Page images
PDF
EPUB

encore de grands secours dans d'autres occasions, des habitans de Padoue.

Cette ville fut saccagée par Alaric, et ensuite par Attila, l'an 455. Ses habitans prirent la fuite; quelques-uns se retirèrent dans les lagunes, et y bâtirent des villages qui furent longtemps sous la juridiction des magistrats de Padoue, jusqu'à ce qu'ayant formé la superbe Venise, cette colonie subjugua son ancienne métropole. Padoue fut brûlée et saccagée plu

sieurs fois.

Mais c'était à l'un de nos plus grands princes, à celui qui, dans le moyen-âge, réunit par un même lien les Barbares et les Romains, qu'il était réservé de venger Padoue des injures du ciel. — Charlemagne en effet fit rétablir cette ville en 774, lorsque, vainqueur de Désidério que Luitprand avait désigné pour son successeur, il mit sur sa propre tête la couronne des Lombards.

Lorsque les petits seigneurs envahirent l'Italie, Padoue eut le sort de toutes les autres républiques de cet empire. En 1237 elle tomba au pouvoir d'Azzolino ou Ezzelino, de la maison de Romano. Ce despote employa toute sa vie, tout son courage, tous ses talens, à fonder une tyrannie telle, que l'Italie, ni peut-être le monde, n'en avait point encore vu de semblable. L'art avec lequel il usurpa la souveraineté au milieu de républicains jaloux, les crimes par lesquels il la conserva, sa grandeur et sa chute, méritent d'être étudiés par les amis de la liberté. Après avoir ravi au marquis d'Este le titre de Podestat de la ville de Padoue, qui était alors la plus puissante des trois républiques Guelfes de la marche Trévisane; après avoir fait périr don Jordan, prieur de SaintBenoît, que l'on regardait comme un saint, et qui échauffait par ses prédications, le courage des citoyens, il

tourna successivement ses armes contre les seigneurs de Carrara et les Advocati, contre le marquis d'Este, son ennemi capital, et même contre les villes de Feltre et de Bellune, qu'il soumit à sa puissance.

Un récit détaillé des crimes d'Ezze

lino serait trop révoltant : une simple énumération de ses victimes ne pourrait intéresser que ceux à qui leurs noms ne sont point inconnus; mais ces noms ne sont illustres que dans la Vénétie. Parmi toutes ces victimes, il y en eut deux, qui signalèrent leurs derniers des actes d'un courage momens par roïque. Rainier de Bonello traduit devant le tribunal d'Ezzelino, en présence de tout le peuple, fut accusé par lui d'avoir voulu livrer la ville de Padoue au marquis d'Este. Rainier ne répondit qu'en dénonçant au peuple l'accusation d'Ezzelino lui-même, comme une infâme calomnie: il ne doutait

point, dit-il, qu'un prompt supplice ne l'attendit; mais son vrai crime était d'avoir témoigné ses regrets de ce que les Padouans avaient confié à Ezzelino l'autorité souveraine, et de ce qu'ils étaient si cruellement punis de leur faute. Le tyran fit traîner sur la place publique le courageux Rainier, et lui fit trancher la tête.

Jean de Scanarola fut traduit devant Henri de Ygna, podestat de Vérone, créature d'Ezzelino, digne de cet homme sanguinaire. Quoique le prisonnier fùt chargé de chaînes et entouré de gardes, il s'élança tout-à-coup sur son juge, et le renversant de son tribunal, il le frappa à la tête de trois coups d'un couteau qu'il avait caché sous ses habits. Le juge fut blessé mortellement, avant que les gardes eussent eu le temps de pièces Scanarola, avec leurs hallebardes. Alors un proverbe pour les tyrans, fut réItalien, terrible

mettre en

pété de bouche en bouche: « Celui qui veut mourir, est maître de la vie d'un roi. »

Mais les crimes du tyran devaient enfin recevoir leur châtiment. Innocent iv prêcha en 1255 une croisade contre le farouche Ezzelino. Peu de temps avant deux gentilshommes tentèrent de délivrer la terre de ce monstre. Ils se nommaient Monté et Araldo, et avaient été conduits à Vérone, où Ezzelino présidait alors, pour y être mis en jugement. Nous emprunterons le récit suivant à l'historien Rollandini: Ils arrivèrent devant le palais public, pendant qu'Ezzelino était à table; ils attirèrent son attention par leurs cris, et ils excitèrent tellement sa colère, qu'Ezzelino sortit de table, et descendit audevant d'eux, sans armes, en s'écriant: « Qu'ils viennent à la male heure, les traîtres.» Monté, dès qu'il l'aperçut, s'arrachant des mains de ses gardes, s'élança sur lui, et le renversa par terre. Tandis qu'il s'efforçait d'enlever au tyran le poignard qu'il croyait trouver sous ses habits, et qu'en même temps il lui déchirait le visage avec ses dents, un garde trancha avec son sabre la jambe droite du prisonnier; d'autres mirent en pièces son frère, qui voulait le secourir. Monté, comme insensible à cette première blessure et aux coups qu'on ne cessait de lui porter, n'abandonnait point sa proie, et faisait d'inutiles efforts pour l'étouffer. Il périt enfin, mais sur le corps du tyran, qu'il avait déchiré de ses dents et de ses ongles, et qui fut long-temps à se remettre de ses blessures et de sa

terreur.

Les efforts d'Innocent iv contre Ezzelino ne furent pas inutiles; une armée nombreuse se rassembla sous les ordres de Philippe, légat du pape, et archevêque de Ravennes. Le tyran sut cepen

dant se maintenir sur un pied de guerre honorable. Mais, dans le cours de l'année 1259, son étoile vint à pålir; Ezzelino fut fait prisonnier, tandis qu'il avançait lentement sur le chemin de Bergame, après avoir reçu plusieurs blessures qui mirent sa vie en danger. Lui pris, la guerre était terminée; il ne voulut point survivre à sa défaite; envain on appela des médecins pour le soigner; il refusa leurs bons offices; il se plut à rouvrir lui-même ses blessures, et il mourut enfin le onzième jour de sa captivité, à Soncino, où son corps est enseveli.

Padoue, délivrée du joug de ce tyran, dont le règne de sang avait duré trentequatre ans, reprit aussitôt une forme républicaine, qui se maintint jusqu'à l'année 1318. Les Carrara ou Carraresi eurent ensuite la principale autorité, mais ils l'exercèrent avec modération, et pour le bien public.

Cette ville passa ensuite sous la puissance des Scaligeri; revint encore aux Carrares enfin elle se soumit à Venise en 1405.

:

Son aspect est en général assez triste; les rues, surtout dans la partie vieille, sont sales, irrégulières, longues, étroites, et pavées en petits cailloux. Il est vrai que de chaque côté il se trouve des portiques, beaucoup moins beaux pourtant que ceux de Bologne, mais qui procurent aux piétons l'avantage de parcourir presque toute la ville à l'abri du soleil et de la pluie. Parmi les principaux édifices de Padoue, nous signalerons d'abord le palais de l'Université. Ce monument, construit par Palladio, renferme les écoles publiques, l'Amphithéâtre d'anatomie, et le Muséum d'histoire naturelle.

Il Bo, le Bœuf (d'une ancienne enseigne), est le nom que l'on donne au

[ocr errors]

bâtiment de l'université padouane; cet édifice est d'une architecture grande et majestueuse; la façade est ornée de quatre colonnes doriques cannelées, et la cour est environnée d'un grand portique à deux étages.

L'université de Padoue est des plus anciennes et des plus célèbres; elle subsistait déjà avant que l'empereur Frédéric y transportât celle de Bologne, en

1222. Les professeurs

étaient dans la plus grande considération, et les nobles se faisaient honneur d'entrer dans leur corps; même, dans les siècles les plus barbares, on y accourait de tous les pays. Cette antique université, dont l'origine remonte au commencement du treizième siècle, et qui a compté jusqu'à dix-huit mille écoliers s'il faut en croire le chiffre de M. De lalande, n'en a plus que mille. Sous le vestibule, on voit une bonne statue en marbre, qui représente la célèbre HélèneLucrèce Cornaro Piscopia, morte en 1634 à trente-huit ans ; femme illustre, qui savait l'espagnol, le français, le latin, le grec, l'hébreu, l'arabe; chantait ses vers en s'accompagnant, dissertait sur la théologie, l'astronomie, les mathématiques, et fut reçue docteur en phidocteur en philosophie à l'université. Depuis quelques années, on voit au cabinet de physique une vertèbre de Galilée; c'est la cinquième lombaire; elle fut dérobée par le médecin Florentin Cocchi, chargé, en 1737, de la translation des os de Galilée à l'église Sainte-Croix de Florence. Le doigt de ce savant, arraché par une fraude pareille, est exposé à la Laurentienne. Singulière destinée du corps de ce grand homme! L'envie l'emprisonna de son vivant, l'admiration le mit en pièces après sa mort. Toutefois, la vertèbre de Galilée n'est point placée sans convenance à l'université de Padoue. Pendant dix-huit

ans,

il y avait rempli la chaire de philosophie; et ce fut en présence du doge et des principaux de l'état, qu'en 1609 il fit ses premières expériences du télescope et du pendule.

La bibliothéque de l'université renferme soixante-dix mille volumes. Parmi les portraits qui ornent ce vaste local, je remarquai celui de Pétrarque. Certes, il est là à sa place; car ce grand poëte fut assurément un des plus intrépides lecteurs connus, puisqu'il mourut dans sa bibliothéque, assis, la tête courbée sur un livre.

Le goût des sciences, des lettres et des arts fut toujours très-vif à Padoue. Dès l'an 1540, il se forma une académie à laquelle tous les beaux esprits de l'Italie se firent associer. Depuis ce tempslà, on en a compté vingt autres. Mais la plus célèbre de toutes est celle des Ricovrati qui recevait des femmes, usage que l'académie française fut plusieurs fois tentée d'imiter. Sous Louis XIV, Charpentier appuyait l'admission de mesdames Scudéry, Deshoulières et Dacier. Dans le dernier siècle, les candidats de d'Alembert furent, dit-on, mesdames Necker, d'Épinay et de Genlis; de nos jours, la même proposition n'aurait rien d'étrange, et les talens poétiques de quelques femmes en feraient de fort dignes et fort agréables académiciennes.

La façade du Palais de Justice, édifice fort ancien, rappelle le genre d'architecture arabe du palais des doges de Venise, et, en effet, il fut construit à peu près dans le même temps, c'està-dire en 1172, par Pierre Cazzo, et achevé seulement en 1206.

Cette façade donne sur une assez belle place, appelée Piazza deľ erbe (place ou marché aux herbes) et place Salone (Pl. 208), entourée de portiques. Ce qu'on admire surtout dans cet antique

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][graphic]
« PreviousContinue »