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embrasse tous ces degrés à la fois, la raison perfectionnée, disons nous, n'a fait que confirmer, en l'épurant, cette conception, qui est le fondement de la religion naturelle.

§ 2. Le sentiment religieux développé et confirmé par l'exercice de nos facultés de perception externe et de perception morale.

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J'ai fait voir dans un autre endroit preuve de l'existence de Dieu résulte du principe de causalité qui est le fondement et la loi de notre faculté intellectuelle. Or il n'est presque personne qui ne sache combien cette preuve acquiert à la fois d'importance et d'intérêt par les considérations qui naissent de l'observation de nos facultés de perception extérieure et morale, et par l'effet des sentiments qui se joignent aux opérations de ces deux facultés il me suffira donc d'indiquer rapidement les résultats qu'elles présentent.

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Qu'est-il besoin, en effet, de rappeler ici les merveilles qu'offre sans cesse à nos regards le spectacle de la nature et l'harmonie des lois générales et particulières qui font de l'univers un tout dont les parties infinies s'enchaînent et se correspondent avec la plus merveilleuse précision; l'infini en grandeur,

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comme l'infini en petitesse, nous manifestant, dans tous les détails qu'il nous a été donné d'en saisir, un dessein, une intelligence à laquelle tout est incessamment présent, une puissance à laquelle tout est incessamment soumis? Dans tous les siècles, les hommes qui ont uni les connaissances les plus étendues à la plus brillante éloquence, ont semblé se complaire à nous tracer de ces tableaux qui, tout imposants et sublimes qu'ils sont, resteront toujours infiniment loin, je ne dis pas de la vérité du modèle, mais de la vérité de ses moindres parties, dont ils n'offrent que des esquisses grossières et décolorées.,

Au milieu des pensées et des sentiments que fait naître en foule la contemplation de tant de merveilles, quel homme osera se dire à lui-même : mes semblables et moi sommes les seuls êtres capables de concevoir et de connaître une partie de ces prodiges; l'immensité de ceux que nous ne connaissons ni ne connaîtrons jamais, ne peut être connue ni comprise nulle part, ni par aucun être existant autre que l'homme? Ne serait-ce pas le comble de l'orgueil et de la démence?

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« La vérité, dit très bien Bossuet, est une de soi;

qui la connaît en partie en voit plusieurs; qui les << connaîtrait toutes n'en verrait qu'une..... et il faut << nécessairement qu'elle soit entendue quelque << part: l'homme en est à lui-même la preuve

« indubitable. Car, soit qu'il la considère en lui«< même, ou qu'il étende sa vue sur tous les êtres « qui l'environnent, il voit tout soumis à des lois « certaines et aux règles immuables de la vérité; il « voit qu'il entend ces lois, du moins en partie, lui qui n'a fait ni lui-même, ni aucune autre partie « de l'univers, quelque petite qu'elle soit ; il voit <«< donc bien que rien n'aurait été fait, si ces lois « n'étaient ailleurs parfaitement entendues, et il « voit qu'il faut reconnaître une sagesse éternelle, << où toute loi, tout ordre, toute proportion ait sa << raison primitive. *»

Les mêmes réflexions s'appliquent évidemment aux phénomènes que nous manifeste notre faculté de perception morale. Par exemple, le sentiment constant, universel, d'aversion et d'horreur, qu'inspire le méchant, même à ceux qui n'ont rien à craindre de lui, ce n'est pas nous qui nous le donnons, c'est Dieu lui-même qui l'a mis dans nos cœurs. Aussi l'on peut dire que, dès cette vie présente, et dès les premiers moments de notre existence, commence pour nous ce que quelques philosophes ont appelé le gouvernement moral de cette intelligence et de cette puissance suprêmes. Iei se manifeste clairement l'action des lois générales aux

*

De la Connaissance de Dieu et de soi-même, chap. IV,

art. VI.

quelles elle a voulu que le monde moral fût assujetti. Souvent le cours naturel des choses amène la peine éclatante du coupable immédiatement après que le crime a été commis, et quelquefois, à vrai dire, après de longs délais. Mais lors même qu'il parvient à se soustraire à la justice des hommes, lorsque, devenu tout à fait incapable de remords, il semble presque échapper' à la justice divine et braver la loi morale, qui peut savoir ce qu'il a souffert, sans révéler les tourments secrets de sa conscience? Quel homme surtout, s'il n'est pas un scélérat ou un insensé, consentirait à prendre sur soi toute la responsabilité d'une vie criminelle, au prix de toutes les jouissances dont on peut supposer qu'elle a été remplie ?

Car ce n'est pas seulement le repentir ou le remords qui est la peine naturelle des passions injustes ou cruelles portées à l'excès; il n'y a, au contraire, que les ames encore capables de quelque retour vers la vertu, qui en soient susceptibles. La peine naturelle du criminel parvenu au dernier degré de la perversité est dans ses passions elles-mêmes, qui, comme autant de tyrans implacables, le fatiguent et le tourmentent de désirs sans cesse renaissants. On peut donc dire, sous ce rapport au moins, que, même dans cette vie, il n'échappe jamais à son juste supplice c'est une vérité dont toutes les histoires nous offrent partout la preuve incontestable.

§ 3. Immatérialité et Immortalité de l'ame confirmées par le sentiment religieux.

Mais ce gouvernement moral de Dieu, qui, comme nous venons de le dire, commence dès cette vie, cessera-t-il entièrement à l'instant où ce corps matériel, qui n'est que l'enveloppe, l'instrument ou l'organe général de notre ame, aura péri, c'est-à-dire à l'instant où les parties matérielles dont il est composé seront entrées dans de nouvelles combinaisons, et ne seront plus remplacées par d'autres, comme cela était arrivé jusque là? Assurément aucune de ces parties n'est mon ame, n'est moi, puisqu'actuellement j'ai la certitude qu'elles se sont renouvelées et se renouvellent sans cesse, et que pourtant je me reconnais et me suis toujours reconnu pour le même être sentant, pensant et voulant.

D'un autre côté, ma vie toute entière n'est qu'une anticipation continuelle de l'avenir; les sentiments les plus profonds, les plus énergiques, les plus généreux, dont ma nature soit susceptible, sont ceux qui m'intéressent aux destinées présentes et futures de mes amis, de ma famille, de ma patrie; je ne me reconnais digne d'estime et de récompense, je ne mérite enfin, qu'autant que je suis capable de faire à ces sentiments les plus grands et quelquefois les plus douloureux sacrifices, y compris celui de ma vie elle-même, lorsque les circonstances l'exigent,

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