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LIB.COM.
LIBERMA
SEPTEMBER 1928

PREFACE

E fuis à peu près dans le même cas où se trouva Ciceron, lorfqu'il entreprit de mettre en fa Langue des matieres de Philofophie, qui jufque-là n'avoient été traitées qu'en Grec. Il nous apprend qu'on difoit que Jes Ouvrages feroient fort inutiles, parce que ceux qui aiment la Philofophie s'étant bien donné la peine de la chercher dans les Livres Grecs, négligeroient après cela de la voir dans des Livres Latins qui ne feroient pas Originaux; & que ceux qui n'avoient pas de goût pour la Philofophie, ne fe foucioient de la voir ni en Latin, ni en Grec.

A cela il répond qu'il arriveroit tout le contraire; que ceux qui n'étoient pas Philofophes feroient tentés de le devenir par la facilité de lire les Livres Latins ; & que ceux qui l'étoient déja par la lecture des Livres Grecs, feroient bien aifes de voir comTome II.

A

ment ces chofes-là avoient été maniées en Latin.

Ciceron avoit raifon de parler ainfi. L'excellence de fon génie, & la grande réputation qu'il avoit déja acquife, lui garantifoient le fuccès de cette nouvelle forte d'Ouvrages qu'il "donnoit au Public; mais moi je fuis bien éloigné d'avoir les mêmes fujets de confiance dans une entreprise prefque pareille à la fienne. J'ai voulu traiter la Philofophie d'une maniere qui ne fut point Philofophique ; j'ai tâché de l'amener à un point où elle ne fût ni trop féche pour les Gens du monde, ni trop badine pour les Savans. Mais fi on me dit à peu près comme à Ciceron, qu'un pareil Ouvrage n'et propre ni aux Savans qui n'y peuvent rien apprendre, ni aux Gens du monde qui n'auront point d'envie d'y rien apprendre, je n'ai garde de répondre ce qu'il répondit. Il fe peut bien faire qu'en cherchant un milieu où la Philofophie convint à tout le monde, j'en aye trouvé un où elle ne convienne à perfonne Les milieux font trop difficiles à tenir, & je ne crois pas qu'il me prenne envie de me mettre une feconde fois dans la même peine.

Je dois avertir ceux qui liront ce Livre, & qui ont quelque connoiffance de la Physique, que je n'ai point du tout prétendu les inftruire, mais feulement les divertir en leur

préfentant d'une maniere un peu plus agréable & plus égayée, ce qu'ils favent déja plus folidement. J'avertis ceux à qui ces matieres font nouvelles, que j'ai cru pouvoir les inftruire & les divertir tout ensemble. Les premiers iront contre mon intention, s'ils cherchent ici de l'utilité; & les feconds, s'ils n'y cherchent que de l'agrément.

Je ne m'amuferai point à dire que j'ai choift dans toute la Philofophie la matiere la plus capable de piquer la curiofité. Il femble que rien ne devroit nous intéreffer davantage, que de favoir comment eft fait ce Monde que nous habitons, s'il y a d'autres Mondes femblables, & qui foient habités auffi ; mais après tout, s'inquiéte de tout cela qui veut. Ceux qui ont des pensées à perdre, les peuvent perdre fur ces fortes de fujets ; mais tout le monde n'eft pas en état de faire cette dépenfe inu

tile.

J'ai mis dans ces Entretiens une Femme que l'on inftruit, & qui n'a jamais oui parler de ces chofes-là. J'ai cru que cette fiction me ferviroit & à rendre l'Ouvrage plus fufceptible d'agrément, & à encourager l's Dames par l'exemple d'une Femme, qui ne fortant jamais des bornes d'une perfonne qui n'a nulle teinture de Science, ne laiffe pas d'entendre ce qu'on lui dit, & de ranger dans

fa tête fans confufion les Tourbillons & les Mondes. Pourquoi des Femmes cederoientelles à cette Marquise imaginaire, qui ne conçoit que ce qu'elle ne peut fe dispenser de concevoir ?

A la vérité elle s'applique un peu ; mais qu'est-ce ici que s'appliquer ? Ce n'eft pas pénétrer à force de méditation une chofe obfcure d'elle-même, ou expliquée obfcurément ; c'est feulement ne point lire fans fe repréfenter nettement ce qu'on lit. Je ne demande aux Dames pour tout ce Siftême de Philofophie, que la même application qu'il faut donner à la Princeffe de Cléves, fi on veut en fuivre bien l'intrigue, & en connoître toute la beauté: 11 eft vrai que les idées de ce Livre-ci font moins familieres à la plupart des Femmes, que celles de la Princeffe de Cléves; mais elles n'en font pas plus obfcures, & je fuis für qu'à une feconde lecture tout au plus, il ne leur en fera rien échapé.

Comme je n'ai pas prétendu faire un Siftême en l'air, & qui n'eût aucun fondement j'ai employé de vrais raifonnemens de Phyfique, & j'en ai employé autant qu'il a éténéceffaire. Mais il fe trouve heureufement dans ce fujet que les idées de Phyfique y font riantes d'elles-mêmes, & que dans le même temps qu'elles contentent la raifen, elles donnent à

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