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sident que nous avions nommé est un peu oublieux de lui-même et des autres, car il n'aurait pu, s'il avait dû prendre la parole à ma place, que rendre hommage aux mérites de notre compagnie, mérites qui, pendant l'année qui finit, ont été ceux-là mêmes qu'il ambitionne pour elle.

Votre présidence, Monsieur Haussmann, mon cher prédécesseur, sera comptée au nombre des meilleures. Vous avez été un recruteur admirable de nos cadres, un directeur aussi compétent qu'attentif de nos travaux. A la recherche de tous les esprits de bonne volonté, de toutes les valeurs intellectuelles trop dispersées de notre grand Versailles, vous avez amené presque à chaque séance de nouvelles brebis dans notre bercail, je veux dire de nouveaux collaborateurs à notre réunion. Il y a eu comme un entraînement à s'agréger à nous et le résultat a été une émulation au travail si remarquable que nos ordres du jour ne pouvaient être épuisés, une variété de communications si assortie sur presque toutes les branches des sciences morales, des lettres et des arts, que vous pouvez vous rendre avec nous le témoignage d'avoir rempli de la manière la plus complète les devoirs que nous ont assignés nos fondateurs.

Vous avez eu, enfin, la bonne fortune de nous conduire à la fête du cinquantenaire de nos deux Sociétés et d'y renouer, avec nos frères séparés de la Société des sciences naturelles et médicales, des liens de collaboration qui s'étaient trop relâchés.

Par cette union nouvelle nous retrouvons nos traditions; par la jonction des membres des deux Sociétés s'est formée une véritable académie d'honnêtes gens qui pensent que l'universalité des connaissances humaines. est la condition même de l'agrément de la vie sociale

réalisée par la rencontre des esprits et des cœurs dans l'étude des questions les plus élevées qui agitent le monde.

Notre Société doit poursuivre avec énergie le groupement de toutes les activités intellectuelles de Versailles, de manière à suppléer à ce qui manque le plus à notre ville, un centre universitaire. Peut-être pourrons-nous ainsi arriver, sans altérer le caractère d'intimité de nos réunions, à trouver parmi nous des apôtres de la bonne nouvelle qui apporteront à un public plus nombreux l'écho de nos études et de nos discussions.

Je m'efforcerai, Monsieur le Président sortant, de faire honneur à votre succession: vous m'abandonnez un actif de grande valeur et je ne crois pas inutile d'en dresser le bilan devant la Société. 33 membres nouveaux sont entrés dans la Société du milieu de 1882 à fin 1884, sur lesquels 27 reviennent au principat de M. Haussmann. Ils constituent une véritable invasion encyclopédique. La science du droit y est représentée par MM. Alglave, Carpentier, Deguingand, Ducrocq, Albert Gauthier. Lefebvre, Monnier, Planquette, Remilly, Simon;

L'administration par MM. Carron, Goupy, Hennet, comte Malher, Mastier, Thierry de Maugras;

L'instruction publique par MM. Monod et Rousselot; Les finances par MM. Arago, Louet, Mendiboure, de Neuville;

La médecine par MM. Maurion de Larroche, Penard, Rémilly;

Les lettres, par MM. Urbain Guérin et Seré-Depoin; Les arts, par MM. Desforges, Gosselin, Gruber, Randal; La géographie, par M. Lassailly;

La typographie, par M. Paul Bluysen.

A cette statistique du personnel, je n'ai pas à ajouter celle des œuvres de l'exercice 1883-1884.

Quand notre vénéré secrétaire perpétuel, M. Anquetil, nous a présenté il y a peu de jours son excellent compte rendu annuel, il a dû être, comme nous l'avons été nous mêmes, surpris et effrayé de notre fécondité. Fécondité trop abondante même pour les forces d'un rapporteur aussi consciencieux: j'aimerais que M. Anquetil fût allégé du soin de la revue analytique de nos travaux de l'année. Son vrai rôle me paraît être celui de critique aimé et respecté, d'Aristarque sûrement écouté. Avec sa haute expérience, son goût classique et sûr, notre secrétaire perpétuel nous donnerait, à l'expiration de l'année académique, ses conseils et son jugement. Peut-être qu'en embrassant dans un résumé synthétique l'ensemble de nos communications, M. Anquetil aurait eu l'occasion de nous faire des reproches, atténués par la bienveil-lance de son esprit si jeune et si souple. N'aurait-il pas quelque envie de nous blâmer de trop abandonner les lettres pures et d'avoir, emportés par l'esprit contemporain, trop philosophé et discuté sur les questions. brûlantes qui naissent chaque jour autour de nous? La vie qui nous entraîne fait naître, au point de vue des lois, des mœurs, des formes littéraires, des aperçus très nouveaux en apparence. A une psychologie plus indiscrète, plus osée, s'est adapté un langage singulièrement vif parfois il ne choque plus nos esprits ni nos oreilles, à nous les contemporains; mais combien souvent doit s'en offusquer un homme nourri d'une autre sève et qui a gardé les sévères traditions d'une philosophie chaste dans l'analyse et dans les mots!

Hélas, Messieurs, je crains que devant ces traditions, qui ont été celles de notre première éducation, nous n'ayons plus qu'à nous incliner avec respect!

Le temps présent a tellement subtilisé l'étude des

sensations, est allé les chercher si bas; la bête humaine se déchaîne avec tant de naturalisme au milieu d'une société où toutes les boussoles sont dérangées, où la nécessité de vivre s'affirme dans des manifestations si déréglées, qu'en vérité il n'est pas surprenant que les formes d'une société toute différente nous paraissent archaïques, insuffisantes tout au moins, et que, vivant dans ce courant, cherchant à y résister pour remonter aux sources du vrai, du beau, du bien, nous étudiions le naturalisme et son langage pour essayer de les corriger.

La belle et bonne langue, le culte des idées pures, paraissent barbares, arriérés, pédants à la grande masse des agités de notre vie contemporaine ; pour étudier les lois, les mœurs, les problèmes d'aujourd'hui, il ne nous est plus permis de vivre sur les sommets et, à moins d'abdiquer l'espérance de défendre et de faire triompher ce qui nous semble bon, il nous faut consentir à pénétrer dans les dessous des temps nouveaux. L'influence du médiocre et du vulgaire menace de nous submerger : notre devoir est de ne négliger, de ne dédaigner l'analyse d'aucun problème de crainte que notre ignorance nous prive des armes nécessaires pour en amener la meilleure solution.

C'est ainsi, Messieurs, que plusieurs de nos travaux et de nos discussions à coup sûr, je n'en excepte pas les miens! ont présenté parfois une allure quelque peu audacieuse. Mais qu'y faire? Nous ne sommes pas gens à nous effaroucher des idées et des mots, car les unes et les autres ont la plus rassurante des sauvegardes: le sentiment du respect et de la tolérance réciproques et la conscience de n'être réunis que pour l'étude du bien et de l'utile.

Je vous ai retenus trop longtemps, mes chers col

lègues. Permettez que je finisse en vous donnant le salut de bienvenue et que je vous demande à tous, membres du Bureau, des Commissions, prosateurs et poètes, historiens, romanciers, économistes, juristes, archéologues, dramaturges, hommes de science et hommes de lettres, de continuer à apporter à notre Société votre plus actif concours et à votre Président votre plus bienveillant appui.

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