Que l'une de nous deux de sa mort soit coupable, (à Antiochus.) Seigneur, c'est un moyen de vous être bien chère Où fuirois-je de vous après tant de furie, Je verrois?... Mais, seigneur, vous ne m'écoutez pas! ANTIOCHUS. Non, je n'écoute rien; et dans la mort d'un frère Je ne veux me garder ni d'elle ni de vous. Se fait bientôt connoître en achevant sur moi, RODOGUNE, l'empêchant de prendre la coupe. Donnez. ANTIOCHUS. Vous m'arrêtez en vain : RODOGUNE. Ah! gardez-vous de l'une et l'autre main! Cette coupe est suspecte, elle vient de la reine; Craignez de toutes deux quelque secrète haine. CLÉOPATRE. Qui m'épargnoit tantôt ose enfin m'accuser! RODOGUNE. De toutes deux, madame, il doit tout refuser. CLÉOPATRE, prenant la coupe. ANTIOCHUS, prenant la coupe de Cléopâtre après qu'elle à bu, RODOGUNE. Seigneur, voyez ses yeux Déjà tout égarés, troublés, et furieux, Cette affreuse sueur qui court sur son visage, Cette gorge qui s'enfle. Ah! bons dieux! quelle rage! Pour vous perdre après elle, elle a voulu périr. ANTIOCHUS, rendant la coupe à Laonice. N'importe, elle est ma mère, il faut la secourir. CLEOPATRE. Va, tu me veux en vain rappeler à la vie; Et, pour vous souhaiter tous les malheurs ensemble, ANTIOCHUS. Ah! vivez pour changer cette haine en amour. CLEOPATRE. Je maudirois les dieux s'ils me rendoient le jour. SCÈNE V. (Elle s'en va, et Laonice lui aide à marcher.) RODOGUNE, ANTIOCHUS, ORONTE, TIMAGÈNE, TROUPE DE PARTHES ET DE SYRIENS. ORONTE. Dans les justes rigueurs d'un sort si déplorable?, Ici Corneille a supprimé les vers suivants : Je n'aimois que le trône, et de son droit douteux Ne m'a point écoutée, et je l'en ai puni. J'ai cru par ce poison en faire autant du reste; Mais sa force trop prompte à moi seule est funeste. Règne; de crime en crime, etc. • L'ambassadeur Oronte n'a joué dans toute la pièce qu'un rôle insipide et il finit l'acte le plus tragique par les plus froids compliments. (Voltaire.) Il vous a préservé, sur le point de périr, Du danger le plus grand que vous puissiez courır; ANTIOCHUS. Oronte, je ne sais, dans son funeste sort, Qui m'afflige le plus, ou sa vie, ou sa mort; L'une et l'autre a pour moi des malheurs sans exemple : Plaignez mon infortune. Et vous, allez au temple Y changer l'allégresse en un deuil sans pareil, La pompe nuptiale en funèbre appareil; Et nous verrons après, par d'autres sacrifices, FIN DE RODOGUNE, EXAMEN DE RODOGUNE. Le sujet de cette tragédie est tiré d'Appian Alexandrın, dont voici les paroles, sur la fin du livre qu'il a fait des Guerres de Syrie « Démétrius, surnommé Nicanor, entreprit la guerre >> contre les Parthes, et vécut quelque temps prisonnier dans la >> cour de leur roi Phraates, dont il épousa la sœur, nommée » Rodogure. Cependant Diodotus, domestique des rois précé>>dents, s'empara du trône de Syrie, et y fit asseoir un Alexan» dre, encore enfant, fils d'Alexandre le bâtard et d'une fille de » Ptolémée. Ayant gouverné quelque temps comme tuteur sous » le nom de ce pupille, il s'en défit, et prit lui-même la cou>> ronne sous un nouveau nom de Tryphon qu'il se donna. An» tiochus, frère du roi prisonnier, ayant appris sa captivité à >> Rhodes et les troubles qui l'avoient suivie, revint dans la Syrie, » où, ayant défait Tryphon, il le fit mourir. De là, il porta ses >> armes contre Phraates, et, vaincu dans une bataille, il se tua >> lui-même. Démétrius, retournant en son royaume, fut tué par >> sa femme Cléopâtre, qui lui dressa des embûches sur le che» min, en haine de cette Rodogune qu'il avoit épousée, dont elle >> avoit conçu une telle indignation, qu'elle avoit épousé ce » même Antiochus, frère de son mari. Elle avoit deux fils de » Démétrius, dont elle tua Séleucus, l'aîné, d'un coup de flèche, » sitôt qu'il eut pris le diadème après la mort de son père, soit » qu'elle craignît qu'il ne la voulût venger sur elle, soit que la >> même fureur l'emportât à ce nouveau parricide. Antiochus » son frère lui succéda, et contraignit cette mère dénaturée de » prendre le poison qu'elle lui avoit préparé. » Justin, en son trente-sixième, trente-huitième et trente-neuvième livre, raconte cette histoire plus au long, avec quelques autres circonstances. Le premier des Machabées, et Josèphe, au treizième des Antiquités judaïques, en disent aussi quelque chose qui ne s'accorde pas tout-à-fait avec Appian. C'est à lui que je me suis attaché pour la narration que j'ai mise au premier acte, et pour l'effet du cinquième, que j'ai adouci du côté d'Antiochus. J'en ai dit la raison ailleurs. Le reste sont des épisodes d'invention, qui ne sont pas incompatibles avec l'histoire, puisqu'elle ne dit point ce que devint Rodogune après la mort de Démétrius, qui vraisemblablement l'amenoit en Syrie prendre possession de sa couronne. J'ai fait porter à la pièce le nom de |