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musique et la danse, il avait acquis, dès sa première jeunesse, des connaissances assez avancées en mathéma

tiques, en physique, en philosophie, et dans toutes les branches de la littérature. Sa famille le plaça de bonne heure à Florence, dans l'atelier de André Verrocchio, qui avait alors, comme peintre et comme sculpteur, une grande réputation. Il s'y trouva avec le Pérugin, qui fut depuis le maître de Raphaël. Il se rendit à Milan, en 1489, pour y fondre une statue équestre, que Ludovic Sforza voulait élever à son père, le duc François.

Ce fut à Milan, et par ordre exprès de Ludovic Sforza, qu'il composa, pour le réfectoire des Dominicains, ce célèbre tableau de la Cène, qui excite encore aujourd'hui l'admiration de tous les artistes.

Plus tard, c'est-à-dire lors de l'entrée de Louis XII à Milan, Vinci signala son génie inventif par la construction d'une mécanique, dont le jeu fut trouvé surprenant; c'était un lion automate de grandeur plus que naturelle; après avoir fait plusieurs pas au-devant du roi dans la grande salle du palais, l'animal s'arrêta tout-àcoup, et, se dressant sur ses pattes de derrière, ouvrit une large poitrine d'où sortit, en se déployant, un écusson aux armes de France. Louis fut enchanté de cette machine, et il en fit à l'auteur de grands complimens. De quelque faveur néanmoins que Vinci jouît à Milan, sous la domination française, il n'y goûtait pas la tranquillité d'esprit qu'exige la profession des arts. Les chances inégales de la guerre le forcèrent plus d'une fois à quitter cette ville, et il finit par se rendre à Florence, où le sénat le chargea de peinore, avec Michel-Ange, la salle du pɔsueil. On sait à que point ces deux

L.

hommes célèbres se piquèrent d'émulation, et à quel degré de supériorité ils s'élevèrent sans pouvoir se surpas ser. Ce fut cette rivalité qui donna naissance aux deux grands cartons dont il est tant parlé dans l'histoire de la peinture.

Léonard de Vinci portait si loin la recherche du vrai, et, si l'on peut s'exprimer ainsi, la manie de l'observation, qu'il avait toujours sur lui des tablettes afin de dessiner à l'improviste toutes les têtes bizarres, toutes les particularités curieuses que le hasard lui présentait. Paul Lomazzo rapporte, et Marcitte après lui, qu'ayant un jour à peindre une joyeuse réunion de campagnards, Léonard invita à dîner des convives amis du plaisir, et leur fit à table des contes si plaisans, qu'ils se prirent à rire aux éclats, bien éloignés de penser que le maître de la maison mettait toute son attention à étudier en eux les diverses impressions de la gaîté. Un fait avancé comme certain par beaucoup d'auteurs, c'est qu'il termina ses jours dans les bras de François Ier. Un de nos peintres modernes, Ménageot, a composé sur ce sujet un grand tableau d'histoire qui, à l'exposition de 1781, obtint le plus brillant succès, et dont une copie fut exécutée en tapisserie à la manufacture des Gobelins. Feu Landon, auteur d'une vie des peintres, ne fait nulle difficulté d'y raconter ainsi l'événement : « Cet homme célèbre, aussi recommandable par ses vertus que par ses talens, fut tellement touché de la bonté du monarque français qui venait le visiter, que, se soulevant avec peine pour lui témoigner son respect, il re tomba mourant entre les bras du prince. >>

Les amplificateurs d'anecdotes prétendent en outre que François I",

lisant une surprise dédaigneuse sur la figure des courtisans qui l'accompagnaient chez Léonard, leur dit de ne pas s'étonner: « Je puis faire des nobles quand je veux, et même de très-grands seigneurs; Dieu seul peut faire un homme comme celui que nous allons perdre. » On prête ce mot à tant d'autres princes, qu'il serait difficile de, décider s'il appartient réellement à François Ier.

Parmi les plus célèbres élèves de Léonard, on cite Césare da Sesto. Bernazzano réussissait si bien à représenter des fleurs, des fruits et des oiseaux, qu'il renouvela ce qu'on raconte d'Apelles et de Zeuxis: des paons gâtè rent le mur où il avait peint des fraisiers, pour en béqueter les fruits. Il ne resta dans Milan, au dix-septième siècle, presque aucune trace du style de Léonar, ni de celui de Gaudenzio; chef d'une école rivale. Après les pestes qui désolèrent plusieurs fois Milan, Frédéric Borromée fonda une acadé mie; mais la nouvelle école ne put égaler l'ancienne; le nombre des travaux s'étant multiplié, les peintres vénitiens, crémonais, génois, bolo nais, introduisirent une nouvelle bi garrure de style, et une prestesse fatale d'exécution, qui fit succéder la manière au noble et au gracieux. Le nombre des artistes diminua sensiblement à Milan après la mort du cardinal Borromée : l'académie qu'il avait fondée fut fermée pendant vingt ans ; MarieThérèse essaya de ramener le goût, en créant une troisième académie en 1775, établissement qui, depuis, a toujours obtenu une généreuse pro

tection.

La villa Napoléon (Pl. a37) est un beau palais, bâti, il y a 30 ans, par le maréchal comte Belgiojoso, donné par la municipalité de Milan au géné

ral Bonaparte, et habité depuis par Eugène. Le jardin anglais qui dépend de cet édifice n'occupe pas plus de deux arpens de terrain, et sur une aussi étroite surface on a eu le talent de pratiquer un pont, une cascade, des rochers, des temples et des routes sinueuses qui se croisent en tous sens. On a lu dans le voyage de M. Simond une anecdote que me rappelle le nom de ce comte Belgiojoso, dont je viens de décrire l'ancienne demeure. « Ce général, très-jaloux de paraître à son avantage les jours d'apparat, avait coutume de passer plusieurs heures ces jours-là (on m'a dit sept heures, ce qui est un peu fort) sous le peigne d'un perruquier. Celui-ci eut une fois la main malheureuse, il manqua la frisure du général, qui, furieux de ne pas se trouver au miroir aussi beau, ou aussi terrible qu'il l'aurait voulu, tua d'un coup de pistolet l'infortuné coiffeur. « Tuer son perruquier! m'écriai-je frappé du dénouement. Eh! je vous prie, votre monsieur le général ne fut-il pas pendu? - Pendu ? répliqua-t-on avec non moins de surprise; vous n'y pensez pas! » Que l'histoire soit vraie ou fausse (et j'avoue que je n'y crois pas), il suffit qu'elle ne soit pas invraisemblable sur les lieux, pour donner la mesure des notions existantes sur la justice criminelle et son application.

L'Italie vante ses hôpitaux, et Milan en possède plusieurs qui ont beaucoup de réputation. L'ospedal maggiore (Pl. 238, 239), le plus vaste de tous, ainsi que son nom l'indique, est dû à François Sforze, usurpateur conquérant du duché de Milan, à Blanche Visconti, sa femme, fille des anciens ducs, et aux contributions volontaires du peuple, qui avait essayé d'établir son indépendance, et de se constituer

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en république. Cet hôpital est comme un vieux et rare monument de la réunion des partis. Le canal dont il est bordé est une espèce de fleuve qui emporte toutes les immondices. Mais ces anciens hôpitaux, bâtis en forme de croix, offrent toutefois une disposition moins commode et moins salubre que celle des hôpitaux récemment construits en France; et les salles parallèles sont bien préférables, pour la circulation de l'air, aux angles inévitables de l'architecture en croix. Le grand hôpital de Milan n'a point de sœurs de la charité. L'époque de notre domination eût été une occasion favorable pour les y introduire. Parmi tant de traces honorables laissées à l'Italie par la France, des sœurs ne seraient aujourd'hui ni la moins utile ni la moins touchanté.

L'église et le théâtre sont deux des principaux instrumens par lesquels les petits gouvernemens d'Italie ont soutenu leur pouvoir. Après le Duomo, il n'y a aucune châsse dans Milan à laquelle on ait plus de dévotion, aucun édifice qui soit plus estimé que le théâtre de la Scala (Pl. 239). Les idées de plaisir et de dévotion peuvent, à son égard, se confondre par une association permanente; car c'est sur les ruines de l'église de Santa-Maria della Scala que l'on a bâti, en 1778, le vaste et magnifique théâtre actuel. L'extérieur de la Scala est très-beau. On descend de voiture sous le péristyle; au-dessus, une grande terrasse entourée d'une balustrade conduit au Ridotto, salle de jeu, placée sous la protection du gouvernement. Ce théâtre, un des plus grands de l'Europe, a six rangs de loges, et un parterre spacieux et commode; chaque rang contient quarante-six loges. Celle de l'empereur, n'acée au centre, est un

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superbe appartement ouvert qui s'élève jusqu'aux deux tiers de la salle celleci est resplendissante de dorure, et surmontée de la couronne et de la croix de l'empire. On voit, comme dans plusieurs théâtres d'Italie, une pendule dont le cadran, avec des figures en transparent, tourne devant une forte lumière, et indique l'heure dans toutes les parties de la salle. Les draperies extérieures des loges sont uniformes et riches; mais l'intérieur est magnifiquement décoré par des tapisseries de soie, des coussins de velours, des candelabres; et la plupart ont une chambre adjacente pour jouer et souper. Ce théâtre, qui joint une grande ma. gnificence à tout ce qui peut être agréable ou commode, est le chefd'œuvre de Piermarini. L'artiste a combiné de la manière la plus ingénieuse tous les avantages possibles non-seulement pour les spectateurs, mais pour les acteurs musiciens, danseurs et machinistes; et les magasins, les ateliers de peinture, ne sont pas moins dignes d'être vus que les parties plus apparentes de l'édifice. Tout ce qui appartient à cet établissement prouve combien il est important, et pour le gouvernement, et pour la nation.

Ce théâtre est en effet le logis du soir de presque toutes les classes de Milan. On ne sait véritablement que devenir quand la Scala est fermée, car il n'y a point là, comme à Florence, Rome ou Naples, de corps diplomatique pour recevoir. Malgré les grandes fortunes et l'aisance commune des habitans , personne ne se croit obligé de représenter. Les diverses révolutions que ce pays a subies depuis trente années, et les réactions qui en ont été la suite, semblent y avoir détruit la vie so

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