Page images
PDF
EPUB

XXVII.

La Femme noyée.

Je ne suis pas de ceux qui disent: Ce n'est rien;
C'est une femme qui se noie.

Je dis que c'est beaucoup et ce sexe vaut bien
Que nous le regrettions, puisqu'il fait notre joie.

Ce que j'avance ici n'est point hors de propos,
Puisqu'il s'agit, en cette fable,
D'une femme qui dans les flots

[graphic][merged small][merged small]

Avait fini ses jours par un sort déplorable.

Son époux en cherchait le corps
Pour lui rendre, en cette aventure,

3

Les honneurs de la sépulture.
Il arriva que sur les bords

Du fleuve auteur de sa disgrâce

Des gens se promenaient ignorant l'accident.
Ce mari donc leur demandant

S'ils n'avaient de sa femme aperçu nulle trace:
Nulle, reprit l'un d'eux; mais cherchez-la plus bas,
Suivez le fil de la rivière.

Un autre repartit: Non, ne le suivez pas,
Rebroussez plutôt en arrière :

Quelle que soit la pente et l'inclination
Dont l'eau par sa course l'emporte,
L'esprit de contradiction

L'aura fait flotter d'autre sorte.

Cet homme se raillait assez hors de saison.
Quant à l'humeur contredisante,

Je ne sais s'il avait raison :

Mais, que cette humeur soit ou non
Le défaut du sexe et sa pente,
Quiconque avec elle naîtra

Sans faute avec elle mourra,
Et jusqu'au bout contredira,
Et, s'il peut, encore par-delà

XXVIII.

Le Berger et la Mer.

Du rapport d'un troupeau, dont il vivait sans soins,
Se contenta longtemps un voisin d'Amphitrite.
Si sa fortune était petite,

Elle était sûre tout au moins.

A la fin, les trésors déchargés sur la plage
Le tentèrent si bien, qu'il vendit son troupeau,
Trafiqua de l'argent, le mit entier sur l'eau.
Cet argent périt par naufrage.

Son maître fut réduit à garder les brebis,
Non plus berger en chef comme il était jadis
Quand ses propres moutons paissaient sur le rivage :
Celui qui s'était vu Coridon ou Tircis,

Fut Pierrot, et rien davantage.

Au bout de quelque temps il fit quelques profits,
Racheta des bêtes à laine;

Et comme un jour les vents, retenant leur haleine,
Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux :
Vous voulez de l'argent, ô mesdames les Eaux,
Dit-il; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre :
Ma foi! Vous n'aurez pas le nôtre.

Ceci n'est pas un conte à plaisir inventé.
Je me sers de la vérité

Pour montrer, par expérience,
Qu'un sou, quand il est assuré,

Vaut mieux que cinq en espérance;

Qu'il se faut contenter de sa condition;
Qu'aux conseils de la mer et de l'ambition
Nous devons fermer les oreilles.

Pour un qui s'en louera, dix mille s'en plaindront.
La mer promet monts et merveilles :
Fiez-vous-y; les vents et les voleurs viendront.

XXIX.

L'Ane et le petit Chien.

Ne forçons point notre talent :
Nous ne ferions rien avec grâce.
Jamais un lourdaud, quoiqu'il fasse,
Ne saurait passer pour galant.

Peu de gens, que le Ciel chérit et gratifie,
Ont le don d'agréer infus avec la vie.

C'est un point qu'il leur faut laisser,
Et ne pas ressembler à l'âne de la fable,
Qui, pour se rendre plus aimable

Et plus cher à son maître, alla le caresser.
Comment! disait-il en son âme,

Ce chien, parce qu'il est mignon,

Vivra de pair à compagnon
Avec monsieur, avec madame :
Et j'aurai des coups de bâton!
Que fait-il? il donne la patte,

Puis aussitôt il est baisé :

S'il en faut faire autant afin qu'on me flatte,
Cela n'est pas bien mal-aisé.

Dans cette admirable pensée,

Voyant son maître en joie, il s'en vient lourdement,
Lève une corne tout usée,

La lui porte au menton fort amoureusement,
Non sans accompagner, pour plus grand ornement,
De son chant grâcieux cette action hardie.
Oh! oh! quelle caresse! et quelle mélodie!
Dit le maître aussitôt. Hôla, Martin-bâton !
Martin-baton accourt; l'âne change de ton,
Ainsi finit la comédie.

XXX.

Le Geai paré des plumes du Paon.

Un paon muait un geai prit son plumage;
Puis après se l'accommoda;

Puis parmi d'autres paons tout fier se panada,
Croyant être un beau personnage.

Quelqu'un le reconnut: il se vit bafoué,

« PreviousContinue »