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chives des notaires de la ville, que le père de Colomb exerçait à Savone le métier d'ouvrier en laine, et qu'il y possé lait une maison et une boutique vers l'année 1450.

Savone (Pl. 270) est un port de mer assez commerçant, mais qui n'offre rien de curieux aux voyageurs, si ce n'est peut-être son histoire. On croit qu'elle tire son origine des Gaulois Sénonais, ou des Gaulois Boïens. Il paraît, par une épître de Cicéron, que Marc-Antoine s'y réfugia après la bataille de Modène. L'empereur Pertinax était né dans cette ville, et il acheta des terres aux environs. Savone a été d'autant plus exposée dans les guerres qu'elle eut à soutenir, qu'elle avait un port commode, et qu'elle donnait entrée dans le Piémont et dans le Mont-Ferrat. Elle fut souvent le siége principal, tantôt des Gibelins, tantôt des Guelfes, servant de refuge à ceux qui avaient le dessous à Gênes; mais elle porte encore dans ses armes l'aigle des Gibelins. En 1317, il sortit du port de Savone soixante galères pour le parti de ces derniers. Savone était alors maîtresse de la mer. Le Podestà y tenait une cour brillante; il avait plus de cent personnes dans sa maison. Comme on le voit par le statut de 1325, c'est à Savone que se réunirent en 1507, Louis x et Ferdinand le catholique, pour couronner le roi de Navarre, et Louis xu y accorda le droit de naturalisation en France à tous les habitans.

Pour bien juger de l'aspect de Savone, il faut monter au fort bâti sur un rocher au bord de la mer; delà on aperçoit les tourelles de la cathé drale, la tour du petit port, le palais de Jules i, et l'évêché de la ville. La cathédrale est remarquable par la richesse de ses autels; de Lalande raP.

conte qu'il y vit dans une riche chapelle une image miraculeuse de la Vierge; cette image était peinte sur une colonne de la vieille église de SaintFrançois, que l'on devait démolir; et comme on était embarrassé par le respect que l'on avait pour cette image, elle se détacha d'elle-même, et descendit à terre le 14 mars 1601; on prétend aussi qu'elle ne fut point endommagée par l'explosion de 1648, qui fit cependant une ouverture à la coupole, brisa le piédestal qui supportait l'image, et même le tableau en bois qui la couvrait. Cette image a quatre pieds de haut sur deux de large.

On sait que le pape Pie vII, dans ses malheureuses relations avec la France, s'arrêta quelque temps en fugitif à Savone. L'appartement occupé par ce pontife à l'évêché a été religieusement conservé tel qu'il l'avait habité. Je l'avoue, je fus moins frappé en contemplant la colossale chaire en bronze de Saint-Pierre, suspendue au fond de la brillante basilique; je fus moins touché à l'aspect du trône pontifical, entouré de génuflexions, de l'encens et de toutes les pompes de la chapelle Sixtine, qu'à la vue de ce siége de l'apôtre, de ce trône errant et persécuté, alors que l'on vit bien plus qu'au temps qu'au temps du Dante:

Nel vicario suo Cristo essere catto.

Le Christ être captif dans son vicaire.

Au sortir de Savone, et en continuant notre route vers Nice, nous nous arrêterons à Noli. Cette petite ville (Pl. 270), pittoresque par ses tours et sa position, se maintint en république depuis le douzième siècle jusqu'à la réunion de la Ligurie à la France en 1805; et, quoique sous la protection

de Gènes, elle avait conservé son indépendance et son antique constitution. Son commerce consiste presque exclusivement en produits de pêche.

Il est impossible de ne pas remarquer à chaque pas, sur la route que nous parcourons en ce moment, les travaux gigantesques commencés par les Français; ils rappellent ceux des plus beaux temps de l'empire romain. Tantôt ce sont des ponts qu'il a fallu élever à une grande hauteur au-dessus de la mer; tantôt ce sont des parapets dont les murs ont leurs fondations dans la mer même; tantôt ce sont des rochers immenses qu'il a fallu couper en deux pour faire passer la route dans leur intersection; partout enfin on a dû vaincre la nature par des travaux gigantesques. Mais les Français n'ayant pas eu le temps de les achever, le roi de Sardaigne les fait maintenant poursuivre, et je suis passé au milieu des débris de rochers qu'on avait fait sauter la veille, et auprès d'autres que l'on minait pour leur faire éprouver le leur faire éprouver le même sort. Les travaux actuels s'exécutent, non aux frais de l'état, mais seulement des villes que la route traverse, et qui y gagnent infiniment, puisqu'une foule de voyageurs, obligés autrefois d'aller en Italie par mer ou par les Alpes, se dirigent maintenant par cette côte enchanteresse, appelée Corniche, et aussi rivière de Gênes. L'ouvrage le plus remarquable des Français, aux environs de Finale, est une montagne percée, dont la galerie a au moins deux cents pieds de profondeur; ce qui rend ce travail plus étonnant encore, c'est qu'au lieu d'être de tuf ou de pierre tendre, cette montagne est de marbre, et est creusée et taillée en voûte parfaite

ment cintrée(1). A la vue de ces travaux magnifiques, j'éprouvai, je l'avoue, une satisfaction et une fierté bien naturelles.

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Traversant rapidement Finale, dont toutes les maisons sont couvertes en dalles bleues, laissons Albenga aux rucs étroites, et San-Remo, où la famille Bresea jouit encore du privilége qui lui fut accordé par SixteQuint, de fournir de palmes toutes les églises de Rome le jour des Rameaux. Bresea était ce spectateur qui, lors de l'érection de l'obélisque de SaintPierre à Rome, sous le pontificat de Sixte - Quint, oubliant l'arrêt qui punissait de mort celui qui proférerait un cri pendant la durée du travail, s'aperçut que les cordages de l'obélisque allaient se rompre, et avertit l'architecte Fontana de les faire mouiller. Pour prix de ce service, qui l'exposait à la mort, Bresea eut une pension considérable et la fourniture héréditaire des palmes de Rome. Depuis les fêtes de Pâques de l'année 1587, un navire est parti constamment avec sa sainte cargai son; la Providence elle-même a semblé prendre soin de la bénir d'avance, car de ces deux cent cinquante navires, pas un seul n'a fait naufrage.

Voici Villa-Franca (Pl. 271), autrefois Port Hercule, dont le port n'est séparé de celui de Nice que par une montagne au sommet de laquelle s'élève le fort de Mont-Alban. La rade de Ville-Franche, destinée à recevoir les navires de guerre du roi de Sardaigne, est une des plus belles de l'Europe; elle possède de beaux ma

(1) Une semblable galerie a été taillée dans le roc vif près de Chambéry, au passage des Échelles. Tout le monde parle de la fameuse grotte de Pausipippe, taillée dans le tuf tendre, et il semble que l'on remarque à peine des ouvrages bien plus importans exécutés par les Français, au milieu des guerres et des révolutions. (Note de l'Éditeur.)

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