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Après la mort funefte de ce Roi, Boucher devint le panégyrifte de fon déteftable meurtrier. Il continua fes déclamations emportées contre Henri IV, qu'il ne voulut jamais reconnoître pour Roi, même lorfqu'il fut conformifte; & il publia à Paris neuf fermons qu'il avoit prêchés dans l'église de S. Merri, où il foutenoit qu'il ne falloit point obéir au Béarnois, parce que fa converfion étoit une feinte & fon abfolution nulle.

Les Sermons de Boucher furent brûlés par autorité publique, & luimême fortit de Paris déguifé, paffa en Flandre, fit l'apologie de Jean Châtel avec une audace digne de lui, & mourut âgé de 50 ans en 1644 exemple épouvantable de fanatifme & de rebellion, infiniment plus fatal à un Etat que la pefte & la famine.

BOUCHER, celui qui eft autorisé à tuer des beftiaux, & à en vendre la chair en détail au public.

LA viande de boucherie eft la nourriture la plus ordinaire avec le pain,

& par conféquent une de celles qui doit davantage & le plus fouvent intéreffer la fanté. La police ne peut donc veiller trop attentivement fur cet objet mais elle prendra toutes les précautions qu'il comporte, fi elle a foin que les beftiaux deftinés à la boucherie foient fains; qu'ils foient tués & non morts de maladie, ou étouffés; que l'apprêt des chairs fe faffe proprement, & que la viande foit débitée en temps & en lieu convenables.

Il ne paroît pas qu'il y ait eu des Bouchers chez les Grecs, au moins du temps d'Agamemnon. Les héros d'Homere font fouvent occupés à dépecer & à faire cuire eux-mêmes leurs viandes; & cette fonction, qui eft fi défagréable à la vue, n'avoit alors rien de choquant.

A Rome il y avoit deux corps ou colleges de Bouchers, ou gens chargés par état de fournir à la ville les beftiaux néceffaires à fa fubfiftance : il n'étoit pas permis aux enfans des Bouchers de quitter la profeffion de leurs peres, fans abandonner à ceux dont ils fe féparoient, la partie des biens qu'ils avoient en commun avec eux. Ils élifoient un chef qui jugeoit leurs différends: ce tribunal étoit fubordonné à celui du préfet de la ville. L'un de ces corps ne s'occupa d'abord que de l'achat des porcs, & ceux qui le compofoient en furent nommés fuarii: l'autre étoit pour l'achat & la vente des bœufs ; ce qui fit appeller ceux dont il étoit formé boarii ou pecuarii. Ces deux corps furent réunis dans la fuite.

Ces marchands avoient fous eux des gens dont l'emploi étoit de tuer les beftiaux, de les habiller, de couper les chairs, & de tes mettre en vente; ils s'appelloient laniones ou lanii, ou même carnifices on appelloit laniene les endroits où l'on tuoit, & macella, ceux où l'on vendoit.

Nous avons la même diftinction; les tueries ou échaudoirs de nos Bouchers répondent aux laniene, & leurs étaux aux macella.

Les Bouchers étoient épars en différens endroits de la ville; avec le temps on parvint à les raffembler au quartier de Cœlimontium. On y tranfféra auffi les marchés des autres fubftances néceffaires à la vie, & l'endroit en fut nommé macellum magnum. Il y a fur le terme macellum un grand nombre d'étymologies qui ne méritent pas d'être rapportées.

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Le macellum magnum, ou la grande boucherie, devint fous les premieres années du regne de Néron un édifice à comparer en magnificence aux bains, aux cirques, aux aqueducs, & aux amphithéâtres. Cet efprit qui faifoit remarquer la grandeur de l'Empire dans tout ce qui appartenoit au public, n'étoit pas entiérement éteint la mémoire de l'entreprise du macellum magnum fut tranfmife à la poftérité par une médaille où l'on voit par le frontispice de ce bâtiment, qu'on n'y avoit épargné ni les colonnes, ni les portiques, ni aucune des autres richeffes de l'architecture. L'accroiffement de Rome obligea dans la fuite d'avoir deux autres boucheries l'une fut placée in regione Efquilina, & fut nommée macellum Livianum ; l'autre in regione fori Romani.

La police que les Romains obfervoient dans leurs boucheries s'établit dans les Gaules avec leur domination; & l'on trouve dans Paris, de temps immémorial, un corps compofé d'un certain nombre de familles chargées du foin d'acheter les beftiaux, d'en fournir la ville, & d'en débiter les chairs: nous en parlerons dans l'inftant.

La premiere fonction du Boucher eft l'achat des beftiaux : les anciens difpenfoient les Bouchers des charges onéreufes & publiques; toute la protection dont ils avoient befoin leur étoit accordée; on facilitoit & l'on affuroit leur commerce autant qu'on le pouvoit.,

La police de l'achat des beftiaux fe réduit à quatre points: 1°. quels beftiaux il eft permis aux Bouchers d'acheter: 2°. en quels lieux ils en peuvent faire l'achat : 3o. comment ils en feront les paiemens : 4o. la conduite des beftiaux des marchés, & leur entretien dans les étables.

Autrefois les Bouchers vendoient bœuf, veau, mouton, porc, agneau, & cochon de lait.

La bonne police doit veiller à ce que la qualité en foit faine, le prix jufte, & le commerce difcipliné.

En Grece, les Bouchers vendoient la viande à la livre, & fe fervoient de balance & de poids. Les Romains en uferent de même pendant longtemps: mais ils affujettirent dans la fuite l'achat des beftiaux & la vente de la viande, c'eft-à-dire, le commerce d'un objet des plus importans, à la méthode la plus extravagante. Le prix s'en décidoit à une espece de fort. Quand l'acheteur étoit content de la marchandise, il fermoit une de fes mains; le vendeur en faifoit autant chacun enfuite ouvroit à la fois & fubitement, ou tous fes doigts ou une partie. Si la fomme des doigts

étoit paire, le vendeur mettoit à fa marchandise le prix qu'il vouloit : fi au contraire elle étoit impaire, ce droit appartenoit à l'acheteur. C'eft ce qu'ils appelloient micare. Il y en a qui prétendent que la mication des boucheries Romaines fe faifoit un peu autrement que le vendeur levoit quelques-uns de fes doigts; & que fi l'acheteur devinoit fubitement le nombre des doigts ouverts ou levés, c'étoit à lui à fixer le prix de la marchandise, finon à la payer le prix impofé par le vendeur.

Il étoit impoffible que cette façon de vendre & d'acheter n'occafionnât bien des querelles. Auffi fut-on obligé de créer un tribun & d'autres officiers des boucheries; c'eft-à-dire, d'augmenter l'inconvénient; car on peut tenir pour maxime générale, que tant qu'on n'aura aucun moyen qui contraigne les hommes en place à faire leur devoir, c'eft rendre un défordre beaucoup plus grand, ou pour le préfent ou pour l'avenir, que d'augmenter le nombre des hommes en place.

La création du tribun & des officiers des boucheries ne fupprima pas les inconvéniens de la mication: elle y ajouta feulement celui des exactions, & il en fallut revenir au grand remede, à celui qu'il faut employer en bonne police toutes les fois qu'il eft praticable, la fuppreffion. On fupprima la mication & tous les gens de robe qu'elle faifoit vivre. L'ordonnance en fut publiée l'an 360, & gravée fur une table de marbre, qui fe voit encore à Rome dans le palais Vatican. C'est un monument très-bien confervé En voici la traduction : :

» La raison & l'expérience ont appris qu'il eft de l'utilité publique de » fupprimer l'usage de la mication de la vente des beftiaux, & qu'il eft beaucoup plus à propos de la faire au poids que de l'abandonner au fort » des doigts: c'eft pourquoi, après que l'animal aura été pesé, la tête » les pieds & le fuif appartiendront au Boucher qui l'aura tué, habillé & » découpé; ce fera fon falaire. La chair, la peau feront au marchand >> Boucher vendeur, qui en doit faire le débit. L'exactitude du poids & » de la vente ayant été ainfi conftatée aux yeux du public, l'acheteur & » le vendeur connoîtront combien pese la chair mife en vente, & cha>> cun y trouvera fon avantage. Les Bouchers ne feront plus exposés aux > extorfions du tribun & de fes officiers; & nous voulons que cette or>> donnance ait lieu à perpétuité, fous peine de mort.

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Charlemagne parle fi expreffément des poids & du foin de les avoir juftes, qu'il eft certain qu'on vendoit à la livre dans les premiers temps de la monarchie. L'ufage varia dans la fuite, & il fut permis d'acheter à la main.

Nous venons de dire qu'il y avoit autrefois & de temps immémorial à Paris, ainfi que dans l'ancienne Rome, un certain nombre de familles attachées à la profeffion de Bouchers. Ces familles compofoient une espece de corps ou fociété : elles n'admettoient avec elles dans ce commerce aucun étranger: les enfans y fuccédoient à leurs peres, ou les collatéraux à

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feurs parens mais comme les biens qu'elles poffédoient en commun étoient deftinés à un emploi des plus laborieux, les feuls mâles en étoient mis en poffeffion, à l'exception des filles, d'où il arriva que par une espece de fubftitution les familles qui ne laiffoient aucuns hoirs en lignes mafculines, n'avoient plus de part à la société & que leurs droits étoient dévolus aux autres jure accrefcendi.

Ces familles élifoient entr'elles un chef fous le titre de maître des Bouchers. Celui qui étoit pourvu de cet office en jouifsoit fa vie durant, & il n'étoit deftituable qu'en cas de prévarication. Ce maître ou chef avoit jurifdiction fur tous les autres Bouchers, décidoit toutes les contestations qui naiffoient entre eux concernant leur profeffion ou l'administration de leurs biens communs. Ils élifoient auffi un Procureur d'office & un Greffier, & les appellations de ce petit tribunal étoient relevées devant le Prévôt de Paris, & jugées aux audiences de police de ce Magiftrat.

Ce droit des Bouchers, d'avoir un juge de leur corps, étoit auffi ancien que la Monarchie; il avoit eu pour fondement dans fon origine le droit commun: ainfi ce n'étoit point un privilege dont ils fuffent obligés de rapporter le titre, mais plutôt une liberté qui leur avoit été confervée. La plupart de ces familles devenues puiffantes à proportion de l'accroiffement de leur revenu, abandonnerent la profeffion de leurs ancêtres, & louerent feurs étaux à d'autres Bouchers. Le Parlement s'éleva contre cette entreprife par un arrêt rendu fur la remontrance du Procureur-général du 2 Avril 1465. Les maîtres furent condamnés d'occuper en perfonne leurs étaux ou de les faire occuper par leurs ferviteurs à gages, à peine d'amende arbitraire & de privation des étaux. Mais par un arrêt du 4 Mars 1557, ils en furent difpenfés en préfentant tous les ans au Prévôt de Paris ou fon lieutenant, des hommes capables de cette profeffion pour l'exercer en leurs places & dans leurs étaux. Ceux-ci qui avoient, ce femble, intérêt de vivre dans cette liberté, s'en lafferent; ils s'adrefferent au Roi & demanderent d'être érigés en métier-juré fuivant les ftatuts qu'ils préfenterent, & cela leur fut accordé par lettres - patentes du mois de Février 1587. Et malgré l'oppofition des propriétaires, ces lettres furent enregistrées par arrêt du 22 Décembre 1589, à condition que ces nouveaux maîtres feroient incorporés à la Communauté, & que les ftatuts feroient communs aux uns &

aux autres.

Par des lettres-patentes du mois d'Août 1416, il eft ordonné que tous les Bouchers de Paris ne compoferont qu'une même communauté, qui fera régie comme celle de tous les autres arts & métiers. Toutes les boucheries qui ont été établies dans l'étendue des juftices des Seigneurs particuliers, contiennent la condition d'être foumifes, quant à la police, à la feule jurifdiction du Prévôt de Paris.

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Selon les ftatuts donnés par lettres patentes de Henri IV, en 1587 il doit y avoir quatre Jurés pour faire garder & obferver les ordonnances :

ils feront élus de deux en deux ans par la communauté des maîtres, en ́ présence du Procureur du Roi, par-devant lequel ils prêteront ferment. Ils font tenus de bien vifiter les bêtes qui feront amenées pour être tuées & exposées en vente; de n'admettre aucunes bêtes mortes ou malades, & d'empêcher qu'aucunes chairs trop gardées ou gâtées ne foient débitées au peuple. Défenfes aux Bouchers de tuer ou faire tuer des porcs qui auroient été nourris dans les maifons d'huiliers, barbiers, ou maladreries, fous peine de dix écus d'amende. S'il refte des chairs aux boucheries du jeudi au famedi, depuis Pâques jufqu'à la St. Remi, elles feront exactement vifitées par les Jurés. Un compagnon ne peut quitter fon maître fans congé ; il doit en avoir un certificat par écrit; le maître qui le reçoit fans certificat eft condamné à deux écus d'amende,

Le louage de chaque étal de boucherie, fut d'abord fixé à 16 liv. par les réglemens de police, enfuite à 24 liv. fous Charles IX, puis à 100 liv. Ils étoient à 950 liv. en 1690. Il y a plus d'un fiecle que le prix n'en eft pas fixé; mais pour empêcher qu'ils ne montent à un prix exceflif, il n'eft plus permis aux propriétaires, après avoir fait un bail & que leurs locataires les paient bien, de les changer ni d'augmenter le prix. Il est défendu aux Bouchers de tenir par eux ou fous des noms interpofés plus d'un étal en chaque boucherie, & plus de trois étaux dans toute la ville de Paris, quoiqu'en différentes boucheries les Bouchers font obligés de fe trouver au Châtelet à l'audience de police qui fe tient tous les ans, le premier mardi d'après la mi-carême, pour continuer ou renouveller les baux. Ils doivent prendre garde que les bœufs qu'ils achetent n'aient le fy, qui eft une espece de ladrerie, & que les moutons n'aient le claveau ou quelque autre maladie. Ils font tenus d'acheter des beftiaux suffifamment pour les provifions de la ville, chacun felon la fituation & l'étendue des étaux qui leur font adjugés; c'eft une obligation qu'ils contractent envers le public en la présence du Magiftrat.

Pour rétablir l'abondance au marché de Paris, une déclaration du Roi

de 1539 ordonne que le fol pour livre, qui fe levoit fur le prix des beftiaux à Paris, fe levera auffi dans les marchés de Poiffy, Pontoise & Houdan. Le réglement de Charles IX, fait par les confeils du Chancelier de l'Hôpital, du 4 Février 1567, contient trois difpofitions impor tantes la ire. que les impôts qui le levoient aux entrées des villes & aux marchés feroient rendus égaux; la 2me. que les marchands ou leurs gens n'iroient pas au-devant pour acheter les beftiaux en chemin, à peine de confifcation & d'amende; & la 3me. que les Bouchers ne pouvoient acheter aucun bétail à fept lieues près de Paris, ni les Bouchers des autres villes à deux lieues près de leur domicile. Pour remédier aux monopoles des riches Bouchers, le même réglement porte que les beftiaux qui feroient achetés aux marchés feroient lotis entre tous les Bouchers, 'ils le requéroient, afin que chacun en fut également fourni. La dif

tance

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