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toile, qui paffant entre les cuiffes, couvre ce que la nature leur enfeigne de cacher, & dont un bout pend par devant & l'autre par derriere. Les payfans font des toiles d'écorce d'arbres qui, après avoir été lavées & battues, deviennent auffi douces que du coton; mais ces arbres étant au pouvoir des Malais, il faut que les gentils s'expofent à la tyrannie & aux infolences des Mahométans. Les uns vont le refte du corps nud, les autres portent un petit pourpoint fait des mêmes écorces, qu'ils teignent de la couleur qu'ils veulent, & pour fe garantir la tête du foleil ou de la pluie, ils ont un chapeau de feuilles de palmier, fait en pain de fucre, dont les bords font pendans. Les armes, dont ils fe fervent, font des couteaux, à-peu-près comme les cangiares des Mores, & des farbacanes de fix palmes de long, par le moyen defquelles ils foufflent de petites flêches armées de fer à un bout & d'une cartouche à l'autre; ils atteignent ce qu'ils veulent, quoique d'affez loin; le fer de ces flêches eft fouvent empoisonné avec des herbes, & rend la bleffure mortelle. Ils fe fervent aussi de petites boules de terre pour tuer les oiseaux. Les Beajous font bazanés, bien faits & robuftes.

Les Malais, qui habitent, comme nous l'avons dit, les parties extérieures de l'Ifle, & tiennent cette pauvre nation fous l'oppreffion, font gens fans foi, inconftans, ambitieux, traitres & grands voleurs. Outre les armes blanches, ils ont encore quelques armes à feu, dont ils fe fervent fur mer. Plufieurs d'entr'eux vont nuds, & quelques autres fe couvrent de la ceinture en bas d'une toile qui fait comme une demi-jupe. Ils n'ont qu'un mouchoir de toile autour de la tête; mais quand il pleut, ils fe fervent du chapeau de feuilles de palmier. Leurs maifons font dans des papos ou barques, comme font auffi celles des Beajous, fur la riviere de ManjarMaflen, ou bien fur cinq pilliers au bord de la même riviere, pour y pouvoir vivre dans le temps des débordemens. Le Roi de Manjar demeure fort avant dans le pays, où il mene une vie miférable, fon royaume ayant été divifé entre plufieurs branches de la famille royale, pour leur donner de quoi pouvoir fubfifter. Cette Ifle eft depuis le me, degré de latitude méridionale, jufqu'au 9me, degré de latitude feptentrionale.

Borneo, ville des Indes orientales, dans l'ifle dont nous venons de parler, eft grande & fort peuplée, fait un grand commerce par le moyen de fon port, au fond d'un petit golfe. Elle eft dans un marais, fur la côte feptentrionale de l'ifle, bâtie für pilotis, avec des canaux comme à

Venife.

BORZIUS, (François) Auteur Politique.

FRANÇOIS BORZIUS D'EUGUBIO, prêtre de la Congrégation de l'Őri

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toire, a fait un livre: De temporali Ecclefiæ Monarchid, 1661, Romæ, in-4°., 2 vol. Le titre du livre, la qualité de l'Auteur & le lieu de l'impreffion, annoncent que c'eft ici un de ces ouvrages malheureux qué le fanatisme ou le défir de plaire à la Cour de Rome a enfantés. Borzius y dit que la négligence des Souverains à défendre les droits du Clergé, & fur-tout leurs attentats fur fes prérogatives facrées, ont été la caufe des grands malheurs arrivés à la plupart de ces Princes; & qu'au contraire, la profpérité de ceux qui ont protégé l'Eglife, a été la récompenfe de leurs belles actions. Il en cite des exemples dans le chapitre qui fuit celui où il a voulu prouver » que les Rois ou les Princes facrileges, foit ceux qui » ont violé la liberté eccléfiaftique, foit ceux qui ont diminué les droits » de la Puiffance eccléfiaftique, font déchus, à l'exemple des démons auxquels ces Princes malheureux s'affocient, du bonheur temporel, l'égard de cinq articles, par rapport à leurs perfonnes, à leurs pofte» rités, à leur parenté, à la nobleffe de leurs Etats, & aux peuples qui » vivent fous leur domination. "Il foutient que la Puiffance eccléfiaftique a, de droit divin & naturel, autorité fur la puiffance féculiere; que le Pape peut l'exercer dans le for extérieur, & qu'il peut punir ceux qui ne voudroient pas lui obéir, non-feulement à caufe du péché mortel, mais encore pour la confervation des vertus morales, & pour détourner des chofes qui peuvent induire au péché. De ce beau principe, que l'Ecrivain s'efforce d'appuyer de plufieurs raifons & de grand nombre d'autorités, il conclut que le Pape a un pouvoir direct & coactif fur le temporel des Rois; qu'il peut difpofer des Royaumes, les transférer, dépofer les Rois, & en établir de nouveaux pour de juftes caufes, quoiqu'il ne puiffe pas priver les Princes de leur légitime domaine, ni les empêcher de l'exercer, quand ils en ufent bien. Borzius a été réfuté par Guillaume Barclay, dont on peut voir l'article dans cette Bibliotheque, & fon ouvrage fera toujours méprifé par les perfonnes fenfées. Nous aurons occafion de traiter cette matiere aux articles DROIT ECCLÉSIASTIQUE, PAPE, &c.

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BOSIUS (Jean-André) Auteur Politique.

OSIUS, né à Leipfick en 1626, & mort en 1676 à Iene, où il étoit Profeffeur en Hiftoire, eft Auteur d'une Introduction à la Politique & d'une differtation fur les Auteurs qui ont écrit de la Politique : ce livre a pour titre De comparanda prudentia civili cum notitiâ fcriptorum politia univerfalis, in-4to. Yenæ, 1698.

BOSSUET, (Jacques-Bénigne) Evêque de Meaux, Confeiller du Roi, & Précepteur du Dauphin de France aieul de Louis XV, né à Dijon en 1627 & mort à Paris en 1704.

CET illuftre Prélat, l'un des plus grands ornemens du Clergé de Fran

ce,

mérite aussi une place parmi les Auteurs Politiques. Il fit pour l'inftruction de fon augufte Eleve un livre intitulé: Politique tirée des paroles de l'Ecriture-Sainte, qui fut imprimé à Paris après la mort de l'Auteur en un volume in-4to. & en 2 vol. in-12.

L'objet de l'Evêque de Meaux fut de renfermer dans cet ouvrage les principes d'une Politique d'autant plus fainte que la fource en étoit plus pure, d'une Politique qui eût toute la majefté & toute la grandeur que doit avoir la morale de ceux qui gouvernent le monde, fans avoir rien de fa corruption ordinaire. Il chercha, fans fortir de l'Evangile, de quoi former un grand Prince; & on peut, felon les principes de ce Prélat, être un excellent Politique & un véritable Chrétien. Qui étoit plus propre que lui à puifer dans les livres faints des connoiffances fur le fujet qu'il a traité, lui qui, dans fon excellent Difcours fur l'HiftoireUniverfelle, avoit préfenté avec tant de gloire tous les événemens de la vie !

Le titre de fon livre n'eft pas jufte. Ce n'eft point faire un traité de politique que d'entreprendre d'expliquer à l'héritier préfomptif d'une couronne les principes de juftice felon lefquels les Princes doivent gouverner. Puifer dans l'Ecriture des regles de juftice, c'eft prendre le meilleur de tous les guides; mais on y chercheroit en vain celles de la Politique. Ce n'eft pas pour en donner que Jefus-Chrift eft venu fur la terre; fon Royaume n'étoit pas de ce monde, & néanmoins la politique eft dans l'ordre de la providence qui veut que le monde foit gouverné; & la bonne politi

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que eft toute auffi vertueufe qu'aucune fcience & qu'aucun art que ce foit.

Le style de cet ouvrage eft oratoire; & par-là même les propofitions y font conçues en termes moins exacts que ne le demande le genre didactique.

L'Auteur eft même tombé dans quelques erreurs. Il fuppofe que fans le Gouvernement, la terre & tous fes biens feroient auffi communs entre les hommes que l'air & la lumiere; que felon le droit primitif de la nature, nul n'a de droit particulier fur quoi que ce foit; que tout bien eft en proie à tous; & que c'eft de l'établiffement du Gouvernement civil qu'eft né le droit de propriété. (a) Cela fuppofe évidemment que l'état de nature eft un état de guerre. Il eft aifé de faire voir le contraire, & je fuis bien perfuadé que fi le vertueux Evêque de Meaux eût prévu cette conféquence, il fe fût expliqué différemment. Il n'eft pas vrai non plus que le droit primitif de propriété foit né du Gouvernement civil; il est conftant au contraire qu'il a précédé celui des fociétés civiles, & que le droit de chacun fur les chofes qui étoient au commencement communes, & qui devinrent fiennes, réfulte de ce que le premier occupant tiroit par fon propre travail ces chofes de l'Etat de Communauté & fe les approprioit.

Il a pofé quelques faits qui ne font pas exacts. Par exemple, il dit que les Rois de France, par le ferment qu'ils font à leur facre, promettent de conferver la Souveraineté, les droits & les prérogatives de la Couronne de France, fans les aliéner ou transporter à perfonne, & il cite la page 33 du cérémonial François où cette claufe fe lit en effet; mais l'on apprend dans la page 76 du même Cérémonial, qu'elle n'a été mife que pendant peu de temps dans les fermens des Rois de France, & qu'elle eft hors d'ufage.

Sainte-Fere, Mugnier & Menochius, ont traité à-peu-près le même fujet que Boffuet.

Boffuet a auffi compofé un grand ouvrage pour juftifier les quatre propofitions, en faveur de l'autorité temporelle, dont le Clergé de France reconnut la certitude dans fon affemblée de 1682. Cet ouvrage, pofthume comme le précédent, a été imprimé fous ce titre : Defenfio declarationis celeberrima, quam de poteftate Ecclefiafticâ fanxit Clerus Gallicanus 19 Martii 1682, à Jacobo Benigro Boffuet, &c. ex Speciali juffu Ludovici Magni Chriftianiffimi Regis fcripta & elaborata, nunc primùm in lucem edita, fummoque ftudio ad fidem autographi codicis exada, 1730, 2. vol. in-4to. avec le nom de Luxembourg, au-lieu de celui de Bafle, où l'impreffion a été véritablement faite.

(a) L. 1. Art. 3. Propofition IV.

Ce qui donna lieu à la compofition de ce livre, c'eft le fameux différend entre Louis XIV & Innocent XI, dont nous parlerons ailleurs ( a ). La Cour de France ne jugea pas à propos de faire paroître l'ouvrage de Boffuet, parce que fon démêlé avec la Cour de Rome fut accommodé. Le dernier Evêque de Troyes, qui portoit le même nom que celui de Meaux dont il étoit le neveu, a parlé de ce livre de fon oncle dans une Inftruction Paftorale du 30 de Septembre 1729, & perfonne ne douta dans le temps que ce ne fût cet Evêque qui fit paffer ce livre dans les mains de l'Imprimeur.

Cette premiere édition latine, dans laquelle on trouve une préface de l'Auteur, la Déclaration du Clergé, & la Déclaration du feu Roi qui autorife celle du Clergé, étoit fi défigurée par une multitude de fautes, qu'on avoit de la peine à en foutenir la lecture; mais il en parut une nouvelle en latin beaucoup plus exacte en 2 vol. in-4°. à Amfterdam en 1745, & dans le même temps, une Traduction Françoife dans le même lieu en 3 vol. in-4°. fous ce titre Défenfe de la Déclaration du Clergé de France de 1682 touchant la Puiffance Ecclefiaftique. L'une & l'autre de ces deux nouvelles éditions font augmentées d'une préface & de quelques autres pieces, & accompagnées de notes faites par des Editeurs du même parti que le feu Evêque de Troyes qui étoit appellant de la conftitution Unigenitus, &c. Ce font ces deux dernieres éditions qu'il faut

confulter.

Le livre de Boffuet dans les deux dernieres éditions, commence par une Differtation qui contient la réfutation de divers ouvrages qui n'avoient paru qu'après la révifion du fien, & c'eft-là qu'il donne un nouvel ordre à fon ouvrage, qui, dans l'état où il eft, comprend onze livres partagés en trois parties, dont la premiere, compofée des quatre premiers livres, eft fur l'indépendance de la puiffance Royale, de toute autre autorité que de celle de Dieu. Les deux livres fuivans fur l'Ecuménicité des Conciles de Conftance & de Bafle, forment la feconde partie, qui eft comme la bafe & le fondement de la troifieme, dans laquelle l'Auteur prouve avec étendue, par l'Ecriture & la Tradition, que l'Eglife feule eft infaillible & décide avec une autorité fouveraine toutes les queftions qui concernent la Foi & la Police générale que les Papes font infaillibles & foumis à l'autorité fupérieure de l'Eglife Univerfelle difperfée, ou réunie, & repréfentée dans un Concile général; & que les décifions dogmatiques des Papes, même celles que les Ultramontains appellent ex Cathedra, ne peuvent faire Loi, que quand elles ont été examinées & reçues par le confentement commun de l'Eglife, qui a droit de les réformer, de les révoquer, & de les condamner. L'Auteur entre, à cette occafion, dans la

(a) En traitant du Droit Eccléfiaftique François, à l'article France.

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