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l'on trouve la plus belle église, le plus intéressant et le plus magnifique de tous les monastères d'Italie, la Certosa ou Chartreuse de Pavie. Ce temple, ce colifichet, si vaste dans ses dimensions, si minutieux dans ses détails, si massif et si brillant, est séparé de la grande route par une belle avenue, et sa dérobe aux regards dans l'enceinte sacrée de ses anciennes murailles.

Écoutons lady Morgan nous raconter avec sa verve habituelle la première visite qu'elle fit à ce monument célèbre (Pl. 246, 247).

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Ce fut par une belle matinée d'automne que nous visitâmes la Certosa; et quand nous passâmes les pesantes et magnifiques portes qui conduisent à sa vaste cour, l'aspect qui se déploya à nos yeux nous fit une impression profonde. La noble façade de l'église, couverte d'ornemens et de sculptures, l'architecture gothique des bâtimens, l'herbe qui perçait à travers les pavés, l'écho de nos pas, la solitude, le silence, un mélange de splendeur et de désolation, tout contribuait à frapper les sens et l'imagination. Au milieu des fragmens d'une châsse brisée, nous vîmes un chariot rustique à demi chargé de foin; une jeune femme assise sur le brancard allaitait un joli enfant; son fuseau était à ses pieds, et son mari (le gardien) étáit occupé à recueillir sa petite récolte. Quel groupe dans les cloîtres d'une Chartreuse !»

On attribue aux Visconti l'érection de ce pieux édifice. Les crimes des chefs militaires qui, à une certaine époque de l'histoire d'Italie, devinrent si formidables à la liberté italienne, étaient souvent accompagnés de talens qui produisaient presque l'effet de vertus. La même énergie qui les distinguait de leurs concitoyens et leur

donnait une suprématie momentanée dans les temps dangereux, se tournait pendant la paix vers les ouvrages publics, dont le plan et l'exécution employaient leur activité surabondante.

Les Visconti, qui usurpèrent dans le quatorzième siècle le duché de Milan, étaient remarquables entre les Signoretti tirannelli d'Italie, par l'atrocité de leurs vices privés et la splendeur de leurs qualités extérieures. Cependant les édifices qu'ils ont érigés, moins utiles que ceux des aventuriers paysans qui leur succédèrent (les Sforce), étaient principalement destinés à des objets militaires ou religieux.

L'église et le monastère de la Certosa furent élevés avec des frais énormes et une magnificence exclusive. En trois ans, les bâtimens furent assez avancés pour recevoir le prieur et vingt-quatre moines de l'ordre des chartreux. Les immenses terres, données par le fondateur, rendirent ce couvent l'un des plus riches de l'Italie; et, par un codicile de son testament, il ordonnait aux moines d'employer tous les ans une certaine somme de leurs revenus pour le perfectionnement et l'embellissement de l'édifice. Des donations successives augmentèrent la richesse de cette maison; le génie et le talent contribuèrent en divers temps à sa décoration; et les cloîtres de la Chartreuse devinrent l'atelier de Luini, de Giacomo della Porta, de Procaccini, de Sacchi, de Guercino et d'autres artistes également célèbres. Quoique commencée dans le quatorzième siècle, la Chartreuse fut continuée encore dans le dix-huitième; mais les travaux de quatre cents ans paraissent à peine suffisans pour avoir produit ces détails infinis, ces sculptures, ces ciselures, ces statues, ces ouvrages de bronze, d'or, d'ivoire et

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d'ébène, cette immensité de pierres précieuses, de mosaïques, de peintures, de fesques; enfin toutes ces merveilles de l'opulence et des arts qui décorent les chapelles, les choeurs, les sacristies, les autels et les mausolées. Il n'est pas jusqu'au lavatojo des moines qui ne soit couvert de basreliefs, de bustes et de pierres gravées du travail le plus exquis.

En quittant la magnificence du temple et de tous les bâtimens adjacens, on retrouve avec plaisir, dans les cloîtres, la noble simplicité qui convient à une grave retraite monastique. Derrière une belle fabrique, autrefois occupée par le prieur, et réservée pour la réception des étrangers et des pèlerins de haut rang, on voit les cloîtres incrustés d'ornemens et de bas-reliefs en terre cuite, servant de portiques à vingt-quatre maisons isolées. C'étaient les cellules des moines, dont chacune contenait deux chambres, un petit jardin et une fontaine avec un siége de marbre. Un tour servait à leur faire passer la nourriture; car, excepté à l'église, il n'y avait point de communications entre ⚫ les frères.

C'est dans la Chartreuse que fut conduit François après la malheureuse bataille de Pavie. Il était en core matin, car les religieux chantaient tierce, et ils entonnaient ce verset: Coagulatum est sicut lac cor meum. Ego verò legem tuam meditatus sum: « Mon cœur a été coagulé comme du lait; mais alors j'ai medité votre loi.» (Psaumes.) Le roi prisonnier dit aussitôt avec les frères le verset suivant: Bonum mihi quia humiliasti me, ut discam justificationes tuas : « C'est un bien pour moi d'avoir été humilié, afin que j'apprenne à connaître vos jugemens. » Le »

Le

bon roi, aussi pieux qu'il était brave, éprouvait déjà les douces consolations que donne la religion, par le prix qu'elle réserve à l'humilité et à l'infortune.

Avant d'arriver à Pavie on voit encore, à gauche, des vestiges de clôture d'un parc immense qui avait vingt milles de tour. Galeazzo Visconti l'avait fait bâtir pour y enfermer des bêtes fauves, bêtes fauves, et il y avait fait enclore un château. C'est dans ce parc, appelé Mirabello, que la bataille de Pavie fut, dit-on, livrée.

L'on entre dans la plus grande rue de Pavie, la Strada nuova, par une superbe porte d'architecture grecque, construite par le gouvernement autrichien sous le prince Eugène ; on l'appelle Porta San Vito. Cette rue est terminée par la Porta del ponte Ticino. Ni l'une ni l'autre de ces portes n'étaient achevées en 1819. Mais, dit lady Morgan, quoique les habitans les doivent à leurs derniers gouvernans, les courtisans ' municipaux de cette cité, toujours très-impériale, les ont dédiées al nostro augusto So

vrano!

Dans la Strada nuova sont les principaux palais de la noblesse de Pavie, imbue, aujourd'hui encore, de vieux préjugés espagnols, et dévouée aux descendans et représentans de CharlesQuint.

Les palais de cette rue sont entremêlés de boutiques, d'églises, de colléges, de cafés, de théâtres et d'hospices. Le matin, cette longue mais étroite avenue (quoique placée au centre de la ville, quoique constituant elle-même la ville, car les rues latérales sont en petit nombre et peu spacieuses) est encore inanimée, et n'offre presque aucun mouvement; mais le soir, la Strada nuova devient

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