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Fussent touchés de voir cette pesante masse ;
Comme si d'occuper ou plus ou moins de place
Nous rendait, disait-il, plus ou moins importans.
Mais qu'admirez vous tant en lui, vous autres hommes?
Serait-ce ce grand corps qui fait peur aux enfans?

Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes:
D'un grain moins que les éléphans.

Il en aurait dit davantage ;
Mais le chat sortant de sa cage,
Lui fit voir en moins d'un instant
Qu'un rat n'est pas un éléphant.

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Celui-ci sur son concurrent

Voulait emporter l'avantage;

Prétendait que tout homme sage

Etait tenu de l'honorer.

C'était tout homme sot: car pourquoi révérer
Des biens dépourvus de mérite?

La raison m'en semble petite.
Mon ami, disait-il souvent

Au savant,

Vous vous croyez considérable :

Mais, dites-moi, tenez-vous table?

Que sert à vos parcils de lire incessamment ?

Ils sont toujours logés à la troisième chambre,

Wêtus au mois de juin comme au mois de décembre,
Ayant pour tout laquais leur ombre seulement.
La république a bien affaire

Des gens qui ne dépensent rien !

Je ne sais d'homme nécessaire

Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.
Nous en usons, dieu sait! notre plaisir occupe
L'artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe,
Et celle qui la porte, et vous, qui dédiez
A messieurs les gens de finance
De méchans livres bien payés.
Ces mots remplis d'impertinence
Eurent le sort qu'ils méritaient.

L'homme lettré se tut: il avait trop à dire.

La guerre

le vengea bien mieux qu'une satire : Mars détruisit le lieu que nos gens habitaient :

L'un et l'autre quitta sa ville.

L'ignorant resta sans asile;

Il reçut partout des mépris : L'autre reçut partout quelque faveur nouvelle. Cela décida leur querelle.

Laissez dire les sots: le savoir a son prix.

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Tout fuyait devant lui; l'horreur suivait ses pas; Il faisait trembler les campagnes;

Nul voyageur n'osait passer

Une barrière si puissante :

Un seul vit des voleurs; et, se sentant presser,
Il mit entre eux et lui cette onde menaçante.
Ce n'était que menace et bruit sans profondeur :
Notre homme enfin n'eut que la peur.
Ce succès lui donnant courage,

Et les mêmes voleurs le poursuivant toujours,
Il rencontra sur son passage

Une rivière dont le cours,

Image d'un sommeil doux, paisible et tranquille,
Lui fit croire d'abord ce trajet fort facile;
Point de bords escarpés, un sable pur et net.
Il entre, et son cheval le met

A couvert des voleurs, mais non de l'onde noire :
Tous deux au Styx allèrent boire;
Tous deux à nager malheureux

Allèrent traverser, au séjour ténébreux,

Bien d'autres fleuves que les nôtres.

Les gens sans bruit sont dangereux :
Il n'en est pas ainsi des autres.

LVII.

Le Loup et le Chasseur.

Fureur d'accumuler, monstre de qui les yeux

Regardent comme un point tous les bienfaits des dieux,
Te combattrai-je en vain sans cesse en cet ouvrage!
Quel temps demandes-tu pour suivre mes leçons?
L'homme, sourd à ma voix, comme à celle du sage,
Ne dira-t-il jamais c'est assez, jouissons?
Hâte-toi, mon ami : tu n'as pas tant à vivre.

Je te rabats ce mot; car il vaut tout un livre :

Jouis. Je le ferai. Mais quand done? - Dès demain.

Eh! mon ami, la mort te peut prendre en chemin;

Jouis dès aujourd'hui : redoute un sort semblable
A celui du chasseur et du loup de ma fable.

Le premier de son arc avait mis bas un daim.
Un faon de hiche passe, et le voilà soudain
Compagnon du défunt; tous deux gisent sur l'herbe.
La proie était honnête, un daim avec un faon;
Tout modeste chasseur en eut été content :
Cependant un sanglier, monstre énorme et superbe,
Tente encor notre archer, friand de tels morceaux.
Autre habitant du Styx : la Parque et ses ciseaux
Avec peine y mordaient; la déesse infernale
Reprit à plusieurs fois l'heure au monstre fatale,

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