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délité dans les poids & mefures, & autres chofes de cette efpece. La Cour Souveraine & le confeil de police, font donc les feules compagnies exiftantes dans le Duché.

Il y a peu de terres bâties, & par conféquent peu de Seigneurs qui les habitent. Le petit nombre de gentilshommes qui réfident dans leurs terres ne fe trouvent point aux affemblées des Députés, parce qu'étant exempts des tailles pour raifon de leurs fiefs, les objets d'impofitions qu'on y discute leur font étrangers. Les privileges de la Nobleffe font les mêmes qu'en France. Les Seigneurs n'ont fur les fujets de S. A. Sme, aucuns de ces droits infolites, fruits monftrueux de l'Anarchie féodale : les uns & les autres ont le bonheur de vivre libres fous la protection des loix.

La jurifdiction Eccléfiaftique eft exercée par un official; l'Evêque le choifit ordinairement dans le corps des Curés: il prête ferment en la cour fouveraine, & fi cet officier eft étranger au Duché, il eft obligé d'y élire domicile & de s'y tranfporter avec fon promoteur pour l'inftruction & le jugement des caufes qui font de fa compétance.

Le clergé fe contient dans les bornes de fon autorité toute fpirituelle. Les Auguftins ont une feule fois tenté de les franchir; mais le cas étoit délicat il ne s'agiffoit rien moins que de pénétrer jufque dans le tribunal de la pénitence, voici à quelle occasion.

Les Jéfuites poursuivoient le Sr. Rouffeau à Liége, à Bruxelles, à Bouillon avec cet acharnement propre à une fociété qui ne pardonnoit jamais. Conduifant la main de l'Evêque de Liége comme celle de tant d'autres Prélats, ils forgerent un mandement de profcription contre le Journal Encyclopédique. Les Auguftins de Bouillon crurent devoir fignaler leur zele; ils alarmerent les confciences de leurs pénitents & refuferent l'abfolution aux perfonnes employées à l'impreffion de cet ouvrage périodique. Ils furent mandés en la Cour Souveraine & réprimandés févérement. En France une pareille conduite eut foulevé tout le clergé; à Bouillon l'autorité n'éprouva aucune contradiction, l'abfolution ne fut plus refufée & tout rentra

dans l'ordre.

La coutume de Bouillon eft une coutume d'égalité : l'aîné fuccédant à un fief n'a d'autres avantages fur fes freres & fœurs que le droit de préciput confiftant en château avec le vol du chapon, pêche, chaffes, & épavés & aventures feigneuriales, avec la faculté indéfinie de réunir fur-tout copropriétaires ou co-héritiers.

Chaque Communauté a fon banc ou territoire. Tous les ans un arpenteur pour la ville de Bouillon, & dans les villages un habitant intelligent divifent le canton qui doit être cultivé en autant de portions qu'il y a de bourgeois. On affecte à chaque part un numero; & le jour indiqué pour la délivrance du partage, les numeros font mis dans un chapeau & tirés au fort. On rappellera ici ce qui a déjà été dit ci-deffus, que cette culture des communes par l'incinération eft indépendante des propriétés particu

lieres & fans préjudice des champs labourables qui fe cultivent avec engrais.

A quelques variétés près, la qualité des terres eft la même fur toutes les parties élevées; elles font moins mauvaises dans les fonds & fur les bords de la Semoy, jufques-là qu'il en eft quelques-unes de très-bonnes qui portent du bled & ne fe repofent jamais. Lorfqu'on fort du côté de Sedan les faveurs du fol ne fe font fentir qu'imperceptiblement, enforte que la Chapelle, premier village de cette Principauté à notre égard, ne vaut guere mieux que le Duché de Bouillon, & que fon territoire n'eft pas cultivé avec plus de fuccès. En s'avançant vers Daigny ou Givonnes, on s'apperçoit fenfiblement qu'on refpire un autre air. Le grain de la terre change; les récoltes deviennent plus faciles & plus abondantes: Givonnes & Daigny, quoique bons, fe reffentent encore un peu du voifinage de l'Ardenne, tandis que Bazeilles & Torcy, fur les bords de la Meufe, font excellens.

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Si on tourne fes pas vers le Duché de Carignan, la nature n'observe par les mêmes nuances. Les premiers champs qui touchent immédiatement les bois, font frappés de la même infécondité que l'Ardenne. Mais le grain de la terre change fubitement aux yeux de l'obfervateur qui s'en éloigne, & à 500 pas des Lifieres, elle eft forte, compacte & fertile. Les mêmes cultivateurs qui, de l'autre côté de la forêt, ne labourent qu'une fois, & font la dépenfe prodigieufe de 40 voitures de fumier par arpent; tranfplantés dans les fermes de grand Hez, ils donnent aux terres qui en dépendent, 4 & 5 labours, & obtiennent des récoltes de froment abondantes avec le fecours léger de 6 à 7 voitures de fumier par arpent. Malheureusement le Duché de Bouillon ne poffede point affez de terrein dans cette partie pour y bâtir un village. Les deux petites fermes de Grand-Hez en occupent tout le territoire, & touchent immédiatement le Duché de Carignan.

Les villages de la province de Luxembourg, limitrophes au Duché de Bouillon, ne font pas mieux traités que lui, il eft même certain que la culture y eft moins animée, & la population inférieure. Les habitans étant plus éloignés les uns des autres, on fait des lieues entieres fans découvrir autre chofe que des genêts, & fans appercevoir de champs cultivés. Il faut s'enfoncer 7 & 8 lieues dans cette province pour que le voyageur foit fatisfait; encore n'eft-ce pas un excellent pays.

Si le Souverain en tire un meilleur parti, c'eft que fon commerce y eft encouragé, protégé par les mêmes loix qui écrafent celui du Duché de Bouillon. Au refte, les habitans n'y font ni mieux vêtus, ni mieux nourris, ni plus heureux. Le luxe des Cours, la préfence d'une milice innombrable dans chaque Etat, & l'infațiabilité des traitans, exigenc des fubfides ruineux, & abforbent la fubfiftance des peuples."

Le Duché de Bouillon, au contraire, eft dédommagé de l'infécondité de fon fol par la douceur de fon gouvernement, & par les bontés conftantes

& paternelles de fes maîtres. Lorfque le grain manque à fes habitans, c'eft qu'ils ne l'ont pas recueilli; mais il ne leur a été enlevé ni par le propriétaire fuperbe & indolent, ni par le commis avide & infolent. A l'abri de toute efpece de vexation ils vivent contens de leurs propriétés & de leur fort. Ils font pauvres & contens du peu qu'ils ont. Leur pauvreté semble avoir fouftrait ce petit Etat à l'avidité, & à la déprédation prefque générale des Gouvernemens qui s'enorgueilliffent de l'art fatal de travailler les peuples en finance. Plufieurs projets en ce genre ont été offerts aux Ducs de Bouillon, & en particulier au Duc actuellement régnant. Ils ont toujours été rejettés.

BOULAINVILLIERS, (Henri, Comte de) Auteur-Politique.

HENR

ENRI, Comte de Boulainvilliers, de S. Saire, &c. nâquit à S. Saire en 1658, d'une famille très-ancienne. Il se livra à l'Hiftoire de France, s'appliquant à connoître les loix & les mœurs de fon pays, les prérogatives des anciennes maifons de France & l'accroiffement des nouvelles. Il s'acquit la réputation d'un homme favant. Il a compofé une hiftoire de France jufqu'à Charles VIII, avec des mémoires hiftoriques fur l'ancien gouvernement de cette Monarchie jufqu'à Hugues-Capet. Il appelle le Gouvernement féodal le chef-d'œuvre de l'efprit-humain : expreffion fauffe & abfolument indigne d'un Hiftorien judicieux & Philofophe. Le Préfident Hainault & le célébre Montefquieu, ont rejetté avec raifon ce qu'il a écrit fur le commencement de la Monarchie Françoise.

On a attribué au Comte de Boulainvilliers beaucoup d'autres ouvrages qui ne font pas de lui. Ceux qui lui appartiennent ont été recueillis en trois volumes in-folio,

BOULANGER, f. m.

Celui qui eft autorifé à faire, cuire & vendre du pain au public.

LA

A profeffion des Boulangers, aujourd'hui fi néceffaire au public, étoit inconnue aux Anciens. Le bled s'y mangea d'abord en fubftance, comme les autres fruits de la terre. Selon le Philofophe Pofidonius, l'action de le broyer entre les dents fit naître l'idée de le convertir en farine, en l'écrafant entre deux pierres. On mêla de l'eau à cette farine, & en remuant & pêtriffant ce mêlange il en réfulta une bouillie, dont on fe con

tenta d'abord. On s'avifa enfuite d'en faire des pains ou gâteaux, qu'on mit cuire fous la cendre chaude pour leur donner de la confiftence. C'eft ce qu'on voit pratiquer à Sara dans l'écriture par le commandement d'Abraham, pour la réception des hôtes céleftes qui defcendent chez lui. Nous apprenons de Pline que les Dames Romaines ne dédaignoient pas ce travail. La préparation du bled fe fait d'abord avec des pilons dans les mortiers. L'invention des moulins à bras fuccéda aux pilons. Les moulins à vent & à eau ne furent connus que long-temps après. L'ufage des grands fours & d'y cuire du pain s'établit enfin en Orient, où il y avoit des gens prépofés pour ce fervice. Cet ufage ne paffa en Europe qu'avec les armées Romaines au retour de Macédoine l'an 583 de la fondation de Rome, & les Romains eurent alors des ouvriers publics pour faire leur pain.

Du temps d'Augufte il y avoit à Rome jufqu'à 329, ou felon d'autres feulement 317 boulangeries publiques. Ce qui peut donner une idée de la population de cette capitale du monde. Ceux qui étoient attachés à la profeffion de Boulangers étoient obligés d'y refter avec leurs enfans, & ceux qui époufoient leurs filles étoient foumis à la même loi.

On ne fait pas en quel temps on commença à faire le pain avec du levain, qui, comme on fait, n'eft qu'un peu de pâte qu'on laisse aigris & qu'on pêtrit enfuite avec la nouvelle. Mais avant cette heureuse invention, le pain ne pouvoit être qu'un aliment pesant & difficile à digérer. On a été redevable de cette découverte comme de tant d'autres au feul hafard. Quelque perfonne aura voulu par économie faire fervir un refte de pâte, & l'aura mêlé avec de la nouvelle, fans prévoir l'heureux effet que devoit produire ce mêlange. On aura été bien étonné fans doute, en voyant qu'un morceau de pâte fermentée & d'un goût défagréable, rendoit le pain plus léger & plus favoureux. Cette maniere de faire le pain étoit fans doute déjà connue des anciens Juifs, puifque leur loi leur ordonnoit de n'employer que des azymes, c'est-à-dire, des pains fans levain, à la célébration de leur Pâque.

Depuis qu'on a inventé l'art de faire la bierre, on a trouvé que l'écume qui fe forme pendant la fermentation de cette liqueur, eft propre à faire lever la pâte d'une maniere encore plus avantageufe & plus parfaite que l'ancien levain de pâte aigrie; en forte qu'on emploie préfentement cette Levure pour faire le pain de pâte légere; qu'on croit néanmoins être moins fain, que celui où il entre du levain ordinaire. On peut confulter pour la meilleure méthode de faire le pain, le parfait Boulanger, de Mr. Par

mentier.

La France eut des Boulangers dès la naiffance de la Monarchie. Il en eft fait mention dans les Ordonnances de Dagobert II de l'an 630. Par une ordonnance de l'an 800, Charlemagne enjoignoit aux juges des provinces de tenir la main à ce que le nombre des Boulangers fut toujours complet

& rempli de bons fujets. On les appelloit alors paftors, en latin piftores, à caufe des pilons, dont on fe fervit d'abord pour écrafer le bled; enfuite tamifiers, & par corruption talmeliers, à caufe des tamis dont ils fe fervoient pour paffer la farine; & enfin Boulangers, qui est un nom purement François.

L'invention des fours remonte à la plus haute antiquité; mais il y a lieu de penfer que ces fours, dans l'origine, étoient bien différens des nôtres. C'étoit, autant qu'on en peut juger par les defcriptions de quelques Hiftoriens, des efpeces de tourtieres d'argille ou de terre graffe, qui fe tranfportoient aisément d'un lieu à un autre. Ceux des Turcs d'aujourd'hui font encore faits à-peu-près de la même maniere. On fait que ce font eux qui ont confervé le plus fidélement les ufages des anciens Grecs, qu'ils ont foumis. Leurs fours font faits d'argille, & reffemblent à un cuvier renversé, on les échauffe en mettant du feu deffous; on met fur la plate-forme de deffus la pâte en forme de galettes, qu'on ôte à mesure qu'elles font cuites, pour y en mettre d'autres.

Avant le regne de Philippe Augufte, la ville de Paris, qui étoit encore renfermée dans des bornes étroites, n'eut befoin que d'un petit nombre de Boulangers. Les fours bannaux fubfiftoient encore. La plupart des habitans y cuifoient eux-mêmes leur pain, ce qui fe pratique encore dans bien des endroits. Les Boulangers forains n'y faifoient aucun commerce.

Les premiers ftatuts des Boulangers leur furent donnés, de même qu'à beaucoup d'autres Communautés d'arts & métiers, par Etienne Boileau fous le regne de S. Louis. Ce Prince attribua à fon grand Panetier la jurifdiction fur eux & fur leurs compagnons. Il en eft fait mention dans le recueil qui fut fait par Etienne Boileau l'an 1264. Par un arrêt du Parlement de l'an 1281, cette jurifdiction fut confervée au grand Panetier. Il lui étoit permis de mettre dans les prifons du Châtelet les Boulangers qu'on trouvoit en faute : & le Prévôt de Paris, qui avoit d'ailleurs la jurifdiction de tous les autres corps d'arts & métiers, ne pouvoit les mettre en liberté fans l'agrément du grand Panetier ou de fon lieutenant. Ce qui n'empêchoit pas que le Prévôt de Paris n'eût auffi une jurifdiction de police fur les Boulangers fuivant les lettres-patentes de l'an 1305, & un arrêt du Parlement de 1316.

Par les anciens ftatuts du temps de S. Louis, il étoit permis au grand Panetier d'élire douze Jurés. Par les lettres du Roi Jean du 30 Janvier 1350, ce nombre fut réduit à quatre & leur élection attribuée au Prévôt de Paris ou à fon Lieutenant. C'eft à cette époque qu'on commença à donner atteinte à la jurifdiction du grand Panetier fur les Boulangers de Paris. Il difputa long-temps fes droits & fes prérogatives contre le Prévôt de Paris. Enfin après bien des débats, la communauté des maîtres Boulangers de Paris eft rentrée dans le droit commun des autres communautés, par un édit du mois d'Août 1611. Elle n'eft plus foumife actuel

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