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base et en formant ainsi un quadrilatère dont les trapèzes sont une partie; pour trouver l'égalité de ces trapèzes, il suffit de décomposer le quadrilatère en faisant attention à l'égalité des deux triangles formés chacun par un des trapèzes et un triangle commun. Or, c'est comparer les trapèzes; ce n'est rien ajouter à l'idée des trapèzes. Je n'ai pu faire la comparaison d'une manière directe, c'est pourquoi je l'ai enfermée dans une idée totale, dont la simple analyse m'a découvert le rapport que je cherchais. L'idée ne donne point ce rapport, elle le manifeste; de sorte que si la compréhension des deux figures comparées était plus parfaite, si nous pouvions y voir, par intuition, le rapport qui existe entre l'allongement des côtés et la diminution de la distance comprise entre ces mêmes côtés, nous verrions qu'il y a là une loi constante, en vertu de laquelle ce qui se perd d'une part est remplacé de l'autre ; par conséquent, dans l'idée même de l'angle oblique, nous découvririons l'idée fondamentale de l'égalité, c'est-à-dire la non altération de la valeur de la surface par le plus ou moins d'obliquité des angles; obtenant ainsi ce que nous tirons de la comparaison, ce que nous généralisons en nous rapportant à deux valeurs linéaires constantes, la base et la hauteur. La même chose aurait lieu par rapport à l'équivalence de toutes les quantités variables diversement exprimées, si nous pouvions ramener leur compréhension à des formules claires et simples comme celles des fonctions que voici

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; où, quelle que soit la valeur de la variable, la valeur de

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288. Ces longs développements paraîtront inutiles peut-être; mais il ne faut pas s'y tromper : purement spéculative, en apparence, la question qui nous occupe tient à des vérités de premier ordre, ou plutôt des vérités de premier ordre relèvent de cette question.

Le principe de causalité est analytique, j'espère le prouver.

BIBL. HIST. 8° ANNÉE. 4° OUVR.

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Kant le considère comme un principe synthétique; de là peut

être toutes ses erreurs.

Il importe beaucoup d'avoir sur ces matières des idées parfaitement nettes. C'est pourquoi je vais résumer en peu de mots la doctrine exposée dans ce chapitre sur l'évidence immédiate et médiate.

289. L'évidence est immédiate lorsque l'idée du sujet nous révèle, par la signification scule des mots, la convenance ou l'incompatibilité de l'attribut. Les jugements de cette espèce sont analytiques; il suffit, en effet, de décomposer l'idée ou la conception du sujet, pour y découvrir que l'attribut lui convient ou ne lui convient pas.

L'évidence est médiate lorsque, ne voyant point sur-lechamp, et par la simple compréhension du sujet, la convenance ou la répugnance de l'attribut, il nous faut recourir à un terme moyen.

290. Les jugements d'évidence médiate sont-ils analytiques? Si les jugements sont analytiques alors seulement que la compréhension des termes emporte la vue de la convenance ou de l'opposition de l'attribut et du sujet, les jugements d'évidence médiate ne peuvent prendre ce nom; mais si l'on entend par ce mot un jugement dans lequel il suffise de décomposer une idée pour y trouver la convenance ou l'incompatibilité de l'attribut, nous serons forcés de reconnaître que les jugements. d'évidence médiate appartiennent à cette classe de jugements, le moyen employé n'étant autre chose que la formation d'un concept total dans lequel entrent les idées partielles dont on veut découvrir le rapport. La réunion de ces concepts partiels est une synthèse, j'en conviens, mais il n'y a point de synthèse dans la découverte de leurs rapports; cette découverte s'obtient par l'analyse.

De ce qu'il a fallu plusieurs idées pour former un jugement, il ne suit point que ce jugement soit synthétique; ce serait dire qu'il n'existe que des jugements de cette espèce. Dans cette affirmation: l'homme est raisonnable, l'idée homme implique deux idées, animal et raisonnable; le jugement n'en est pas

moins analytique. Décomposer une idée pour y trouver certains attributs, abstraction faite de la manière dont l'idée que l'on décompose a été formée, et du nombre d'idées que l'on y a fait entrer, voilà les caractères d'un jugement analytique. Le nom définit la chose.

291. Dans l'évidence médiate, le sujet contient l'attribut; mais notre intelligence saisit ces idées d'une manière incomplète; nous ne les embrassons point dans toute leur étendue; c'est pourquoi la compréhension des mots ne nous révèle point surle-champ la présence de l'attribut dans l'idée du sujet. De plus, les objets s'offrent à nous comme épars, même ceux qui relèvent de l'ordre idéal; ne connaissant point l'ensemble, nous passons successivement des uns aux autres, découvrant à mesure les rapports qu'ils ont entre eux.

292. Il suit de là que, dans l'ordre purement idéal, tous les jugements sont analytiques. En effet, les connaissances de ce genre relèvent d'une intuition en vertu de laquelle l'esprit pénètre une idée plus ou moins complexe, et découvre ce qu'elle contient. Il n'y a là d'autre synthèse que le rapprochement des objets en vertu de l'union des idées de ces objets en un concept total, lequel sert à découvrir les rapports des idées partielles.

293. Donc l'inconnue, l'x qu'il s'agit de dégager, problème redoutable que le penseur allemand pose à la philosophie; n'est autre chose que la faculté donnée à l'intelligence de réunir, en un concept total, un certain nombre d'idées, et de saisir dans ce concept nouveau les rapports que ces idées ont entre elles; mais cette faculté n'est pas une découverte moderne; toutes les écoles l'ont reconnue. Nul ne refusa jamais à l'entendement la faculté de comparer; or la comparaison est un acte par lequel l'entendement met sous son regard deux ou plusieurs idées afin d'étudier leurs rapports.

Cet acte est la formation d'une idée totale dont les idées comparées sont les parties. Ainsi, en géométrie, pour vérifier le rapport que certaines figures ont entre elles, on construit une nouvelle figure qui les comprend toutes, sorte de champ sur lequel se fait la comparaison.

Ce que je viens d'exposer à propos des jugements analytiques et synthétiques me semble suffire; je n'ai voulu traiter cette question que d'une manière générale et seulement dans ses rapports avec la certitude; je ne descendrai donc point en des détails qui seront mieux placés dans une autre partie de cet ouvrage.

CHAPITRE XXX.

CRITERIUM DE VICO.

294. Avoir fait la vérité que l'on connaît; nos connaissances entièrement certaines, alors seulement qu'elles relèvent de nous comme de leur cause, et perdant de leur certitude, à mesure que l'entendement perd son caractère de causalité par rapport aux objets qu'il connait, voilà le criterium de Vico. Dieu, cause infinie, universelle, possède toute connaissance; la créature, cause finie, connaît peu de choses et les connaît imparfaitement; si, dans une certaine mesure, il est permis de comparer l'intelligence finie à l'intelligence infinie, c'est dans la création du monde idéal. Cet idéal, l'intelligence finie l'étend à volonté, sans qu'il soit possible de lui assigner une limite infranchissable.

Nous allons laisser parler l'auteur :

« Les mots verum et factum, le vrai et le fait, s'emploient l'un pour l'autre dans la langue latine, ou, selon l'expression de l'école, se transforment l'un en l'autre. Intelligere, comprendre, est la même chose que lire clairement et connaitre avec évidence; cogitare se traduit en italien par pensare e andar raccogliendo; ratio, raison, désignait chez les Romains une collection d'éléments numériques, en même temps que ce don qui distingue l'homme de la brute et constitue sa supériorité. Ils définissaient l'homme: animal rationis particeps, qui par

ticipe de la raison, par conséquent qui ne la possède pas. Les mots sont les signes des idées, les idées sont les représentations des choses. Ainsi, legere, lire, c'est réunir les éléments de l'écriture, les lettres dont les mots sont formés; et comprendre, intelligere, c'est réunir les éléments qui constituent l'idée parfaite d'une chose.

D'où l'on peut inférer que l'ancienne Italie professait la doctrine suivante sur le vrai : « La vérité est le fait même ; par conséquent, Dieu est la vérité première parce qu'il est le premier agent (factor), la vérité infinie, parce qu'il a fait toutes choses; la vérité absolue, car il représente tous les éléments des choses tant internes qu'externes, et il les représente, parce qu'il les contient. Savoir, c'est réunir les éléments des choses; d'où il suit que la pensée (cogitatio) est le propre de l'esprit de l'homme, et l'intelligence le propre de l'esprit de Dieu. En effet, Dieu réunit en lui les éléments des choses et les coordonne; l'esprit humain, borné dans sa nature, placé hors de tout ce qui n'est pas lui, a la faculté de rapprocher, non de réunir; il peut penser sur les choses, non les comprendre ; c'est pourquoi il participe de la raison, mais ne la possède pas. Que l'on me permette cette comparaison : le vrai divin est une image solide des choses, une sorte de figure plastique ; le vrai humain, une image plane, sans profondeur, une sorte de peinture. Le vrai divin est vrai, parce que, dans l'acte même de la connaissance, Dieu veut et produit. Ainsi du vrai humain; il n'est vrai que relativement à cet ordre de choses dans lesquelles l'homme décide et crée. Savoir, c'est connaître la manière dont une chose se fait; connaissance en vertu de laquelle l'esprit fait luimême l'objet connu, puisqu'il recompose ses éléments. L'objet est un solide pour Dieu qui comprend tout, une surface pour l'homme qui ne comprend que l'extérieur des choses. Ces points une fois établis, observons que les anciens philosophes de l'Italie identifiaient le vrai avec le fait, parce qu'ils croyaient le monde éternel. Leur Dieu opérait toujours ad extra, ce que notre théologie repousse. Le dogme chrétien enseigne que le monde a été créé de rien, dans le temps. Il faut donc établir

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