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,, ajouter une année de leurs appointemens, afin de des récompenfer en quelque forte de ce que je leur dois. Je finis en vous affurant que je vous aime de tout mon cœur, & que la feule chofe que je fouhaiterois, pour fortir du monde avec quelque fatisfaction, feroit de vous voir & de mourir entre vos bras.

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Lorfque le Chevalier Sothon vint annoncer à la nouvelle Reine la mort de Catherine, elle étoit à laver fes mains dans un baffin de grand prix, fur lequel il y avoit une coupe fort riche. Sa joie fut fi grande, qu'elle donna l'un & l'autre au Chevalier, en lui difant: » Recevez ce petit » présent en récompenfe de la nouvelle que vous m'apportez, qui eft trop >> confidérable pour vous laiffer aller fans vous donner quelque marque de » ma reconnoiffance." Le même foir, elle reçut la vifite de fon pere & de fa mere; du plus loin qu'elle les vit, elle s'écria: » réjouiffez-vous, » mes chers pere & mere, puifque c'eft aujourd'hui feulement que la » couronne a été raffermie fur ma tête. " Mais, aveuglée par sa joie, elle ne prévoyoit pas que ce qu'elle regardoit comme le commencement de fon regne, alloit être l'époque de fes malheurs.

Le Roi, tout cruel & tout barbare qu'il étoit, ne put refufer des larmes à la mémoire de Catherine, qu'il avoit fi cruellement outragée. Dans ce moment de repentir, Anne de Boulen perdit bien de fes charmes aux yeux de fon époux. Il fe rappella fon injuftice qui l'avoit obligé à défhériter la Princeffe Marie en faveur d'Elifabeth. Mais rien ne fit plus de tort à la Reine que l'accident qui lui arriva le 25 de Janvier 1536. Elle accoucha, pour la feconde fois, d'un Prince mort. Les partifans de la Cour de Rome ne manquerent pas d'affirmer que c'étoit un coup du Ciel, qui menaçoit le Roi de plus grands malheurs. Henri approuva cette idée, parce qu'elle favorifoit fon inconftance; car l'amour qu'il fentoit naître dans fon cœur pour Jeanne Seymour, demoiselle de la Reine, d'une rare beauté, & dont l'humeur agréable & intéreffante tenoit un jufte milieu entre l'austérité de Catherine & la gaieté d'Anne de Boulen, le refroidiffoit beaucoup pour cette Princeffe. Elle s'en apperçut, & réfolut de perdre fa rivale, ou de devenir enceinte, à quelque prix que ce fût.

Pour réuffir dans l'un & l'autre deffein, elle s'unit étroitement avec fon frere, qu'elle avoit fait Comte de Rochefort; le Baron de Noris, premier Gentilhomme de la Chambre du Roi; le Chevalier Wefton, & un Muficien nommé Smetton. Ce commerce ne fut pas long-temps fecret. On rapporta au Roi, qu'un jour les Dames avoient vu Milord Rochefort mettre la main au fein de la Reine fa fœur, pendant qu'on l'habilloit, & qu'une autre fois, la Reine étant au lit, il avoit pris avec elle les plus grandes libertés. De plus, on avoit fouvent entendu dire à la Comteffe de Rochefort, » que la grande familiarité de fon mari avec la Reine ne lui plaifoit pas. « Elle en étoit devenue fi jaloufe, qu'elle n'alloit plus à la Cour, & quand on lui en demandoit la raifon : C'eft, difoit-elle, pour ne pas

voir de mes propres yeux mon mari faire plus de careffes à la Reine » qu'à moi. «

Le premier de Mai, comme toute la Cour prenoit le divertiffement de quelques jeux à Greenwick, le Roi s'apperçut que la Reine jettoit des regards paffionnés fur fon frere, fur le Baron de Noris, Wefton & le Muficien, qu'elle voulut avoir auprès d'elle, & avec lefquels elle rioit beaucoup, fans prendre garde à fon époux. Son imprudence alla plus loin: le Baron s'étant trop échauffé à la course, la Reine lui jetta fon mouchoir pour s'effuyer. Le Roi furieux, quitta les jeux auffi-tôt, & retourna à Londres. Pendant les divertiffemens il avoit paru trifte & penfif. Ce départ précipité confirma qu'il avoit quelque chagrin. La Reine ne pouvoit en ignorer le motif; mais elle espéroit qu'il reviendroit à Greenwick, & que, par fes careffes, elle viendroit à bout de le diffuader; mais elle n'en eut pas le temps. Le foir du même jour, tous fes amans furent arrêtés & conduits à la tour de Londres. A cette nouvelle, Anne de Boulen dit à fa mere & à la Metly, une de fes Demoifelles, qu'elle étoit perdue, » & qu'on l'alloit envoyer bientôt à la tour comme les autres. « En effet, le lendemain, de grand matin, on la nit en carroffe, fans lui donner aucun domestique pour l'accompagner; & on la fit conduire à la tour par une compagnie de gardes, dans une chambre où elle n'eut pas la liberté de voir perfonne.

Le même jour, Henri créa un tribunal de douze Juges, dont il fit chef & préfident le Duc de Suffolck, fon beau-frere. Après avoir travaillé aux informations du procès, les Juges s'affemblerent le 15, dans la tour même, firent paroître la Reine devant eux, & felon l'ufage du pays, ils commencerent à l'examiner. Elle fe défendit fi bien, que les Juges la déclarerent innocente; mais le Duc de Suffolck les obligea de réopiner & de la condamner à la mort. Le jour fuivant, les autres accufés furent condamnés, fans avoir rien confeffé, à avoir la tête tranchée, excepté Noris. On l'avoit beaucoup preflé de confeffer fon adultere avec la Reine, avec promeffe de lui accorder la vie; mais le Baron foutint conftamment

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», que

cela étoit faux; que la Reine étoit innocente, & qu'il n'avoit jamais rien ,, vu en elle qui pût faire tort à fon honneur. " Le Roi fut fi offenfé de fon opiniâtreté, qu'il le fit pendre. On croit que le muficien l'avoit plus chargée du crime d'adultere qu'aucun autre. Cependant la Reine nia d'avoir jamais eu aucune familiarité avec lui; mais elle eut l'imprudence d'avouer qu'elle avoit donné parole à Noris de l'époufer fi le Roi venoit à mourir. Sur cet aveu on lui fit trancher la tête, le 19 de Mai, fur un échafaud qu'on avoit dreffé dans une cour de la tour. Avant que de mourir, elle fe mit à genoux devant la femme du Lieutenant de la tour, & la pria, au nom de Dieu, d'aller trouver la Princeffe Marie, pour lui demander pardon de fa part des déplaisirs qu'elle lui avoit donnés, & de l'affront qu'elle lui avoit fait fouffrir. Elle fit la même proteftation en public.

Enfuite elle monta fur l'échafaud, fuperbement habillée; parla beaucoup de fon innocence, loua la clémence du Roi; & s'étant apperçue que quelques Dames rioient avec malignité, elle leur dit :,, Je meurs Reine ,, malgré vous." Selon Spelman, l'on vit bondir fa tête fur l'échafaud, après fa féparation, & remuer fes yeux & fes levres pendant quelques momens. Elle fut enterrée dans une chapelle de la tour. Ce qu'il y a de furprenant, c'eft qu'elle ne dit pas un mot d'Elifabeth fa fille, que le Roi avoit donné ordre de lui mener, fi elle demandoit à la voir.

Les Catholiques affurerent que Dieu avoit puni cette femme pour avoir excité le Roi à rompre avec la Cour de Rome; & les partifans du Roi publioient par-tout les défordres de cette Reine, pour juftifier la conduite de leur maître. Mais l'opinion générale étoit qu'il y avoit plus d'imprudence que de crime dans la conduite d'Anne de Boulen. Soit crime ou imprudence, elle méritoit le malheureux fort qui a terminé fa vie, par le trop de fécurité qu'elle témoignoit, & le peu de ménagement qu'elle avoit pour un Roi qui l'avoit élevée fur le trône par un excès d'amour, & au mépris de toutes les loix.

L

BOULOGNE, Ville Capitale du Boulonnois.

BOULONNOIS, Contrée de France dans la Picardie,

E Boulonnois a environ douze lieues de long fur huit de large. Boulogne qui en eft la Capitale, a un port & un Evêché Suffragant de Rheims érigé par Paul IV, après la deftruction de Terouane.

On dit que Charles-le-Chauve érigea le Boulonnois en Comté en faveur d'Adolphe, un des fils de Baudouin bras-de-fer, Comte de Flandre.

Adolphe étant mort fans enfans, Boulogne retourna aux Comtes de Flandre fur lefquels il fut enlevé en 965, par Guillaume, Comte de

Ponthieu.

Ernicule, foit qu'il fut fon fils, foit qu'il fut fon petit-fils par Mahaut femme d'Adolphe, Comte de Guines, eut pour fils Euftache.

Euftache époufa Ide, fille de Godefroi Duc de la baffe-Lorraine ou Brabant, dont il eut Godefroi de Bouillon, Bauduin & Eustache.

Les deux premiers furent Rois de Jérufalem, Euftache eut le Comté de Boulogne.

Cohalde, d'autres difent Mahaut fa fille ou petite-fille, époufa en 1145 Etienne de Blois, depuis Roi d'Angleterre, d'où vint Marie, qui, quoique religieufe, époufa en 1159 Thierry d'Alface, Comte de Flandre. Ide leur fille eut de Renaud, Comte de Dammartin, Mahaut, qui porta

en

en 1216 fes Comtés de Boulogne & de Dammartin à Philippe, fecond fils de Philippe-Augufte.

Leur fille unique, Jeanne de Boulogne, fut mariée à un Gaucher de Châtillon, dont elle n'eut point d'enfans & il y eut de grands procès pour cette fucceffion.

La fuite des Comtes de Boulogne n'eft plus fûre jufqu'à Robert, Comte de Boulogne, qui époufa la fille unique de Guillaume, Comte d'Auvergne. D'autres veulent, au contraire, que Ide, femme de Renaud, Comte de Dammartin, ait eu une fœur nommée Mahaut, mariée à Henri, Duc de Brabant, dont la fille Marguerite époufa Guillaume VII, Comte d'Auvergne, & que de ce mariage vint Robert.

Nota. On ne peut prendre de parti jufte fur cet endroit, tant par rapport au Boulonnois qu'à l'Auvergne.

Quoiqu'il en foit, Marie, Comteffe d'Auvergne & de Boulogne, defcendant de ce Robert, porta fes Comtés dans la Maifon des Seigneurs de la Tour d'Auvergne, vers l'an 1388.

Son fils Bertrand de la Tour en fut dépoffédé par le Duc de Bourgogne Philippe-le-Bon, en 1419.

Bertrand III, fils du précédent, céda fes droits à Louis XI, qui profita de la mort de Charles-le-Guerrier, fils de Philippe-le-Bon, pour s'emparer de ce Comté, dont il fit hommage à la Vierge Marie, en 1477

Le commerce principal du Boulonnois confifte en charbon de terre, en beurre, harengs & liqueurs fortes.

CETTE

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BOURBON, Ifle d'Afrique dans l'Océan éthiopique, à l'Eft de Pifle de Madagascar, à 200 lieues du Cap de Bonne-Espérance. ETTE Ifle eft prefque ovale & peut avoir 15 lieues de long fur 10 de large & 40 de tour. Elle fut découverte par un Portugais de la Maifon de Mafcarenhas; auffi l'appelle-t-on Mafcareigne, ou Mafcarin. Les François s'y établirent en 1557 & en 1672. Elle n'a aucun port, & par conféquent elle eft peu fréquentée par les vaiffeaux François. Les habitans y ont confervé les mœurs fimples; l'agriculture y eft affez floriffante. L'Ifle produit du froment, du riz, du maïs pour les befoins de fes habitans & même pour fournir à une petite partie de ceux de l'Ifle_de France. La culture y eft la même qu'à Madagascar. Voyez ce mot. Les troupeaux de bœufs & de moutons qui y ont été tranfportés de cette grande Ifle, y réuffiffent d'autant mieux, qu'on a eu l'attention d'y transporter auffi le gramen nommé fatak, qui fait un excellent pâturage.

La plus grande partie des terres de cette Ifle eft employée à la culture du caffier. Les premiers plants de cet arbriffeau y ont été apportés en droi Tome IX. Dd

ture de Moka. On a obfervé à l'Ifle Bourbon, que chacun de ces arbriffeaux rapportoit annuellement l'un dans l'autre, une livre de caffé. Ce fruit mûrit & fe recueille à l'Ile de Bourbon dans un tems fec, ce qui lui donne un grand avantage fur le caffé des Ifles de l'Amérique qui ne mûrit & ne fe recueille que dans les faifons de pluie.

L'air y eft fort fain, les rivieres poiffonneufes, & les montagnes pleines de gibier. On recueille fur le rivage beaucoup d'ambre gris, de corail & de beaux coquillages. Long. 73. 30. lat. 20. 50.

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BOURBONNOIS, Province & Duché-Pairie de France.

E Bourbonnois eft fitué entre le Berry & la Bourgogne; Moulins en eft la capitale. Ses principales rivieres font la Loire, l'Alier & le Cher. Ce pays abonde en bleds, fruits, pâturages, bois, gibier, & en vin; il y a des mines de fer & de charbon de terre; les eaux minérales y font communes & fort renommées. On trouve près de Bourbon des rochers avec des veines dont les petites pierres reffemblent à des diamans & coupent le verre. On fabrique à Moulins des ferges, des étamines, & des crépons; à Hériffon & à Montluçon on fait des toiles.

Les habitans du pays ont beaucoup de douceur dans le caractere; mais on les accufe d'être pareffeux & de trop aimer le plaifir: contens de leurs héritages, attachés à une vie douce & unie, ils dédaignent les moyens qui pourroient leur procurer une amélioration de fortune aux dépens de leur tranquillité. Ils font quelque commerce des productions du sol, ainsi que des ouvrages de leurs manufactures: les cifeaux de Moulins font re

nommés.

Du tems de Céfar le Bourbonnois étoit habité par les Aedui, les Bituriges- Cubi & une partie des Arverni; & fous Honorius il faifoit partie de la premiere Aquitaine, excepté ce qui fe trouve entre la Loire & l'Allier qui dépendoit de la premiere Lyonnoife. De la domination des Romains

paffa fucceffivement fous celles des Wifigoths & des François; & dès le commencement du Xme, fiecle il eut des Seigneurs particuliers fous le nom de Sires, Princes, Barons ou Comtes. Il fut érigé en Duché-pairie vers l'an 1327, par le Roi Charles IV, en faveur de Louis I, fils de Robert de France, à qui il le donna avec le Comté de la Marche, en échange du Comté de Clermont en Beauvoifis qu'il vouloit avoir en propre parce qu'il y étoit né. Ce nouveau Duc de Bourbon prit pour femme Marie de Hainaut, dont il eut plufieurs enfans, entr'autres deux fils l'un appellé Jacques, qui fut Comte de la Marche & dont les defcendans occupent aujourd'hui le trône de France; l'autre nommé Pierre qui continua la postérité des Ducs de Bourbon, qui jouit de ce pays jufqu'à Charles, Conné

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