois. - Les premiers qui fe tinrent après la ligue furent, en Janvier en 1596, au Couvent des Cordeliers. Ils furent préfidés par le Maréchal de Biron : il y a plufieurs décrets des Etats par lefquels MM. les Elus font chargés de veiller à ce qu'ils fe tiennent de trois ans en trois ans au mois de Mai, & alternativement dans les bonnes villes de la province capable de les recevoir, fuivant le tour de la roue.

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Au mois de Mai 1631, Assemblée des Etats à Dijon, où l'on obtint la fuppreffion des Elections moyennant feize cents' mille livres les Députés s'affemblerent cette même année à Semur & à Chatillon, pour aviser aux moyens de trouver cette fomme.

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