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c'est-à-dire le quart du temps d'études), ne nous paraissent pas suffisantes. La méthode phonomimique imaginée dans le même esprit que celle de Froebel contribue au développement physique par les mouvements qu'elle nécessite; les récits auxquels donne lieu l'étude des lettres, et qui doivent être reproduits et variés par les enfants, les habituent à manier leur langue, à exprimer leurs pensées. Elle donne matière à des leçons de choses; elle excite la réflexion, l'esprit d'observation et de comparaison par le choix même des signes qui lui servent d'instruments. Sa manière d'exprimer les nombres sur la main vient heureusement compléter les exercices de numération faits à l'aide des bâtonets ou des lattes de Froebel. Les signes manuels ou écrits qu'elle a créés pour l'analyse, et qui sont de véritables définitions, ramènent toujours l'attention de l'enfant sur la signification des termes qu'il emploie, et l'empêchent de les énoncer machinalement. Les procédés de cette méthode étant donc parfaitement appropriés aux besoins de l'enfant, on n'a pas à craindre que la fatigue résulte de leur pratique, et on peut ainsi consacrer à l'étude proprement dite de la langue plus de temps qu'on n'aurait pu le faire à l'époque où Froebel, en imaginant ses ingénieux exercices, avait surtout pour but de remplir utilement un temps qu'il ne croyait pas pouvoir être, sans inconvénient, consacré à des études plus positives, dans cette première période de la vie.

Cette réserve faite, nous ne pouvons qu'applaudir à l'esprit qui anime les auteurs du livre lorsque, dans une remarquable introduction, ils exposent à grands traits les bases de la méthode intuitive et les avantages considérables que son emploi présente, étant pour les premières études ce qu'est la méthode expérimentale pour les études supérieures. Il est souhaitable que ces idées pénètrent de plus en plus l'esprit de ceux qui, à tous les degrés, sont chargés de diriger l'enfance, et que cette grande œuvre de l'éducation nationale se constitue dans une puissante et harmonieuse unité. E. GROSSELIN.

LES CONSEILS GÉNÉRAUX

ET

L'INSTRUCTION PRIMAIRE.

La cause de l'instruction du peuple est depuis longtemps gagnée devant l'opinion publique, si elle ne l'est pas encore devant le législateur. Jamais, en effet, le pays n'a manqué une occasion d'exprimer sa volonté ferme, réfléchie, inébranlable de secouer l'ignorance qui est une des plaies de notre ordre social.

Les hommes les plus éminents, tels que MM. Jules Simon, de Laveleye, Michel Bréal, Guillemin et bien d'autres avec eux, ont appelé l'attention du public sur l'importance des réformes à opérer. La nation n'est pas restée indifférente, et grâce à l'heureuse initiative de la Ligue de l'enseignement, un vaste mouvement de pétitions s'est organisé dans toutes les parties du territoire, et 1,300,000 pétitionnaires ont réclamé l'instruction obligatoire.

A ces manifestations déjà imposantes, sont venues s'en ajouter d'autres dont personne ne saurait nier l'importance, ce sont les opinions émises par les conseils généraux sur les questions qui intéressent la Société pour l'instruction élémentaire.

La composition des conseils généraux où dominent avant tout les influences locales, les intérêts qu'ils représentent, l'importance que la loi votée par l'Assemblée nationale a attachée à leurs sentiments en leur donnant le droit d'exprimer les vœux non politiques qui touchent à l'intérêt général; leurs rapports intimes et journaliers avec les populations, toutes ces circonstances donnent à leur opinion une valeur considérable.

Nous allons analyser rapidement les vœux relatifs à l'instruction primaire qui ont été émis par les conseils généraux en 1872, et nous rappellerons que chacun de ces vœux a été l'objet de rapports étudiés et souvent fort remarquables.

La principale préoccupation des conseils généraux a été certainement de voir l'instruction primaire devenir obligatoire.

53 conseils généraux se sont prononcés formellement en faveur de l'obligation, ce sont ceux des départements suivants :

Ain; Aisne; Allier; Alpes (Basses-); Alpes maritimes; Ardèche; Ardennes; Ariége; Aude; Bouches-du-Rhône; Charente-Inférieure: Cher; Côte-d'Or; Creuse; Drôme; Eure; Eure-et-Loir; Gard; Gironde; Hérault; Indre; Indreet-Loire; Isère; Jura; Loir-et-Cher; Loire; Loire (Haute-); Lot-et-Garonne; Lozère; Marne; Meurthe-et-Moselle; Meuse; Nièvre; Nord; Oise; Puy-de-Dôme; Pyrénées (Basses-); Pyrénées Orientales; Rhône; Saône (Haute); Saône-et-Loire; Sarthe; Savoie; Savoie (Haute-); Seine; Seine-Inférieure; Seine-et-Marne; Seine-et-Oise; Somme; Var; Vaucluse; Vosges.

Trois seulement, ceux de la Corrèze du Gers et du Pas-deCalais, se sont prononcés d'une manière explicite contre l'obligation.

Après l'instruction obligatoire, la gratuité semble avoir occupé la première place dans les vœux des conseils généraux. Ici, le nombre des vœux est moins considérable; et on conçoit fort bien qu'en cette matière, beaucoup de conseils se soient trouvés arrêtés bien moins par une question de principe que par les nécessités budgétaires de la situation.

Quoi qu'il en soit, les 37 conseils généraux dont les noms suivent ont demandé la gratuité pure et simple de l'instruction primaire :

Ain; Allier; Alpes-Maritimes; Ardèche; Ardennes; Aude;

Bouches-du-Rhône; Cantal; Cher; Côte-d' Or; Creuse; Drôme; Eure; Eure-et-Loir; Gard; Gers; Gironde; Hérault; Indre; Indre-et-Loire; Jura; Loir-et-Cher; Loire; Loire (Haute); Lot-et-Garonne; Meurthe-et-Moselle; Pyrenées-Orientales; Rhône; Saône-et-Loire; Savoie; Savoie (Haute-); Seine; Seine-et-Marne; Somme; Var; Vaucluse; Yonne.

A ces 37 conseils généraux, il convient d'ajouter les 11 suivants qui ont réclamé que la gratuité fût aussi étendue que possible:

Aisne; Alpes (Hautes-); Aveyron; Haute-Garonne; Lozère; Marne; Nièvre; Nord; Oise; Sarthe; Seine-et-Oise..

Enfin on pourrait sans doute ajouter à cette dernière liste le conseil général du Puy-de-Dôme qui n'est pas hostile à la gratuité, mais qui, on ne sait pourquoi, en restreint le bénéfice aux enfants des gendarmes.

Deux conseils généraux seulement ont émis un vœu contre la gratuité : l'Aube et les Basses-Pyrénées.

En résumé, on peut affirmer que l'opinion presque unanime, c'est que la gratuité soit aussi large que possible.

Un grand nombre de conseils généraux se sont bornés dans leurs vœux, à poser ces grands principes de la gratuité et de l'obligation, comme résumant en quelque sorte toutes les autres améliorations réclamées depuis si longtemps. D'autres conseils ont été plus loin et on précisé certaines réformes. Ainsi 20 conseils généraux ont émis des vœux pour que le traitement des instituteurs soit augmenté; ce sont ceux des départements suivants :

Aisne; Ariége; Aveyron; Cantal; Charente-Inférieure; Eure-et-Loir; Gironde; *Ille-et-Vilaine ; Isère; Jura; Loire; Lot-et-Garonne; *Maine-et-Loire;* Manche; Meurthe-etMoselle; Nièvre; Pyrénées (Basses-); Seine-et-Oise; "Vienne (Haute-); Yonne.

(Les départements marqués d'un astérisque sont ceux dont les conseils ne se sont prononcés ni pour la gratuité ni pour l'obligation.)

Mais il est bien évident que tous les conseils généraux qui ont demandé soit la gratuité, soit l'obligation, veulent le développement de l'instruction primaire, et sont implicitement d'avis que les instituteurs reçoivent un traitement en rapport avec la mission qu'ils ont à remplir.

Enfin, nous nous bornerons à indiquer que 10 conseils généraux ont demandé l'introduction dans les écoles primaires de l'enseignement agricole; que 10 également ont demandé la suppression du privilége attaché aux lettres d'obédience. Ce sont là des vœux auxquels nous ne saurions rop nous associer.

Le conseil de la Nièvre demande qu'il soit substitué aux livres donnés en prix, des ouvrages d'un intérêt et d'une utilité plus directs pour ceux qui les reçoivent. >

L'introduction de la gymnastique est aussi demandée par plusieurs départements, etc.

Nous regrettons de ne pouvoir entrer dans plus de détails sur ces manifestations si intéressantes de l'opinion publique. Nous ferons remarquer en terminant que les départements généralement reconnus comme les moins instruits sont égaement les moins soucieux de voir établir l'obligation ou la gratuité. Ainsi, le département de la Corrèze, un des plus obscurs sur la carte de l'instruction primaire, se prononce énergiquement contre l'obligation et reste muet sur toutes les autres questions.

La Dordogne, le Morbihan, les Côtes-du-Nord, le Finistère, qui ne sont certes pas les pays de France où l'instruction est le plus répandue, gardent sur l'obligation et la gratuité un silence prudent.

Mais ces exceptions ne servent qu'à mieux mettre en lu mière cette opinion, bien arrêtée et bien manifeste dans le

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