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voirs, et seule elle a le droit de les y contraindre. V. Il reste donc prouvé, par le raisonnement et par les faits, que la loi seule, par son autorité sur un peuple libre, peut faire naître et entretenir, dans le plus grand nombre des individus, des habitudes vertueuses. Née de la raison et du progrès des lumières, elle en favorise la propagation et l'accroissement; c'est le témoignage que semble s'être plu à lui rendre le plus éloquent de nos orateurs sacrés. « La loi, dit-il, est sans intérêt et sans passion; « elle est sans tache et sans corruption, elle dirige «<les ames, elle est fidèle; elle parle sans déguise<<ment et sans flatterie. Elle rend sages les enfants, «< elle prévient en eux l'expérience, et les remplit, « dès leur premier âge, de sages maximes. Elle est << droite et réjouit le cœur; on est ravi de voir comme <«< elle est égale à tout le monde, et comme, au « milieu de la corruption, elle conserve son intégrité. « Elle est pleine de lumières: dans la loi sont re<«< cueillies les lumières les plus pures de la raison. «< Elle est véritable, et se justifie par elle-même, -car <<< elle suit les premiers principes de l'équité naturelle, << dont personne ne disconvient, que ceux qui sont << tout-à-fait aveugles. D'elle vient l'abondance et le » Ici, cet auteur ne fait, à la vérité, que

<< repos

*

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Qui croirait que ces paroles sont tirées d'un ouvrage destiné à établir, au nom de la religion et sur le témoignage

commenter et développer quelques passages de la ·Bible .( Ps. XVIII, v. 7-11); mais ce que le Psal› miste dit de la loi de Dieu, il l'applique, lui, à la loi politique, et son génie aussi étendu que pénétrant en exprime à-la-fois tous les caractères et tous les avantages.

Ainsi nous pouvons conclure avec assurance de tout ce qui a été dit jusqu'ici sur ce sujet, que la liberté civile ou politique peut seule garantir aux sociétés humaines et aux individus dont elles se composent, la plus grande somme de bonheur dont il leur soit donné de jouir; que ce bonheur dépend essentiellement du degré. de vertu et de raison où elles sont parvenues; qu'enfin cette dernière condition dépend elle-même du degré de lumière et d'in

de Dieu même, la doctrine du despotisme le plus illimité, à condition toutefois que le prince demeure soumis à l'autorité du sacerdoce, et qu'il en respecte scrupuleusement les prérogatives et les richesses? Tel est, en effet, le système de Bossuet, dans le livre d'où j'ai pris cette citation (Voyez la Politique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte, l. I, art. IV, prop. 3). Ce grand écrivain ne s'aperçoit pas que sa proposition, si elle est véritable, comme elle l'est en effet, détruit entièrement toute sa théorie; qu'elle en est la condamnation la plus formelle. C'est que le génie lui-même ne saurait manquer de tomber dans les plus absurdes contradictions, toutes les fois qu'il s'écarte de la raison et de la vérité, et plus encore quand il ose s'élever contre elles, car c'est d'elles seules qu'il tire toute sa force.

struction répandues dans la masse des citoyens. Aussi voyons-nous tous les gouvernements qui aspirent à s'affranchir du joug des lois et à y substituer le pouvoir arbitraire, opposer sans cesse les plus puissants obstacles à l'instruction du peuple. D'un autre côté, les classes dominatrices ont tellement senti le prix des lumières, qu'elles en ont presque toujours réclamé pour elles-mêmes le privilége exclusif, sans s'apercevoir que les circonscrire dans de si étroites limites, c'est presque les anéantir. Dans les anciennes républiques de la Grèce, dont les citoyens se montrèrent si jaloux de la liberté, et en même temps si peu éclairés sur ce qui la constitue, qu'ils avaient cru pouvoir concilier l'esclavage d'une partie des habitants d'un même territoire avec l'indépendance de l'autre, il exista des lois qui interdisaient sévèrement aux esclaves toute culture de l'esprit et de l'intelligence. « O merveilleux législa« teurs ! s'écrie, à ce sujet, Épictète : nous ne per« mettons, dites-vous, qu'aux hommes libres d'acquérir de l'instruction! Or, voici les philosophes qui vous disent: Et nous, au contraire, nous ne << permettons d'être libres qu'aux hommes éclairés <<< et instruits. Mais ce ne sont pas les philosophes, «< c'est Dieu qui ne permet pas qu'il en soit autre<< ment *. >>

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* Arrian. Dissert. Epictet., l. II, c. 1, § 25.

Nous avons essayé, dans cette première partie, de donner une description abrégée, mais aussi exacte que nous pouvions la faire, des facultés de l'homme, c'est-à-dire des divers modes d'action de la force que nous désignons par les mots entendement, esprit ou ame, selon la différence des points de vue sous lesquels nous l'envisageons. Maintenant, quel est le but ou l'objet essentiel de l'exercice de ces diverses facultés ? Par quels moyens l'être qui en est doué peut-il les faire servir à son plus grand avantage et à celui de ses semblables? C'est ce que nous nous proposons de rechercher dans la seconde partie de cet ouvrage. Elle ne sera, par conséquent, qu'un autre aspect du sujet qui nous a occupés jusqu'ici, une autre manière de l'envisager.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

SECONDE PARTIE.

RAISON.

CHAPITRE PREMIER.

De la Raison.

S. Que les philosophes ne s'accordent pas sur la définition de ce terme.

Je me suis servi bien des fois du mot raison dans la première partie de cet ouvrage, et, quoique je n'aie pas cru jusqu'ici devoir en donner une définition expresse, je ne crains pas de n'avoir point été compris toutes les fois que je l'ai employé. Il est d'un usage si familier dans notre langue, et son emploi donne lieu, en général, à si peu d'équivoques ou de controverses, que je n'ai dû avoir aucun scrupule dans toutes les occasions où, l'employant comme tout le monde, je croyais être bien sûr de me comprendre moi-même, et par conséquent être fondé à espérer que tout le monde me comprendrait.

Toutefois, c'est précisément parce que, d'une

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