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A L'ÉTUDE

DE LA PHILOSOPHIE.

PREMIÈRE PARTIE.

ENTENDEMENT.

SECTION TROISIÈME.

VOLONTÉ.

CHAPITRE PREMIER.

De la VOLONTÉ dans l'Étre doué des Facultés de connaître et de savoir.

§ 1. Influence de la Nature sociale de l'homme, et du Langage sur la Volonté.

Nous avons vu, dans la première section de ce

traité, ce que c'est que la volonté, et comment elle est déterminée par les sentiments, dans les êtres qui

* Chap. IX, § 3 et suivants.

seraient bornés à la seule faculté générale de connaître, et aux facultés particulières dont elle suppose l'existence et l'action. Nous avons reconnu que la nature sociale de l'homme et la parole, ou l'emploi d'un langage quelconque, conséquence ou condition nécessaire de cette même nature, modifient toutes ses facultés, soit primitives, soit dérivées, d'une manière si essentielle et si profonde, qu'elles leur donnent un caractère spécial, tout-à-fait différent de celui qu'elles semblent avoir dans les autres espèces d'êtres animés. Enfin nous avons fait voir qu'on peut attribuer à cette cause la supériorité immense et incontestable que l'espèce humaine a sur toutes les autres créatures existantes. Or, cette même nature sociale de l'homme donne à tous ses sentiments un caractère particulier singulièrement remarquable, et imprime aussi aux facultés dérivées de cette source, des modifications essentielles, exclusivement propres à l'espèce humaine.

L'individu de cette espèce, ne pouvant exister qu'en société avec ses semblables, c'est presque toujours avec eux, pour eux, et souvent par eux, qu'il agit. Sa force s'accroît de la leur; son intelligence s'enrichit et s'agrandit indéfiniment par l'intelligence non seulement de ceux qui vivent actuellement avec lui et près de lui, mais aussi par les traditions de l'expérience des générations passées, par ses communications et par ses rapports de tout genre,

échanges, commerce, alliances et même guerres avec les hommes dont il est séparé par des distances plus ou moins considérables.

La volonté, ou la suite des déterminations produites par le sentiment, le sentiment, dans un être ainsi modifié, est donc une faculté ou un principe d'action tout autre que dans un être uniquement déterminé par les impressions fortuites des choses et des circonstances purement extérieures, quand même la constitution intellectuelle et l'organisation de l'un et de l'autre ne seraient pas entièrement différentes. Par conséquent, les causes qui donnent lieu à l'exercice d'une pareille faculté ne sauraient être observées ou étudiées avec trop de soin.

§ 2. Notion plus précise de la Volonté ; Facultés et Opérations qu'elle embrasse ou qu'elle suppose.

Le mot volonté s'applique particulièrement et essentiellement aux actes ou aux actions de l'homme, en tant qu'il est capable de connaître et de savoir. Car ses actions peuvent être simplement le résultat d'une impulsion intérieure, d'une affection subite et instantanée de son organisation, et alors elles sont purement instinctives; ou bien elles sont l'effet de quelques impressions, sensations ou perceptions inattendues, imprévues, et alors on les nomme spontanées. Mais une action exécutée avec pleine et entière connaissance de ses conséquences ou de ses

résultats, au moins les plus immédiats, celle qu'on a faite avec intention, dont on a préparé les moyens et désiré la fin principale, est proprement appelée volontaire*.

La volonté suppose donc le désir ou le besoin d'atteindre un but, de parvenir à une fin; elle suppose un dessein à exécuter, un projet à réaliser; et par conséquent elle embrasse ou peut embrasser une suite plus ou moins considérable de déterminations, causes d'autant d'actions particulières, exécutées par autant de volontés, ou, pour mieux dire, de volitions singulières. Le mot volonté s'applique donc à un système d'actions, aussi bien qu'à une action unique.

Souhaiter, désirer, prétendre, concevoir un projet ou un dessein, sont des expressions par lesquelles on indique les nuances ou les degrés de tendance à l'exécution d'une action volontaire que l'on accomplit soi-même, ou par ses propres moyens. Prescrire, ordonner, commander, sont des expressions relatives à l'accomplissement d'une volonté que l'on fait exécuter par d'autres êtres intelligents sur lesquels on a une autorité, un pouvoir, qui ne peut être méconnu ni contesté.

* Inde voluntas fit : neque enim facere incipit ullam
Rem quisquam, quàm mens providit quid velit, antè.
Lucret. De Nat. Rer., liv. IV, v.

884,885.

Toute action volontaire suppose nécessairement la liberté de l'agent ; et l'on entend par ce mot, non seulement l'exemption de toute contrainte, ou de tout empêchement extérieur, mais surtout la faculté ou la possibilité de résister à la force du désir ou du besoin, et, en général, de l'impulsion intérieure que reçoit la puissance d'agir; c'est ce qu'on appelle aussi libre arbitre. Cependant les sentiments et les désirs, même les plus blåmables, ne sont pas directement du ressort de la volonté, puisque ce ne sont pas des actes. Mais celui qui ne s'efforce pas de les combattre ou de s'en affranchir, qui, au contraire s'y abandonne avec quelque satisfaction, ou qui même n'y résiste qu'avec mollesse, est dit y donner son

consentement.

Les sentiments et les désirs éveillent d'abord l'attention, et la plupart du temps mettent en jeu l'imagination, dont les opérations secondées par la mémoire, et par les associations d'idées, qui sont l'un des plus remarquables effets de la mémoire, ne peuvent s'exécuter que sous l'influence de la volonté. Attention, mémoire, imagination, liberté, telles sont donc les facultés qui concourent plus spécialement aux déterminations de la volonté, ou qui n'en sont à quelques égards que des modes, et qu'il est, par conséquent, nécessaire d'étudier avec quelque application, pour acquérir une notion plus complète de cette faculté générale. Nous ajouterons

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