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pété de bouche en bouche: « Celui qui veut mourir, est maître de la vie d'un roi. »

Mais les crimes du tyran devaient enfin recevoir leur châtiment. Innocent iv prêcha en 1255 une croisade contre le farouche Ezzelino. Peu de temps avant deux gentilshommes tentèrent de délivrer la terre de ce monstre. Ils se nommaient Monté et Araldo, et avaient été conduits à Vérone, où Ezzelino présidait alors, pour y être mis en jugement. Nous emprunterons le récit suivant à l'historien Rollandini:

Ils arrivèrent devant le palais public, pendant qu'Ezzelino était à table; ils attirèrent son attention par leurs cris, et ils excitèrent tellement sa colère, qu'Ezzelino sortit de table, et descendit audevant d'eux, sans armes, en s'écriant: « Qu'ils viennent à la male heure, les traîtres.» Monté, dès qu'il l'aperçut, s'arrachant des mains de ses gardes, s'élança sur lui, et le renversa par terre. Tandis qu'il s'efforçait d'enlever au tyran le poignard qu'il croyait trouver sous ses habits, et qu'en même temps il lui déchirait le visage avec ses dents, un garde trancha avec son sabre la jambe droite du prisonnier; d'autres mirent en pièces son frère, qui voulait le secourir. Monté, comme insensible à cette première blessure et aux coups qu'on ne cessait de lui porter, n'abandonnait point sa proie, et faisait d'inutiles efforts pour l'étouffer. Il périt enfin, mais sur le corps du ran, qu'il avait déchiré de ses dents et de ses ongles, et qui fut long-temps à se remettre de ses blessures et de sa

terreur.

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Les efforts d'Innocent Iv contre Ezzelino ne furent pas inutiles; une armée nombreuse se rassembla sous les ordres de Philippe, légat du pape, et archevêque de Ravennes. Le tyran sut cepen

dant se maintenir sur un pied de guerre honorable. Mais, dans le cours de l'année 1259, son étoile vint à pâlir; Ezzelino fut fait prisonnier, tandis qu'il avançait lentement sur le chemin de Bergame, après avoir reçu plusieurs blessures qui mirent sa vie en danger. Lui pris, la guerre était terminée; il ne voulut point survivre à sa défaite; envain on appela des médecins pour le soigner; il refusa leurs bons offices; il se plut à rouvrir lui-même ses blessures, et il mourut enfin le onzième jour de sa captivité, à Soncino, où son corps est enseveli.

Padoue, délivrée du joug de ce tyran, dont le règne de sang avait duré trentequatre ans, reprit aussitôt une forme républicaine, qui se maintint jusqu'à l'année 1318. Les Carrara ou Carraresi eurent ensuite la principale autorité, mais ils l'exercèrent avec modération, et pour le bien public.

Cette ville passa ensuite sous la puissance des Scaligeri; revint encore aux Carrares enfin elle se soumit à

Venise en 1405.

Son aspect est en général assez triste; les rues, surtout dans la partie vieille, sont sales, irrégulières, longues, étroites, et pavées en petits cailloux. Il est vrai que de chaque côté il se trouve des portiques, beaucoup moins beaux pourtant que ceux de Bologne, mais qui procurent aux piétons l'avantage de parcourir presque toute la ville à l'abri du soleil et de la pluie. Parmi les principaux édifices de Padoue, nous signalerons d'abord le palais de l'Université. Ce monument, construit par Palladio, renferme les écoles publiques, l'Amphithéâtre d'anatomie, et le Muséum d'histoire naturelle.

Il Bo, le Boeuf (d'une ancienne enseigne), est le nom que l'on donne au

Ben de Ter de padocice, cet Temo

ed forest & Lae architemore mode et menu: h tarile est orase de gate cotta do.qe zee.et la cour est environée d'un grad por

true a deux étura.

Luziversité de Padose est des plus ande et des pizs celebres; ele ebelitat deja avant que Temperear Frissére y transportat celle de Bokare, 1222. Les professeurs étaient dans la plus grande considéra

tion, et les pobles se faisaient bonneur

d'entrer dans leur corps: méme. dans les siecles les plus barbares, on y accourait de tous les pays. Cette antique université, dont Forigine remonte au commencement du treizleme siecle, et quia compté jusqu'à dix-huit mille 600liers s'il faut en croire lechitfrede M. Delalande, n'en a plus que mille. Sous leves tibule, on voit une bonne statue en marbre, qui représente la célebre HeleneLucrece Cornaro Piscopia, morte en 1634 a trente-huit ans ; femme illustre, qui avait l'espagnol, le français, le latin, Je grec, l'hébreu, l'arabe; chantait ses vers en s'accompagnant, dissertait sur la théologie, l'astronomie, les mathé matiques, et fut reçue docteur en philosophie à l'université. Depuis quelques années, on voit au cabinet de physique une vertébre de Galilée; c'est la cinquième lombaire; elle fut dérobée par le médecin Florentin Cocchi, chargé, en 1737, de la translation des os de Galilée à l'église Sainte-Croix de Florence. Le doigt de ce savant, arraché par une fraude pareille, est exposé à la Laurentienne. Singulière destinée du corps de ce grand homme! L'envie l'emprisonna de son vivant, l'admiration le mit en pièces après sa mort. Toutefois, la vertebre de Galilée n'est point placée sans convenance à l'université de Padoue. Pendant dix-huit

aze, dy amat rempit la chaire de phiJosophie et ce fut en presence du doge ; et des prior panx de letat, qu'en 1609 alt ses premieres experiences du télescope et is pedale.

La Abbotheque de Tuniversité renferme sccxante-dix mile volumes. Parmi les portraits qui ornent ce vaste local, je remarquai celui de Pétrarque. Certes, il est la à sa place; car ce grand poite fut assurement un des plus intrépides lecteurs connus, puisqu'il mourut dans sa bibliotheque, assis, la tête courbée sur un Evre.

Le goût des sciences, des lettres et des arts fut toujours très-vif à Padoue. Des l'an 1540, il se forma une académie à laquelle tous les beaux esprits de l'Italie se firent associer. Depuis ce tempslá. on en a compté vingt autres. Mais la plus célèbre de toutes est celle des Ricovratiqui recevait des femmes, usage que Tacademie française fut plusieurs fois tentée d'imiter. Sous Louis XIV, Charpentier appuyait l'admission de mesdames Scudéry, Deshoulières et Dacier. Dans le dernier siècle, les candidats de d'Alembert furent, dit-on, mesdames Necker, d'Épinay et de Genlis ; de nos jours, la même proposition n'aurait rien d'étrange, et les talens poétiques de quelques femmes en feraient de fort dignes et fort agréables académiciennes.

La façade du Palais de Justice, édifice fort ancien, rappelle le genre d'architecture arabe du palais des doges de Venise, et, en effet, il fut construit à peu près dans le même temps, c'està-dire en 1172, par Pierre Cazzo, et achevé seulement en 1206.

Cette façade donne sur une assez belle place, appelée Piazza del erbe (place ou marché aux herbes) et place Salone (Pl. 208), entourée de portiques. Ce qu'on admire surtout dans cet antique

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édifice, c'est la grande salle, dite il Salone, qui a trois cents pieds de long sur cent de large et autant de hauteur. Son immense voûte en bois n'a pas d'autres soutiens que les murs sur lesquels elle est posée. Cependant les tremblemens de terre, qui se sont faits sentir à différentes époques à Padoue, ne l'ont point renversée ni endommagée.

Cette salle était autrefois une sorte de change ou bazar, où l'on venait acheter des articles de luxe étranger. On dit aussi qu'elle a été la grande salle du tribunal. Quoi qu'il en soit, elle est depuis long-temps dans un tel état de délabrement, qu'elle n'est plus d'aucun usage; toutefois, on la répare en ce moment pour en faire une salle de justice. Les épaisses murailles sont couvertes de peintures à fresques fort anciennes, et dont plusieurs sont de Giotto, retouchées en 1762 par Zannoni; au fond de la salle, contre le mur, à droite du siége gothique du président, se voit une inscription antique et un monument assez mesquin, élevé à la mémoire de Tite- Live, né dans Padoue.

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La pierre (Lapis vituperii), vue par Addison à l'hôtel-de-ville, et par quelle tout débiteur était délivré des poursuites de ses créanciers, lorsqu'après y avoir été assis, nu, trois fois par les sergens, la balle pleine de monde, il jurait n'avoir pas cinq francs vaillant, est aujourd'hui au salon. C'est une espèce de sellette de granit noir, qui n'est point du tout usée; il avait vingt-quatre ans que cette coutume ne s'était pratiquée lors du voyage d'Addison, en 1700. A l'intrépidité avec laquelle certains débiteurs de notre temps montrent leurs visages, on peut très-bien croire que, si la même pierre existait à Paris, ils ne

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rougiraient guère de montrer le reste, et qu'elle servirait bien davantage. De pareilles pierres existaient, au moyenâge, dans diverses villes de l'Italie, telles que Vérone, Florence, Sienne; il n'y avait de différence que dans le cérémonial. Lippo a mis dans l'enfer burlesque de son Malmantile, les dames florentines qui, pour la dépense de leur toilette, avaient conduit leurs maris sur la pierre des débiteurs. A Sienne, ces débiteurs faisaient pendant trois matins le tour de la place à l'heure où sonnait la cloche du palais; ils étaient accompagnés de sbires, et presque entièrement nus; le dernier jour, en frappant la pierre comme les débiteurs de Padoue, ils disaient les paroles suivantes exigées par la loi :

« J'ai consumé et dissipé tout mon » avoir, je paie mes créanciers de la » manière que vous voyez. » Cet usage, malgré sa bizarrerie, était au fond assez raisonnable; c'était un moyen d'échapper à ces éternels prisonniers pour dettes, embarras de notre civilisation et de notre jurisprudence; et une telle publicité, à la fois mêlée de ridicule et de honte, valait peutêtre mieux que certains de nos arrêts, pour déclarer les gens insolvables.

Les diverses églises de Padoue sont ses premiers et ses plus intéressans monumens. Le dôme, achevé dans le siècle dernier, est d'une architecture médiocre. On y voit entre autres tableaux, une Vierge du Giotto, donnée par Pétrarque, qui regardait ce morceau comme un chef-d'œuvre de l'art.

Saint Antoine de Padoue est un des plus grands saints du calendrier, et son église, il Santo, une des plus brillantes d'Italie. En effet, saint Antoine fut le thaumaturge de son siècle; il naquit a Lisbonne, l'an 1195; entra dans l'ordre de Saint-François, qui

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