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phénomène curieux et bien digne de leur sagacité. L'explication la plus satisfaisante qu'on en puisse donner, dit Mr. Valery, est peut-être celle rapportée dans la note de l'éditeur des auteurs classiques, Mr. Lemaire; le flux et le reflux, d'après cette note, tiendroit à la disposition d'un siphon ou tuyau construit par la nature, à travers l'argile et la pierre. Un joli trait de la lettre de Pline est celui où il compare ingénieusement le flux et le reflux de la fontaine au glouglou d'une bouteille : cette idée se rapprocherait assez de la nature du siphon. Il resterait toujours à connaître la

cause des trois flux et reflux quolidiens de cette fontaine, qu'aucun glouglou ne pourrait expliquer.

J'arrive au promontoire de Bella. gio dont l'ombre se projette sur les eaux. C'est là qu'a du se trouver la Comedia de Pline; c'est ainsi qu'il nommait une des deux villa qu'il pos sédait sur le territoire de Come. La seconde, la Tragœdia, qui a pu être à Lenno, devait ce nom à son aspect sévère et aux rochers qui, suivant le mot de Pline, la chaussaient comme uncothurne. La Comœdia au contraire, touchant au rivage, n'avait, disait-il, qu'une chaussure plate.

PAVIE.

La distance de Milan à Pavie, seconde ville impériale du royaume Lombardo-Vénitien, est de vingt milles. La belle et large route qui y conduit traverse de riches prairies qui, deux fois l'année, parent la terre de leur verdure; aussi appelle-t-on à juste titre ce territoire fertile, le jardin de l'Italie. La route est ombragée de beaux arbres, et l'on a presque constamment la vue du canal qui, avec ses différentes branches tributaires, porte l'abondance et le commerce dans ces deux villes. Ce grand ouvrage de navigation intérieure a été commencé sous le gouvernement républicain de Milan, en 1179; et les deux canaux qui furent creusés alors, unissaient Milan avec l'Adda et le Tésin, et lui fournissaient de l'eau, la seule chose qui lui manquat. Pour étendre et perfectionner ces

canaux, l'un des usurpateurs de la famille Sforza fit chercher en Toscane un homme dont le génie se prêtait à tous les arts, à toutes les sciences. Léonard de Vinci, le premier peintre et le premier mécanicien de son temps, le peintre de Joconde et de la Cène, surpassa dans ces ouvrages tout ce qui avait été fait pour les canaux de la Brenta, qu'on regardait comme les chefs-d'œuvre du siècle.

Mais quand l'Italie fut soumise à la tyrannie étrangère, tous ses grands ouvrages déclinèrent avec ses libertés ; le superbe canal de Milan s'encombra par la négligence, et devint nuisible plutôt que profitable à la ville; perdant enfin le nom de Naviglio grande, il fut appelé par les paysans Navigliaccio (grand vi-. lain canal). Les Français arrivèrent. En 1805, un décret du nouveau gou

vernement italien ordonna que le canal de Milan á Pavie, et de là par le Tésin à jusqu'à la Méditerranée, fût complété. La plaine, à travers laquelle le Naviglio passe actuellement, était une forêt consacrée, dans un circuit de quatorze milles, aux chasses royales, ainsi qu'on le voit dans l'ouvrage de Malaspina. Cette plaine a été aussi le

théâtre de la fameuse et terrible bataille entre les Allemands et les Français, dans laquelle François Ier fut fait prisonnier de Charles-Quint, le 24 février 1525. De là il écrivit à sa mère : tout est perdu, fors l'honneur.

L'endroit où l'on relaie à moitié chemin entre Milan et Pavie, est le bourg et l'ancienne forteresse de Binasco. Pendant que l'on changeait les chevaux, et qu'on réparait la voiture, nous visitâmes le vieux château, dont l'aspect est beau, et dont la conservation est étonnante. Ce château est illustré par le souvenir de la belle et

infortunée Béatrix Visconti.

Cette princesse était la veuve et l'hé ritière de Facino Cane, qui avait presqu'entièrement dépouillé Filippo-Maria Visconti de ses états. Quoiqu'elle fût bien plus âgée que Filippo, elle eut l'imprudence de lui donner sa main en 1412, et lui porta en dot Verceil, et Alexandrie, Navarre, Tortone, et d'autres villes dont Cane s'était emparé pendant les troubles qui désolaient l'Italie, Béatrix avait en outre d'immenses sommes d'argent qui servirent à faire triompher Filippo de son concurrent Nestore. Béatrix aurait pu être la mère de Filippo: le dégoût suivit bientôt des nœuds que l'intérêt seul avait formés, et Filippo ne craignit point d'en faire toutes les démonstrations; il faisait préparer par elle les mets qu'on mettait sur sa table, où elle paraissait plutôt comme une servante que

comme une épouse. Enfin, il la fit arrêter et conduire au château de Binasco, où elle fut livrée à d'horribles tortures pour avouer un crime qu'elle paraît n'avoir jamais commis. Son véritable tort était son âge et l'impossibilité de donner au duc des enfans qu'il souhaitait. Selon Corio, vingtquatre tiraillemens de chevalet lui firent avouer ce crime, qu'elle nia constamment à son confesseur. André Biglia dit cependant qu'elle n'avouà rien, mais Michele Orombello, jeune homme de sa cour, distingué par sa grâce et les talens pour la musique, qui était désigné comme son complice. montra moins de constance dans les tourmens. On lui avait peut-être laissé entrevoir l'espérance de se sauver, s'il déclarait ce crime imaginaire; il fit en tremblant l'aveu qu'on lui demandait. La malheureuse duchesse lui adressa avec dignité les reproches que méritait sa faiblesse; elle attesta que son seul tort était d'avoir pris pour époux un prince plus jeune qu'elle, dont elle avait cependant sauvé les états par cette union qu'elle n'avait regardée que comme politique. On fit mourir Orombello avant Béatrix, et aprés qu'elle eut rempli les derniers actes de la religion, on eut encore la barbarie de renouveler les tortures sur les paumes de ses mains on mit enfin un terme à ses souffrances en lui tranchant la tête; elle fut enterrée à Binasco, où sa mémoire n'est conser

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