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sente ses riches moissons, et ses festons de vigne suspendus autour des arbres, former comme des vases antiques garnis de pampres rougissans. Voici qu'il nous faut traverser le pont de Crevola, et nous engager dans les longues et humides galeries du Simplon, où nous cherchons en vain le soleil d'Italie. En face de nous, hélas! voici le Valais!

Et cependant cette belle route, due au génie de Napoléon, ne sera jamais assez vantée. A la vue des rochers mutilés, renversés par les poudres, et de la brèche audacieuse faite par la main du conquérant à cette haute fortification, dont la nature avait défendu l'Italie, on oublie combien les conquêtes de Bonaparte ont été onéreuses à ses contemporains, pour ne songer qu'aux bienfaits dont la postérité recueille déjà l'héritage.

D'aussi grands ouvrages ont toujours droit de nous étonner; mais ne doiventils pas surtout exciter notre admiration dans les montagnes, dans ces lieux où l'habitation de l'homme est si précaire, si dangereuse? Des avalanches de neige, des débris de rochers viennent souvent couvrir ses travaux, quelquefois l'ensevelir lui-même, et lui montrer, par de terribles catastrophes, que ce sol qu'il veut s'approprier se refuse à son empire. L'hiver enfin lui reprend ce qu'il croit avoir gagné sur les neiges et les frimas, et le chasse dans les vallées les plus basses; aussi n'habite-t-il point ces lieux comme un propriétaire, mais comme un usufruitier, qui d'un moment à l'autre peut être dépouillé de sa possession. Il n'y élève que de simples cabanes; de faibles barrières entourent ses champs; plus souvent il se contente de parcourir la montagne avec ses troupeaux, et campe plutôt qu'il n'habite dans les

le

lieux qu'il abandonnera au premier signal.

C'est à côté de ces faibles ouvrages, qu'un instant peut détruire, que l'on a construit une route capable de résister à la fureur des orages et à la durée des temps; elle semble se jouer des obstacles; elle traverse les montagnes, comble les précipices, se replie sur elle-même en mille détours prodigieux, et conduit avec bonheur au terme de sa route le voyageur étonné de la puissance que l'homme a su prendre sur la nature.

Le pont de Crevola ( Pl. 289), jeté d'une montagne à l'autre, et fermant la vallée du Domo, est le premier des travaux du Simplon. Bientôt on aperçoit un énorme rocher qui s'avance jusque dans le lit du torrent de la Doveria; une galerie traverse ce rocher en ligne droite. On monte ensuite le long de la Doveria, et au milieu de rochers nus et escarpés, jusqu'à la gracieuse contrée de Dovedro. Les montagnes écartées à l'ouest forment un amphithéâtre couvert de hameaux, de vignes, de châtaigniers, et offrent un mélange délicieux de belles verdures et de jolies habitations. Mais bientôt la scène change. D'énormés rochers s'élèvent à pic, et leurs sommets, minés par les eaux, suspendus sur la tête du voyageur, menacent de l'écraser. Leurs débris, épars çà et là, annoncent le danger qu'il y a de passer si près de leur base. Pour obvier autant que possible à ce péril, on a établi sur les bords de la route un massif de murailles, non moins remarquable par sa solidité que par son étendue.

Une nouvelle galerie est percée dans un rocher, dont la partie saillante repose sur une colonne. La couleur rembrunie de cette masse gigantesque contraste si bien avec l'azur des cieux,

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