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de fa nature une affaire de Religion chés les Payens, elle en eft devenue une fans néceffité chés les Chrétiens, & de toutes parts on l'a chargée de préjugés qui ont obfcurci des vérités fort claires.

J'avoue que les préjugés ne font pas 'communs d'eux-mêmes à la vraie & communs d aux fauffes Religions. Ils régnent néceffairement dans celles qui ne font Pouvrage que de l'efprit humain ; mais dans la vraie, qui eft un ouvrage de Dieu feul, il ne s'y en trouveroit jamais aucun, fi ce même efprit humain pouvoit s'empêcher d'y toucher & d'y mêler quelque chofe du fien. Tout ce qu'il y ajoute de nouveau, que feroitce que des préjugés fans fondement? II n'eft pas capable d'ajouter rien de réel & de folide à l'Ouvrage de Dieu.

Cependant ces préjugés qui entrent dans la vraie Religion, trouvent, pour ainfi dire, le moyen de fe faire confondre avec elle, & de s'attirer un respect qui n'eft dû qu'à elle feule. On n'ose les attaquer., de peur d'attaquer en même temps quelque chofe de facré. Je ne reproche point cet excès de Religion à ceux qui en font capables, au contraite, je les en loue; mais enfin, quelque

louable que foit cet excès, on ne peut difconvenir que le jufte milieu ne vaille encore mieux, & qu'il ne foit plus raifonnable de démêler l'Erreur d'avec la Vérité, que de respecter l'Erreur mêlée avec la Vérité.

Le Chriftianifme a toujours été par lui-même en état de fe paffer de fauffes preuves; mais il y eft encore préfentement plus que jamais, par les foins que de grands Hommes de ce Siécle ont pris de l'établir fur fes véritables fondemens, avec plus de force que les Anciens n'avoient jamais fait. Nous devons être remplis fur notre Religion d'une confiance, qui nous faffe rejetter de faux avantages qu'un autre Parti que le nôtre pourroit ne pas négliger.

Sur ce pied-là, j'avance hardiment que les Oracles,de quelque nature qu'ils ayent été, n'ont point été rendus par les Démons, & qu'ils n'ont point cellé à la venue de Jefus-Chrift. Chacun de ces deux points mérite bien une Dissertation.

PREMIERE

DISSERTATIO N.

Que les Oracles n'ont point été rendus par les Démons.

IL eft conftant qu'il y a des Démons;

des Génies mal-faifans, & condamnés à des tourmens éternels; la Religion nous l'apprend. La raison nous apprend enfuite que ces Démons ont pû rendre des Oracles, fi Dieu le leur a permis. Il n'est question que de favoir s'ils ont reçu de Dieu cette permission.

Ce n'eft donc qu'un point de fait dont il s'agit ; & comme ce point de fait a uniquement dépendu de la volonté. de Dieu, il étoit de nature à nous devoir être révélé, fi la connoiffance nous en eût été néceffaire.

Mais l'Ecriture Sainte ne nous apprend en aucune maniere que les Oracles ayent été rendus par des Démons, & dès-lors nous fommes en liberté de

prendre parti fur cette matiere; elle eft du nombre de celles que la Sageffe Divine a jugées affés indifférentes pour les abandonner à nos difputes.

Cependant les avis ne font point partagés; tout le monde tient qu'il y a eu quelque chofe de furnaturel dans les Oracles. D'où vient cela? La raifon en eft bien aisée à trouver pour ce qui regarde le temps préfent. On a cru dans les premiers Siècles du Chriftianisme, que les Oracles étoient rendus par des Démons; il ne nous en faut pas davantage pour le croire aujourd'hui. Tout ce qu'ont dit les Anciens, foit bon, foit mauvais, eft fujet à être bien répété; & ce qu'ils n'ont pû eux-mêmes prouver par des raifons fuffifantes, fe prouve à préfent par leur autorité feule. S'ils ont prévû cela, ils ont bien fait de ne fe pas donner toujours la peine de raisonner fi exactement.

Mais pourquoi tous les premiers Chrétiens ont-ils cru que les Oracles avoient quelque chofe de furnaturel ? Recherchons-en préfentement les raifons;nous verrons enfuite fi elles étoient affés folides.

CHAPITRE I.

Premiere Raifon, pourquoi les anciens Chrétiens ont cru que les Oracles étoient rendus par les Démons. Les Hiftoires Surprenantes qui couroient fur le fait des Oracles & des Génies.

L'Antiquité eft pleine de je ne fai

combien d'Hiftoires furprenantes & d'Oracles qu'on croit ne pouvoir attribuer qu'à des Génies. Nous n'en rapporterons que quelques exemples qui représenteront tout le reste.

Tout le monde fait ce qui arriva au Pilote Thamus. Son Vaiffeau étant un foir vers de certaines Ifles de la Mer Egée, le vent ceffa tout-à-fait. Tous les Gens du Vaiffeau étoient bien éveillés, la plupart même paffoient le temps à boire les uns avec les autres, lorsqu'on entendit tout d'un coup une voix qui venoit des Ifles, & qui appelloit Thamus. Thamus fe laiffa appeller deux

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