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théâtre, que le Dante, exilé à Vérone, disait, en jetant ses outils dans la rue : « Si tu ne veux pas que je gâte tes affaires, ne gâte pas les miennes; tu chantes mon livre, et tu ne le dis pas comme je l'ai fait. Ce sont mes outils, à moi, et tu me les gâtes (1). »

Les tombeaux des magnifiques seigneurs de Vérone, légères pyramides gothiques, surmontées de la statue équestre de chaque prince, sont un des monumens les plus curieux de la ville (Pl. 228); mais ces vieux sépulcres en plein air sont dans une place trop étroite. Le plus splendide de ces tombeaux, et l'un des plus beaux du quatorzième siècle, n'est pas celui de Can Grande, mais de Can Signorio, son troisième successeur, héritier du frère de Can Grande II, qu'il avait assassiné publiquement sur son cheval, au milieu de la rue, près de son palais, et qui, dans ses derniers momens, fit étrangler son plus jeune frère, Alboin. Par ce meurtre, il voulait assurer la succession à ses bâtards, Antoine et Barthélemi, dont le premier, à peine sur le trône, fit poignarder l'autre. Jamais tant d'exemples de fratricides ne furent aussi rapprochés que dans cette chapelle; et la fable a conté moins d'horreurs des frères ennemis de Thèbes, que l'histoire n'en rapporte de ceux de Vérone.

L'arc de Gavius, tombeau de cette illustre famille, était encore, il n'y a pas trente ans, un autre précieux dé

(1) Pour utiliser l'arène, on s'est avisé depuis quelques années d'y construire un petit théâtre en plan. che, où l'on joue dans le jour des drames pour le peuple. Cette baraque, ainsi placée dans ce vaste espace, produit un effet d'autant plus pitoyable, que tandis que, sous les Romains, tout l'amphithéâtre ne pouvait contenir la foule qui s'y portait, quelques gradins d'une faible partie de la circonférence suffisent maintenant aux spectateurs de ce chétif théâtre.

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bris de l'antiquité: ses colonnes cannelées, ses élégans chapiteaux, qui jonchent la terre et que sont près d'enfouir les immondices de la Cittadella, sont une de ces ruines de la civilisation non moins nombreuses et bien plus complètes que celles de la barbarie.

Je vis dans un jardin, qui fut, diton, autrefois un cimetière, le prétendu sarcophage de l'épouse de Roméo. Cette tombe de Juliette est l'objet d'honneurs excessifs. Madame de Staël, et un antiquaire de Vérone fort instruit, la regardent comme véritable. Une grande princesse a fait monter un collier et des bracelets de la pierre rougeâtre dont elle est formée; d'illustres étrangères, de jolies femmes de la ville, portent un petit cercueil de cette même pierre. La Cappelletta, d'après une tradition populaire, mais erronée, prendrait encore son nom de la famille des Capulets; et quelques voyageurs enthousiastes en ont dernièrement dessiné l'intérieur et l'extérieur. Il est extraordinaire que le Dante, auquel le pathétique du sujet de Roméo et Juliette convenait si bien, n'ait rien dit de leur aventure, lui qui parle si vivement des Montaigus et des Capulets.

Vérone est traversée par l'Adige, dont la vue est très-belle; ce fleuve descend du Tyrol, passe à Trento, et va tomber dans la mer Adriatique, huit lieues au-dessous de Venise. Il divise la ville en deux parties inégales : la grande se nomme Vérona, la petite Véronetta; la communication est établie entre elles par quatre beaux ponts. Le plus remarquable est le ponte del Castel Vecchio, dont plusieurs marches rendent l'accès impraticable aux voitures; il ne s'ouvre qu'une fois par an pour le peuple qui se rend par-là dans la campagne. On vante beaucoup l'une de ses arches, qui a cent quarante-cinq

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