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Philippiques et les Olynthiennes, était parvenu à liguer la Grèce contre le roi de Macédoine. A Rome, l'éloquence des Gracques causa des troubles violents et celle de Catilina mit la République dans le plus grand péril. Au moyen âge ne sont-ce pas des moines parcourant l'Europe qui prêchérent la guerre sainte, excitèrent les courages et entrainèrent à leur suite tous ces chevaliers et ces milliers d'hommes armés!

Il faut reconnaître que les orateurs se rencontrent plutôt dans les races du midi et que la parole produit aussi plus d'effet, exerce une plus grande influence chez ces. peuples dont l'enthousiasme est prompt et facile.

La parole peut quelquefois exciter au mal, mais elle ne devrait jamais servir qu'à engager au bien. Après avoir dit que l'art de la parole « est destiné à instruire, « à réprimer les passions, à corriger les mœurs, à con<< tenir les lois, à diriger les délibérations publiques, à << rendre les hommes bons et heureux », Fénelon ajoute : « L'homme digne d'être écouté est celui qui ne se sert de « la parole que pour la vérité et la vertu », et plus loin, paraphrasant le mot de saint Augustin: "Il ne dépend point des paroles, mais les paroles dépendent de lui ", il dit : « Un homme qui a l'âme forte et grande, avec quelque facilité de parler et un grand exercice ne doit. << jamais craindre que les termes lui manquent ».

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On ne saurait trop écouter du reste les sages et justes. conseils que Fénelon donne dans sa "lettre à l'Académie ".

Je voudrais qu'un orateur se préparât longtemps en a général pour acquérir un fonds de connaissances... Je « voudrais que cette préparation le mît en état de se préparer moins pour chaque discours particulier. Je << voudrais qu'il fût naturellement très sensé et qu'il ra<< menât tout au bon sens; qu'il fit de solides études,

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qu'il s'exerçât à raisonner avec justesse et exactitude, << se défiant de toute subtilité. Je voudrais qu'il se défiât

« de son imagination pour ne jamais se laisser dominer << par elle ».

C'est bien aussi ce que disait le sage Horace, non pour l'orateur, mais pour le poète, dans ces vers:

Scribendi recte sapere est et principium et fons;
Rem tibi, etc.

que mon vénéré maître a traduits ainsi :

Bien penser du bien dire est la source; aux écrits
De Socrate inspirés abreuvons nos esprits;
Etudions d'abord, et sitôt demandée
L'expression viendra se ranger sous l'idée.

RAPPORT du Secrétaire perpétuel sur les travaux de l'année académique 1883-1884.

L'an dernier, M. l'abbé Corblet, dans une série de lectures, vous avait entretenus de l'autel chrétien envisagé au point de vue archéologique et liturgique; cette année, il a complété son travail par une étude spéciale sur les autels portatifs, dont il a examiné l'antiquité, les divers usages, la matière, la forme, les privilèges, sans négliger de signaler et de décrire les principaux monuments de ce genre conservés dans les églises et les musées de l'Europe.

Dans un autre travail, notre confrère vous a communiqué le résultat de ses investigations sur les eulogies chrétiennes des premiers siècles et du moyen âge. Tout en faisant la plus large part aux origines de ce rite, il a pris soin de mentionner les usages religieux qui en Orient comme en Occident se rattachent aux eulogies de l'Eglise primitive, usages qui souvent demeureraient incompréhensibles si la critique historique n'y découvrait les vestiges des antiques liturgies.

A diverses reprises, M. l'abbé Corblet vous a rendu compte des travaux les plus récents des Sociétés savantes. Notre confrère n'a point envisagé ces travaux fort divers dans tout leur ensemble, et s'est borné exclusivement aux études qui se rapportent à l'histoire, à l'archéologie et à l'érudition pure. C'est ainsi que nous sommes par lui tenus au courant des principales découvertes, des recherches les plus intéressantes et des solutions historiques dont la science est redevable aux Sociétés savantes de Paris et de la province.

L'Enfer selon la tradition juive: tel est le sujet d'une étude de M. Charleville, dont la lecture a exigé plus d'une séance. Echapper dans l'analyse de ce travail à quelques regrettables erreurs, à des oublis, à des confusions serait pour moi chose impossible: je sais peut-être assez de grec pour ne point déplaire à quelque Armande, mais hélas ! l'hébreu ne fait plus partie de notre éducation classique, et je suis réduit à confesser mon ignorance. Heureusement le travail de notre confrère doit figurer dans la collection de nos Mémoires, et lui-même a rédigé pour moi le sommaire suivant qui me dispense d'une périlleuse analyse:

« Deux poètes hébreux, vous a dit M. Charleville, ont exercé leur brillante imagination (ce seul mot vous dit que notre confrère n'expose point une doctrine) sur la description de l'enfer : 1° Immanuel de la famille Safrani, de Rome (1255-1330); 2° le rabbin Moïse Zacut, d'Amsterdam (1630-1697). Le premier a pris pour modèle l'œuvre immortelle de son ami Dante Alighieri qu'il suit dans son voyage à travers la demeure des âmes. Son œuvre, qui n'a rien de politique comme l'Enfer du Dante, est une véritable satire flagellant les idées admises par l'Ecole de son temps, et chemin faisant il n'épargne pas les coups d'étrivière à l'hypocrisie, à l'avarice, à l'immoralité et à l'égoïsme. Sa verve poétique d'une hardiesse extrême et sa philosophie très avancée n'affaiblissent point son respect profond pour sa foi religieuse. Très fier de son mérite exégétique et de son talent de versificateur, il a pourtant la modestie de donner à son ami la prééminence et de le placer dans le monde des heureux, sous un pavillon plus brillant que celui qui lui a été réservé.

« Le second, Moïse Zacut, condisciple de Spinosa qu'il

quitte en quittant les bancs de l'Ecole, n'est ni philo

sophe ni satirique. Son œuvre, dont le rythme sévère n'empêche pas l'harmonie, a sa source dans les livres rabbiniques. A l'exception du début qui n'est qu'une critique amère de la science thérapeutique (quand il dit par exemple qu'au lieu de légiférer sur les divers genres de supplices, on ferait mieux de livrer les criminels aux médecins), l'auteur suit la tradition et les légendes juives concernant la punition des méchants dans l'autre monde. Il fait un tableau saisissant des souffrances imaginaires, de ce qu'on appelle les douleurs de la tombe; il établit un dialogue entre le patient et l'ange de la mort, et il fait la description des sept cavernes de la géhenne. Zacut n'a pas décrit le Paradis, mais il le montre aux habitants de l'enfer qui, au spectacle des bienheureux, justifient la sentence qui les en sépare. »

Enfin l'un et l'autre de ces poètes, se conformant aux principes de leur foi religieuse, ignorent le Purgatoire et l'éternité des peines, et admettent au nombre des bienheureux les justes de toutes les nations.

Pas plus que les années précédentes, les graves questions que depuis si longtemps suscite notre régime pénitentiaire ne vous ont laissés indifférents, et M. G. Haussmann, dans plusieurs séances, vous a entretenus de la transportation des condamnés et notamment des récidivistes. L'insertion de son travail dans nos Mémoires me dispense d'en essayer ici l'analyse; aussije me contente de vous rappeler le formulaire des propositions qu'il voudrait voir présentées aux pouvoirs législatifs et mûrement débattues, propositions que je passerais sous silence pour abréger mon rapport, si le titre même de notre Société ne m'interdisait une telle suppression :

1° Au point de vue législatif: abolition complète de

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