C CHANT PREMIER 'EST envain qu'au Parnasse un temeraire auteur Pense de l'art des vers atteindre la hauteur; S'il ne sent point du Ciel l'influence secrete, Si son astre en naissant ne l'a formé poëte, Dans son genie étroit il est toûjours captif: Pour lui Phébus est sourd, et Pégaze est retif. O vous donc qui, brûlant d'une ardeur perilleuse, Courez du bel esprit la carriere épineuse, N'allez pas sur des vers sans fruit vous consumer, Ni prendre pour genie une amour de rimer. Boileau. II. I 2:12305 Craignez d'un vain plaisir les trompeuses amorces, Quelque sujet qu'on traite, ou plaisant ou sublime, La rime est une esclave, et ne doit qu'obeïr. Au joug de la raison sans peine elle fléchit, 1. Saint Amand, auteur du Moïse sauvé. Mais, lors qu'on la neglige, elle devient rebelle, La pluspart, emportez d'une fougue insensée, Toûjours loin du droit sens vont chercher leur pensée. Ils croiroient s'abaisser, dans leurs vers monstrueux, S'ils pensoient ce qu'un autre a pû penser comme eux. Evitons ces excez. Laissons à l'Italie De tous ces faux brillans l'éclatante folie. Tout doit tendre au bon sens; mais, pour y parvenir, Pour peu qu'on s'en écarte, aussi-tost on se noye : 1. Vers de Scuderi. Fuyez de ces auteurs l'abondance sterile, Et ne vous chargez point d'un détail inutile. Qui ne sçait se borner ne sceut jamais écrire. L'un n'est point trop fardé, mais sa muse est trop nuë Envain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme. Heureux qui, dans ses vers, sçait d'une voix legere Quoy que vous écriviez, évitez la bassesse. |