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Carles de Secondat, (varon) de la Brède et de

MONTESQUIEU

PAR

ALBERT SOREL

DEUXIÈME ÉDITION

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie

79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

1889

Droits de traduction et de reproduction réservés.

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MONTESQUIEU

CHAPITRE PREMIER

CARACTÈRE DE MONTESQUIEU

Les Lettres persanes parurent en 1721. Ce livre fit un éclat merveilleux. Jamais écrivain n'a mieux répondu à l'état d'une société, n'en a dévoilé le secret d'une main plus légère, n'en a débrouillé d'une plume plus alerte les vœux encore cachés et les pensées encore confuses. L'auteur sentait se dissoudre autour de lui des institutions sociales vieilles de plusieurs siècles : les croyances, les coutumes et les mœurs, qui avaient formé et soutenu la monarchie, se ruinaient en France. Il voulut analyser ce mal et tenta d'y remédier; il ne s'aperçut point qu'en le décrivant comme il faisait, il le propageait dans les esprits, et que son ouvrage offrait le plus grave symptôme de la crise qu'il croyait pouvoir conjurer. Ce n'était point un avertissement et un appel à la réforme, c'était le signal d'une révolution dont l'instinct couvait dans toutes les âmes et dont les causes

se manifestaient par tous les événements. Les Lettres persanes contiennent, en germe, l'Esprit des lois. L'homme qui avait composé ces lettres avait trente-deux ans lorsqu'il les publia. Sa naissance, son éducation, le développement primitif de sa pensée le rattachent au XVIIe siècle. Personne ne fait mieux comprendre, par sa vie et par ses écrits, comment une révolution démocratique sortit, à l'insu même de ceux qui la préparèrent, de ce règne de Louis XIV, qui semblait avoir fixé en France sur des bases indestructibles l'institution de la monarchie. Cherchons donc ce qu'était Montesquieu à l'époque où il composa son premier ouvrage, et essayons de définir le caractère de son génie, avant de voir comment ce génie se révéla.

La famille de Montesquieu était de bonne noblesse, d'épée et de robe. Elle avait adopté la Réforme, en son temps, et l'avait abjurée avec Henri IV. Jacques de Secondat, second fils du baron de Montesquieu, président à mortier au parlement de Guyenne, épousa, en 1686, Françoise de Penel, qui lui apporta la terre et le château de La Brède, auprès de Bordeaux. C'est là que de leur union naquit, le 18 janvier 1689, Charles-Louis, le futur auteur de l'Esprit des lois. Son père avait de l'austérité aristocratique à la Vauban et à la Catinat; sa mère était pieuse; l'un et l'autre étaient de ces nobles qui se font peuple et populaires, à la fois par devoir de leur rang et par sentiment chrétien. Dans l'instant que CharlesLouis naissait, un mendiant se présenta au château;

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