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célèbrechambrede cet artiste, àl'ancien couvent de Saint-Paul. Les peintures de cette chambre avaient été commandées au Corrège par l'abbesse Jeanne, fille de Marco di Piacenza, noble parmesan, lorsque le monastère n'était point encore soumis à la clôture. Sur la cheminée, une fresque représente Diane dans les nuages sur un char d'or, tiré par deux biches blanches. Longtemps ces peintures profanes ont été couvertes et oubliées.

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Le peintre qui a le plus honoré l'école après le Corrège, est son contemporain Francesco Mazzuola, plus connu sous le nom du Parmigiano. La grâce fait aussi le charme de ses tableaux mais il doit plus à l'étude de Raphaël qu'à l'imitation du Corrège. On montre dans la belle église de la Steccata le célèbre Moïse brisant les tables de la loi, peint en clair-obscur, et l'Adam et Eve du Parmesan. Ce grand et bizarre artiste n'avait point achevé l'Adam, qui toutefois lui avait été payé, que, possédé de la passion de l'alchimie, il abandonna les travaux de cette voûte pour se livrer à ses vaines recherches: mis en prison, d'après les rudes manières alors en usage envers les artistes, il parvint à s'évader, et mourut peu de temps après, errant, caché, solitaire, à 37 ans, comme Raphaël, dont il avait fidèle- ment suivi les traces.

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brillante colonie romaine. On voit, par l'exemple de Parme et par bien d'autres exemples, combien plus la ville moderne devenait considérable, plus la cité antique était détruite et disparaissait. Rome même n'a dù le salut de son immortel Forum qu'à l'extension de la Rome nouvelle dans le vaste espace du champ de mars (Valery). Une grande rue partage la ville en deux parties, et traverse la Piazza Maggiore (Pl. 248 ).

La cathédrale et le baptistaire de Parme sont au premier rang des monumens gothiques de l'Italie; mais, avec le marbre qui les décore, on y voit aussi l'empreinte du goût italien : préoccupé par la vue des débris de l'antiquité, il n'a point cette ignorance hardie, source des beautés singulières et du grandiose bizarre des édifices gothiques du nord.

Un riche cenotaphe est élevé à Pétrarque dans la chapelle de SainteAgathe; il était archidiacre et chanoine de la cathédrale de Parme, comme il était chanoine de Lombez et de Padoue. Ces dignités ecclésiastiques contrastent singulièrement avec la réputation poétique de l'amant de la belle Laura. A côté du monument qui lui est consacré, une simple pierre indique la place où est enterré Augustin Carrache, mort souffrant, malheureux, à l'âge de 43 ans, et retiré au couvent des Capucins.

Florence s'enorgueillit avec raison d'avoir donné le jour à Pétrarque ; Vaucluse d'avoir entendu les vers qu'il offrait à sa bien-aimée, le Capitole d'avoir vu poser sur la tête du poëte un immortel laurier; Arquà d'avoir contribué à la paix qui fit le charme de ses dernières années. Parme à son tour se glorifie de l'avoir long-temps possédé dans ses murs. Les maisons

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de Pétrarque sont communes en Itale; on les montre encore avec curiosité à Arezzo, Pavie, Linterno, Arquà. Une tradition, qui paraît fondée, indique comme le lieu de sa maison et de son jardin à Parme l'emplacement de la maison Bergonzi, près l'église SaintÉtienne. J'ai une maison de campagne au milieu de la ville, écrit-il à Barbata de Sulmone, et une ville au milieu des champs. Quand je suis ennuyé d'être seul, je n'ai qu'à sortir, je trouve d'abord de la société; quand je suis las du monde, je rentre dans ma maison, et j'y retrouve la solitude. Je jouis ici d'un repos que les philosophes à Athènes, les poëtes sur

le Parnasse, les anachorètes au milieu des sables de l'Égypte, et dans le silence de leur ermitage, n'ont pas connu. O fortune, je t'en supplie! laisse en paix un homme qui se cache ! passe loin de son modeste seuil, et va effrayer de ta présence la porte superbe des rois. » Pétrarque avait composé à Parme la plus grande partie de son Africa, poëme long, ennuyeux, dit Valery, et qui enchantait toutefois le roi Robert. Pétrarque loue véritablement un peu trop ce prince, malgré ses bonnes qualités et le privilége classique de la flatterie accordé depuis long-temps aux peintres et aux poëtes, pictoribus, atque poetis.

REGGIO, MODÈNE.

En sortant de Parme, la route traverse les fermes si riches de SaintIlarion, puis la petite ville de Lenza, d'où l'on sort en passant le Crostolo, sur un pont qui conduit à Reggio. Cette cité, dont le nom a fréquemment exercé les recherches des antiquaires, fut autrefois le théâtre de la mort de Brutus l'ancien, tué par ordre de Pompée, contre lequel il s'était révolté. La cathédrale de Reggio mérite d'être citée à cause de ses excellens tableaux; mais une des plus grandes gloires de Reggio se rattache à la naissance d'un poëte illustre, dont le nom est plus durable que les monumens les plus solides. Un gentilhomme de Ferrare, au service du duc Hercule d'Est, devint amoureux d'une jeune et belle fille de Reggio; il l'épousa, et le premier fruit de leur mariage fut Lodovico Ariosto. C'est à Reggio L.

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que

subirent alors les assiégés, si ce n'est la famine de Pérouse. Nous ne suivrons pas les différentes vicissitudes que Modène éprouva depuis cette époque. Comme tous les autres petits états de l'Italie, elle changea souvent de maîtres; en 1797, les Français s'en emparèrent; mais le congrès de 1815 rétablit ce duché, et le remit entre les mains de François IV, fils de l'archiduc Ferdinand d'Autriche.

J'arrivai à Modène vers midi : c'était le dimanche; il faisait beau, et les dames se promenaient le long de la grande rue jusqu'à une belle esplanade entourée d'arbres, qui se trouve à la porte de Bologne. La plupart des ha bitans étaient en noir : les bourgeoises portaient le zendado, sorte de voile que la coquetterie laisse entr'ouvert quand la figure est jolie : les paysannes étaient coiffées d'une manière. fort élégante, avec des voiles de mousseline.

Je traversai les rues de Modène bordées de portiques étroits, et j'arrivai à la grande place. Là s'élève une vieille tour carrée en marbre. Ce campanile renferme un misérable seau qui n'était qu'un ignoble trophée des succès passagers qu'obtinrent les partis dans les dissensions civiles, mais que les muses ont consacré à la postérité par les talens du Tassoni. Après avoir franchi plusieurs étages, on arrive au faîte de l'édifice, et à la lueur d'un flambeau on voit le seau qui est doublé de trois cercles en fer. C'est, dit-on, celui que les Géminiens enlevèrent aux Pétroniens pendant les guerres désastreuses suscitées entre les Guelfes et les Gibelins. Les Bolonais, en 1325, attaquèrent les Modenais, ceux-ci furent vainqueurs; et poursuivirent les Bolonais jusque dans leur ville, d'où, selon l'usage,

ils emportérent en trophée la chaîne de fer de la porte, et le seau d'un puits qui était probablement celui de la commune. Tel est le sujet du poëme que Tassoni a intitulé; la Secchia Rapita. Il fallait que Boileau fût de bien mauvaise humeur lorsqu'il dit :

N'imitez pas ce fou...

Qui par les traits hardis d'un bizarre pinceau
Mit l'Italie en feu pour la perte d'un seau.

L'auteur de l'Art Poétique aurait dù réfléchir qu'un seau peut être le sujet d'un poëme héroï-comique, aussi bien qu'un lutrin. Dans tous les cas, pourquoi Boileau a-t-il imité celui auquel il donne le titre de fou?

M. Valery se récrie à bon droit contre l'injustice des jugemens de Voltaire sur le poëme de Tassoni. On a peine à croire qu'un homme d'esprit ait pu déclarer que la Secchia était un ouvrage sans imagination, sans variété et sans grâce, tandis qu'elles y brillent dans une multitude de passages, et y suppléent même à l'invention et à l'intérêt. Voltaire dans son poëme, qu'il est si difficile de nommer, a fait quelques emprunts licencieux à la Secchia peut-être eut-il la petites se de la déprécier, afin de dissimuler ses larcins. Mais si le mérite poetique de la Secchia est incontestable et supérien, on sent dans l'âme du poëte une sorte d'infériorité et de décadence. Ce poëte de cour, logé au palais du duc François i, pensionné par lui et son conseiller, parle avec moquerie des vieilles mœurs et de l'ancienne liberté de sa patrie. Ces guerres si nationales, si fréquentes, si acharnées entre Modène et Bologne, ne lui inspiraient que des vers burlesques; au lieu de son éternel et imbécille Potta, bailli moderne, qui se montre toujours pour ne rien faire, espèce de person

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