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lement qu'à la jurisdiction du Prévôt de Paris & du Lieutenant-Général de police.

Le grand réglement de police concernant les Boulangers, & qui eft encore en vigueur aujourd'hui, eft du 21 Novembre 1577, fous Henri III, adreffé par lettres-patentes au Parlement & au Prévôt de Paris. Selon ce réglement les Boulangers doivent tenir en leurs boutiques trois fortes de pain, dont on fixe le poids & le prix; favoir du pain blanc, du pain moyen, & du pain noir, appellé anciennement pain de brode, fous peine de punition corporelle, ou de 20 liv. parifis d'amende. Le prix du pain doit être réglé aux quatre faifons de l'année, fur le prix du bled aux trois premiers marchés du mois. Les Boulangers des villes ne peuvent entrer aux marchés où fe vendent les grains, qu'à onze heures en hyver & à midi en été ; les forains ne peuvent y entrer qu'après, fous peine de confifcation des grains; les heures précédentes font réfervées aux bourgeois pour faciliter leurs achats.

Les Boulangers ne peuvent acheter à chaque marché plus de deux muids de bled & un muid de farine. Pour éviter les intelligences & les monopoles, il leur eft défendu de s'affembler dans les tavernes avec les marchands & les mefureurs. Le réglement de 1625, leur défend d'acheter des grains dans l'étendue de huit lieues de Paris, à l'exception du marché de Limours, qui n'en eft éloigné que de fept lieues & qui a été privilégié en faveur du Cardinal de Richelieu, Seigneur de ce Comté. Ils doivent en ce cas en rapporter un certificat du mefureur de Limours. Il est également intéreffant pour le public de les maintenir dans la liberté d'acheter des bleds au-delà de huit lieues, & de les obliger de n'en point acheter en-deçà de cette étendue.

Par un Arrêt du Parlement de Paris du 2 Mai 1542, un Boulanger qui avoit employé de la farine de bled corrompu, fut emprisonné, puni & obligé de reftituer les deniers de la vente. Plufieurs autres Arrêts poftérieurs ont févi contre des Boulangers pour les contraindre à faire leurs pains du poids prefcrit par la loi, & avec de bonne farine. Le Ministere public ne fauroit trop veiller fur ces objets dont dépend la vie des citoyens. Mais ce qui doit fur-tout exciter la vigilance, ce font les accaparemens de bled, qu'il eft de fon devoir d'empêcher par tous les moyens poffibles. On fe fouvient des troubles qu'ils ont occafionnés les années dernieres dans plufieurs villes de province, dans la capitale même, & jufqu'au pied du trône.

Selon un réglement de 1366, qui fubfifte encore, les forains ne pervent apporter du pain pour le vendre à Paris, que les jours ordinaires de marché, ni l'expofer en vente ailleurs qu'au marché. Leurs pains doivent être de même poids, de même farine & de même façon; ils ne doivent vendre qu'en perfonne ou par leurs femmes ou par leurs gens. Il leur est défendu de vendre en gros aux regratiers. Leurs pains étant une fois apportés à la

halle, ils ne peuvent plus les remporter. (a) Celui qui prend une place dans un marché pour y faire fon commerce, contracte une espece d'obligation envers le public de fournir cette place d'une quantité fuffifante de pain chaque jour de marché, finon le Magiftrat de police le condamne à l'amende, & donne cette place à un autre. Ces difpofitions paroiffent offrir de grandes gênes dans le commerce, qui par fa nature fembleroit devoir être le plus libre de tous. On a cherché à y fubftituer une liberté indéfinie d'apporter & de vendre le pain tous les jours & dans toutes les places, mais on a prétendu y trouver plus d'inconvéniens encore, & l'ancien fyftême a prévalu. On a craint d'abandonner la vie d'un million de citoyens au caprice des gens qui n'apporteroient du pain à Paris que quand bon leur fembleroit. On n'a pas voulu faire attention, que l'intérêt & le défir de gagner feroit au moins auffi puiffant fur eux que la crainte des punitions.

Une ancienne ordonnance de Police pour la difcipline des garçons Boulangers, qui avoient cabalé pour faire augmenter leurs gages, leur défend de refter à Paris fans maîtres, & de fe louer pour moins de fix mois : ils ne doivent porter habits, manteaux & chapeaux, que les Fêtes & Dimanches, fous peine de punition corporelle.

La communauté des Boulangers de Paris eft compofée de cinq à fix cents maîtres. Elle eft gouvernée par fix Jurés, dont trois font élus chaque année. Les apprentifs fervent cinq années confécutives, & quatre années enfuite en qualité de garçons avant d'être reçus au chef-d'œuvre, dont les fils de maîtres font exempts. L'ancien chef-d'œuvre, étoit du pain broyé ou pain de chapitre. Le nouveau, eft le pain mollet & le pain blanc.

Il n'appartient qu'aux maîtres Boulangers de Paris d'y tenir boutique pour y vendre du pain, fans préjudice néanmoins à la liberté accordée de tout temps aux Boulangers forains & de la campagne, d'apporter du pain pour la provifion de Paris deux fois la semaine, & de l'expofer en vente dans les marchés.

Les Boulangers de Paris ont une confrérie établie depuis plufieurs fiecles dans l'Eglife de St. Honoré, qu'ils ont adopté pour Patron, & confirmée par lettres-patentes de 1739. Ils ont auffi une chapelle dans l'églife de St. Lazare, où ils ont fondé une meffe-baffe pour les défunts de leur communauté, tous les vendredis à perpétuité, & un fervice folemnel de St. Lazare, le dernier Dimanche du mois d'Août, où tous les Boulangers fe trouvent & rendent le pain béni. Les Boulangers de Paris & des faux

(a) Cette défenfe finguliere a été abrogée par un Arrêt du 5 Novembre 1775, en fa15 veur des Boulangers forains de Lyon. Ils peuvent faire des entrepôts de pain dans la ville, pourvu, qu'ils ne le vendent pas au-delà du prix fixé par la police.

bourgs

bourgs ont droit d'être reçus à la maladrerie des lépreux de Saint Lazare, & au lieu d'un pain qu'ils donnoient chaque femaine pour se conserver ce droit, ils donnent chacun cinq fols cinq deniers par an le jour de la Saint Jean.

Tous les maîtres Boulangers de Paris & des fauxbourgs, font obligés de cuire chaque jour une certaine quantité de pain, il n'y a que quelques grandes Fêtes dans l'année, où ils en foient difpenfés; alors ils cuifent la veille les pains dont ils ont befoin pour le lendemain.

Un Arrêt du 22 Juin 1639, défend aux Boulangers d'exercer en même temps la profeffion de meuniers à caufe des inconvéniens qui réfulteroient de la réunion des deux profeffions, puifqu'il ne tiendroit qu'à eux de faire hauffer à leur gré le prix du pain, en retardant le fervice des moulins. Ils ne peuvent non plus être en même temps mefureurs de grains, parce qu'alors, au lieu de dénoncer, comme ils y font obligés, les contraventions favorables à la cherté des grains, ils feroient les premiers intéreffés à les diffimuler; d'ailleurs, le rapport qu'ils font du prix des bleds deviendroit naturellement fufpect.

Dans plufieurs villes de Province, les Boulangers font tenus de mettre à leurs pains une empreinte, qui faffe voir qu'ils fortent de leur boutique, afin que s'il y a fraude, on puiffe en reconnoître l'auteur.

Chaque Boulanger doit avoir chez lui des balances & des poids pour pefer le pain, à peine d'amende arbitraire, & chaque pain doit être du poids réglé par la police. A l'égard du prix du pain, c'eft aux Magiftrats de police à veiller à ce qu'il ne devienne point exceffif par la fraude des Boulangers. En leur permettant, comme il eft jufte, de faire un gain raifonnable fur le commerce, ils doivent les empêcher de vexer le peuple par leur avidité; & de le réduire aux murmures ou à la révolte.

La jurifprudence des Arrêts eft très-favorable aux Boulangers par la répétition des deniers qui leur font dûs à raifon de leurs fournitures. Elle leur accorde une préférence fur le mobilier de leurs débiteurs. Et quoique l'article 8 du tit 1. de l'ordonnance de 1673, formé fur l'art. 126 de la coutume de Paris, ne leur accorde que fix mois pour demander en justice le paiement du pain qu'ils ont fourni; on ne laiffe pas au Châtelet de Paris de les écouter dans leur action pour la fourniture de l'année entiere. II feroit odieux fans doute de leur oppofer une négligence, qui fouvent eft le fruit de leur bienfaifance & de leur humanité. On ne fauroit trop les affermir dans ces louables fentimens, en leur prouvant qu'ils n'en font pas victimes.

Une ordonnance de Philippe-le-Bel, de 1305, permet aux Talmeliers ou Boulangers de Paris, où il y avoit néanmoins des fours banaux comme ailleurs, de cuire librement chez eux le pain deftiné à être vendu. Cette ordonnance a introduit l'exception pour tous les autres Boulangers du Royaume. Ils font difpenfés d'aller cuire au four banal le pain qu'ils deftinent Tome IX.

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pour le public, fans qu'ils foient tenus d'aucune indemnité envers le Seigneur. Cependant il y a encore des lieux où les Boulangers font obligés de fe fervir du four banal pour le pain qu'ils confomment avec leur famille, & pour la confection du gros pain qu'ils vendent au public. Tant il nous refte encore en France de coutumes fondées fur la fervitude & l'esclavage! Ce qu'il y a d'étrange, c'eft que ces coutumes odieufes & révoltantes foient tous les jours confirmées par les arrêts de nos Tribunaux les plus éclairés. Ce qui fait voir combien la philofophie a de peine à rompre les chaînes de toute efpece, dont la force, l'opinion & la routine ont furchargé le genre humain. Voyez PAIN.

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BOULEN OU BULEYN (Anne de ) maitreffe & femme de HENRI VIII, Roi d'Angleterre.

CETTE

ETTE femme célébre eut pour pere Thomas de Boulen, Chevalier & Tréforier du cabinet, & pour mere Jeanne Clinfton, fille d'un Baron de ce nom. Dès l'âge de quinze ans, c'est-à-dire en 1515, elle paffa en France en qualité de Demoiselle d'honneur de la Princeffe Marie, fœur de Henri VIII, qui époufa à l'âge de feize ans le Roi Louis XII, qui en avoit cinquante-trois. Ce Prince mourut après trois mois de mariage, & Marie époufa fecrettement à Paris un fimple Gentilhomme de fa fuite, favori de Henri VIII, qui lui donna le duché de Suffolck.

Anne de Boulen revint à Londres, avec fa maîtreffe, mais plus belle que jamais. L'air qu'elle avoit refpiré à la cour de France animoit fon teint des couleurs brillantes de la gaieté, & rendoit fes moindres actions intéreffantes. Le Roi d'Angleterre ne put la voir fans émotion: ce fut pour la premiere fois dans le jardin de fon pere. Après quelques momens d'entretien fur l'humeur agréable & galante des dames Françoifes, il en devint fi amoureux, qu'arrivé à Witehall, il dit au Cardinal Wolfey, fon favori : je viens d'avoir une converfation de demi-heure avec une demoifelle qui a de l'efprit comme un ange, & qui eft digne d'une couronne. Le Cardinal répondit:,, C'eft bien affez qu'elle foit digne de votre amour..... "Mais je crains, ajouta le Roi, que cet efprit angélique ne veuille pas s'abaiffer jufqu'aux hommes. "

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Wolfey, qui ne cherchoit qu'à éloigner le Roi des affaires, pour en avoir feul tout le maniement, l'encouragea dans fon amour. Les grands Princes comme votre Majefté, lui dit-il, ont dans le cœur & dans la main un aimant capable d'attirer même le fer. " Enfuite il lui confeilla de créer Milord le pere d'Anne de Boulen, & de lui donner à elle la qualité de Demoiselle d'honneur de la Reine Catherine. Ce confeil ne pouvoit manquer d'être agréable; le Roi envoya les brevets néceffaires à la

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jeune Boulen, avec la lettre fuivante, écrite de fa main,, je vous ai trouvée fi belle & fi charmante, que la fortune ne pouvoit me faire de plus grande faveur que celle que j'en reçus l'autre jour, lorfqu'elle me ,, procura quelques momens d'entretien avec vous dans votre jardin, puifqu'elle me donna par-là le moyen de reconnoître qu'ayant beaucoup de ,, mérite, vous êtes digne de tenir un rang plus confidérable dans le monde, & votre maison d'être élevée à de plus grands honneurs. Je vous prie d'agréer pour cette fois les deux brevets ci-inclus, que je vous envoie comme une récompenfe qui eft due à votre mérite, & foyez perfuadée que je vous trouve tellement à mon gré qu'il ne dépendra que de vous d'en faire telle expérience qu'il vous plaira. Ne négligez pas d'ac,, cepter ce que je vous offre bien plus du cœur que de la bouche. "

"

"

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Le Roi qui vous aime. "

Anne de Boulen, déjà avertie de l'entretien du Roi avec le Cardinal, par un Page de fes parens, communiqua la lettre à fon pere, qui, plus fenfible à l'ambition qu'à l'honneur, exhorta fa fille à répondre aux vœux du Monarque.

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Lorsqu'elle parut à la Cour en qualité de Dame d'honneur de Catherine cette Princeffe fentit naître dans fon cœur quelque preffentiment de ce qui devoit arriver, & dit aux autres Dames : l'arrivée d'Anne de Boulen à la ,, cour eft un préfage qui la menace de quelque grand malheur. Je ferai ,, ce que je pourrai pour diffuader le Roi de la laiffer long-temps dans cet ,, emploi." Malgré tout ce qu'elle put faire, Anne de Boulen devint la fource de toutes les faveurs. Le Roi donna à fon pere le vicomté de Rochefort, avec la plus grande charge de l'Etat & les ambaffades les plus honorables. On a prétendu que le Roi, pendant douze ans, n'avoit fait foupirer auprès de fa maitreffe. Elle craignoit, dit-on, fon inconftance & ne lui accordoit que ce qui pouvoit l'enflammer davantage. Enfin elle dévoila le motif d'un refus fi perfévérant: elle dit au Roi,

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que

" que s'il l'aimoit tout de bon, il lui étoit aifé de répudier la Reine pour l'épou ser, & que les plaifirs dérobés ne pouvoient pas être fort doux. " D'autres affurent que le Roi s'étoit marié fecrettement avec elle, avant qu'il l'époufat publiquement, & qu'elle avoit accouché d'une fille morte, & puis d'un garçon qui ne vécut que peu de jours. Soit qu'elle fût déjà fa femme, foit qu'elle lui eût refufé les dernieres faveurs jufqu'à ce qu'il l'eût épousée, le Roi aveuglé par fa paffion, réfolut de lui faire part de fon trône, & d'en exclure Catherine. Il ordonna au Cardinal de Wolfey de fe difpofer à demander en Cour de Rome fon divorce avec la Reine. Sur la fin du mois de Mai 1528 Anne de Boulen écrivit au Prélat la lettre fuivante :

"

Milord, je vous supplie très-humblement de me pardonner la liberté

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