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çades des bâtimens étaient décorées de peintures à fresques; on n'en voit plus que des fragmens. Au reste, les maisons génoises ne paraissent disposées que pour y dormir et non pour y passer la journée. Les habitans se tiennent sur les portes de leurs boutiques, ou rangés le long de l'étroit chemin, dans de petites échoppes. La plupart sont tout simplement dans la rue, à côté de leurs paniers de fruits, de fleurs ou de macaroni; ils filent, tricotent, chantent ou bâillent : ils dinent même, et soupent au dehors; peu d'entre eux, excepté les plus riches marchands, rentrent dans les chambres obscures qui sont derrière leurs boutiques, pour prendre des repas réguliers on les voit manger au grand air leur minestra, leur saucisson cru, leur jambon ou leur fromage, et consommer toutes sortes de végétaux, comme des gens qui sont assez peu raffinés pour croire que l'on ne mange que pour satisfaire au besoin.

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Trois rues (qui n'en font pour ainsi dire qu'une, depuis la porte Saint-Thomasjusqu'à celle dell'Acqua-Sola), se distinguent par leur largeur et leur beauté. Ces trois rues servent de promenades; elles ont des espèces de trottoirs en dalles la première s'appelle strada Balbi; la deuxième, strada Novissima; et la troisième, strada Nuova. Dupaty, dans ses Lettres sur l'Italie, regarde cette dernière comme la plus belle du monde entier, sans doute à cause de la grande quantité de ses palais. Toutes ces rues et les autres sont généralement pavées en larges dalles, comme celles de Florence et de Naples. On prétend que ces dalles se faisaient autrefois avec des laves du Vésuve, que l'on prenait aussi pour servir de lest aux bâservir de lest aux bâtimens. Enfin les rues de Gênes sont toujours d'une propreté extrême, au

moyen de nombreux égouts qui ont leurs débouchés dans la mer.

Le palais Ducal (Pl. 261), anciennement la résidence des doges de la république, sert aujourd'hui de local aux séances du sénat royal de Gênes, et d'habitation au gouverneur de la ville. Ce palais, vraiment royal, est un des plus vastes de la cité. On regrette seulement que l'espèce de caserne qui masque cet édifice ne soit pas analogue au reste. En 1684, le palais Ducal fut incendié par l'explosion d'une bombe: on le reconstruisit en peu de temps; mais, par un hasard malheureux, les flammes le dévorèrent de nouveau le 3 novembre 1777. C'est au Génois Simon Cantoni qu'on doit l'architecture élégante du palais actuel dont la façade est entièrement en beau marbre blanc. Il n'est plus comme autrefois la résidence et la prison des doges pendant la durée de leur charge. Je dis prison, car on sait que ces magistrats, une fois élus, ne pouvaient plus quitter leurs palais, même pour aller à l'église ils s'y rendaient par une galerie couverte. Le doge n'était dans le fait qu'un mannequin, un organe passif, un point de réunion. Il était élu (dit Machiavel) pour être le chef qui proposait les objets sur lesquels le conseil devait délibérer. Pasta di doggia, pâte de doge, est une expression passée en proverbe, pour désigner des hommes dont le caractère se compose des élémens les plus doux, et des qualités les plus malléables.

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Au midi du palais Ducal on trouve la cava, où sont les ruines des maisons que détruisit le bombardement de 1684. On y a fait une batterie qui en rend l'approche difficile. Aussi, quand l'amiral anglais Matheus vint pour bombarder la ville dans la guerre de 1745, les Génois allaient tranquille

ment se promener près de là, sur les Muragliette, dont nous avons représenté (Pl. 262) le quai et le port. Les Génois jouissoient de la sorte du spectacledes bombes, qui ne servaient qu'à faire'voir par leur lumière les vaisseaux de l'escadre anglaise que l'on canonnait.

Il existe dans Gênes, à une distance assez considérable des Muragliettes, un palais qui inspire un intérêt particulier. Quoiqu'on puisse le regarder (dit lady Morgan) comme le tombeau plutôt que comme le berceau de la grandeur génoise, quoiqu'il rappelle les derniers soupirs de sa gloire et de sa liberté, et non sa première prospérité, il doit attirer l'attention de l'étranger aussi long-temps qu'un seul fragment de ses colonnes de marbre restera debout, ou que le nom d'André Doria vivra dans les annales du patriotisme génois. Cet ancien et bel édifice aujourd'hui ruiné, élevé jadis par celui qui délivra Gênes de l'esclavage, es! bâti sur le bord de la mer, à l'entrée de la ville, situation

bien convenable à la demeure de l'amiral patriote; et ses portiques, ses colonnades dominent ce port, où le jeune Colomb lança, pour la première fois, sa barque aventureuse, et commença ses périlleux voyages, qui ouvrirent le themin du Nouveau-Monde à l'activité et à la cupidité des humains. (Voy. les pl. 263, 264.)

Dans la cour de cette immense fabrique s'élève la statue colossale d'André Doria, sous les traits de Neptune. Elle est en marbre de Carrare, ainsi que les chevaux marins qui l'accompagnent; mais, aujourd'hui, la statue est défigurée, et le lichen cache de sa verdure grisâtre les trophées sculptés de l'ancien maître de ces lieux.

Le mausolée de Roedan, le chien donné par Charles Quint à André Doria, est à peu près enfoui. Il avait

été mis au pied de la statue colossale de Jupiter, afin que le grand Roedan, comme le dit sa bizarre épitaphe, ne cessât point, même après sa mort, de garder un prince. Doria revint toujours triomphant dans sa patrie, et son chien, si magnifiquement enterré, ne peut avoir le mérite de celui d'Ulysse, qu'un poëte français, malgré l'étiquette de notre scène, a su peindre heureusement en quatre mots :

Ai-je encor des amis.

Un seul m'était resté, non parmi les humains. Ulysse, tragédie de M. LEBRUN.

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Le palais Doria appartient toujours aux princes de ce nom, qui résident à Rome, et qui souffrent à tort que cette demeure patrimoniale se dégrade et tombe en ruine. Au reste, en montant sur la terrasse du palais, qu'entourent des balustres de marbre blanc, on est bien dédommagé du spectacle de désolation offert par la demeure du premier des Doria. Du haut de la terrasse, la vue domine le port et la rade de Gênes ce coup d'œil est incomparable. A gauche, voici l'arsenal de mer, qui prolonge jusque dans la mer ses vastes bâtimens. Au fond de cet arsenal se trouve le bagne, contenant environ sept cents forçats, dont les fers, par une amère dérision, portent gravé le mot libertas. Plus loin, on peut apercevoir le port Royal, le port Franc, où se balancent les mâts de nombreux vaisseaux marchands, et qui est composé de huit beaux magasins, portant chacun le nom d'un saint. Ces magasins sont tellement isolés du reste de la cité, au moyen de hautes murailles, qu'ils ressemblent à une petite ville. La vue, de ce côté, est bornée par l'ancien mole, qui se prolonge fort avant dans la mer; mais, en reportant nos yeux du côté de la ville, nous accorde

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