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dre au cap Tenlada. La troisième, qui n'est qu'une continuation de la seconde, est celle de la Nurra, qui occupe le nord de la Sardaigne occidentale. Les deux autres, qui s'élèvent en quelques endroits à une hauteur de sept cents mètres, sont les monts d'Ales et ceux de Santa-Lussurgia, qui vont se perdre dans la mer de Corse. La Sardaigne renferme cependant aussi d'assez grandes plaines, dont la plus considérable, connue sous le nom de Campidano, et commençant près de Cagliari, est renommée pour son étendue et sa fertilité.

Les habitans comptent quatre fleuves, dont le Tirse est à peu près le seul digne de ce nom: il partage l'île en deux portions presque égales, et va se jeter dans le golfe d'Oristano. Il paraîtrait, d'après quelques observations savantes, que la Sardaigne possède soixante-dix volcans éteints. Suivant un relevé de quelques pièces extraites des archives des autorités civiles de l'île, la population a éprouvé epuis un demi-siècle deux mouvemens opposés. Le premier, qui date de la mort du roi Charles- Emmanuel, en 1775, et finit en 1816, a été rétrograde. Le second mouvement, qui s'est opéré à partir de cette époque, et depuis que de nouvelles communications se sont établies au dehors, a été progressif. On compte aujourd'hui en Sardaigne quatre cent quatre-vingtdix mille habitans.

L'espèce humaine ne semble point avoir échappé dans cette île à la loi de rapetissement qui pèse ici sur tous les êtres animés. Mais la stature médiocre des Sardes est compensée par la beauté des formes et par une grande vigueur musculaire. Doué d'une rare activité d'esprit, ce peuple montre beaucoup de goût et d'aptitude pour les lettres et

pour la poésie. Il est naturellement hospitalier, et laborieux par boutades. La chasse, la danse et les plaisirs de la table sont vivement goûtés par lui. Curieux du luxe dans les vêtemens, il ne sait point thésauriser. La paix des ménages est rarement troublée, et l'union dans les familles a quelque chose de patriarcal. Les vengeances si communes en Sardaigne sont les causes ordinaires des meurtres qui s'y com

mettent.

On remarque avec curiosité l'importance que les Sardes, dans leurs divertissemens, attachent à la manière dont les danseurs donnent la main aux danseuses. Les femmes mariées, ou engagées par promesse de mariage, peuvent placer leurs mains paumes contre paumes, et entrelacer leurs doigts; mais malheur à l'homme qui agirait ainsi avec une fille qu'il ne serait point disposé à épouser, ou avec la femme d'autrui. J'ai encore observé avec intérêt l'usage fraternel de la ponidura ou paradura, véritable quête de bétail, que tout berger qui a éprouvé des pertes, et qui veut remonter son troupeau, est autorisé à faire dans le canton et même dans les cantons voisins.

Quant à l'extérieur des habitans, dont le costume a été représenté avec exactitude dans les planches 254 à 257 on dirait que La Bruyère avait été en Sardaigne lorsqu'il dit: << On voit certains animaux farouches, mâles et femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tous brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible, ils ont comme une voix articulée, et quant ils se lèvent sur leurs pieds ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes; ils se retirent la nuit dans des

tanières, où ils vivent de pain noir,

d'eau et de racines. Ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et mériteraient ainsi de ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé. »

Il y a divers dialectes en Sardaigne: le catalan, le génois et le patois corse. La langue sarde est d'ailleurs mélangée d'arabe, de grec et d'espagnol. Une particularité de cette langue est de n'avoir pas de futur, ce qui a fait dire que les Sardes ne s'occupaient point de l'avenir.

Parmi les villes principales de la Sar 'aigne, nous avons déjà cité Cagliari, chef-lieu de la partie méridionale de l'île. On a donné (Pl. 254) une vue de cette ville, qui se divise en quatre parties, savoir : 1° le château, qui peut être considéré comme la ville propre ou la cité, et qui contient le palais des vice-rois, les habitations des magistrats et de la noblesse, l'église cathédrale, bâtie sur les fondations d'un temple édifié par Constantin; 2o le faubourg de la Marina; 3° celui de la Stampace; 4° celui de Villanova. Lorsque la ville de Cagliari passa sous la domination de la maison de Savoie, sa population n'était que de 15,000 âmes : elle en compte aujourd'hui

22,000 au moins.

Après Cagliari, la ville de Sassari, chef-lieu de la partie septentrionale, est la seconde cité du royaume. On y trouve des eaux vives qui manquent absolument à Cagliari, où l'on n'a pour boire que de l'eau de citerne. La population de Sassari est d'environ 18 à 19,000 âmes. La Sardaigne possède encore quelques autres belles villes, parmi lesquelles nous nous bornerons à citer Oristano, archevêché, ville dont la population est de 5 à 6,000 âmes.

La Sardaigne fournit au commerce

une grande quantité de fromages, dont les lazzaroni de Naples assaisonnent leur macaroni, grâce au sel qui domine dans ces fromages. Le froment de l'ile a aussi une répulation méritée. Le corail des côtes de la Sardaigne est le plus beau qu'on connaisse, et les thons, qu'on pêche dans les parages de l'île, s'élèvent quelquefois à plus de cent mille par an, ce qui serait pour l'état sarde un revenu annuel d'environ deux millions de francs. Lorsqu'on a pris le thon, on le conduit dans de grandes hâles au bord de la mer, par le moyen de barques. Ces hâles se nomment en langue sarde marfaraghi. Là on coupe la tête des poissons, ensuite chacun d'eux, si gros qu'il soit, est chargé sur les épaules d'un portefaix, nommé bastagio, lequel le porte ainsi au grand magasin ou boucherie, nommé tancato. Or, il est permis au portefaix, pendant l'espace d'environ cent pas, entre le marfaraghi et le tancato, d'escamoter le poisson ou, pour mieux dire, de le voler. La seule peine que subit le voleur, s'il est pris, est de rendre le thon dérobé, car, s'il est déjà déposé dans la barraque du voleur, l'enlèvement est légitime. On a appelé cette coutume busca, qui en sarde veut dire adresse.

Les impôts directs de Sardaigne sont évalués à un produit de neuf cent mille francs. L'ile a deux universités, établies à Cagliari et à Sassari. Elle possède une autre institution non moins utile, celle qui est destinée à soutenir l'agriculture, sous le nom de société agraire et économique.

La force des milices de la Sardaigne, cavalerie et infanterie, est au minimum de seize mille hommes; mais, dans un cas d'invasion de l'île, on pourrait porter la force militaire à 60,000 miliciens à pied, et 12,000 à cheval. Cette

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