Aujourd'huy me fait la loy?
Chastes nymphes du Permesse, N'est-ce pas vous que je voy? Accourez, troupe sçavante; Des sons que ma lyre enfante Ces arbres sont réjoüis. Marquez-en bien la cadence; Et vous, vents, faites silence : Je vais parler de Louis.
Dans ses chansons immortelles, Comme un aigle audacieux, Pindare, étendant ses aisles, Fuit loin des vulgaires yeux.
Mais, ô ma fidele lyre,
Si, dans l'ardeur qui m'inspire, Tu peux suivre mes transports, Les chesnes des monts de Thrace N'ont rien oui que n'efface La douceur de tes accords.
Est-ce Apollon et Neptune Qui sur ces rocs sourcilleux Ont, compagnons de fortune, Basti ces murs orgueilleux? De leur enceinte fameuse La Sambre, unie à la Meuse, Deffend le fatal abord,
Et, par cent bouches horribles, L'airain sur ces monts terribles Vômit le fer et la mort.
Dix mille vaillans Alcides, Les bordant de toutes parts, D'éclairs au loin homicides Font petiller leurs remparts; Et dans son sein infidele, Par tout la terre y recele
Un feu prest à s'élancer,
Qui, soudain perçant son goufre,
Ouvre un sepulchre de soufre A quiconque ose avancer.
Namur, devant tes murailles, Jadis la Grece eust, vingt ans, Sans fruit veu les funerailles De ses plus fiers combattans. Quelle effroyable puissance Aujourd'hui pourtant s'avance Preste à foudroyer tes monts? Quel bruit, quel feu l'environne? C'est Jupiter en personne, Ou c'est le vainqueur de Mons.
N'en doute point, c'est luy-même. Tout brille en lui, tout est roy. Dans Bruxelles, Nassau, blême, Commence à trembler pour toy. Envain il voit le Batave, Desormais docile esclave, Rangé sous ses étendars; Envain au lion belgique Il voit l'aigle germanique Uni sous les leopards;
Plein de la frayeur nouvelle Dont ses sens sont agités,
A son secours il appelle Les peuples les plus vantés. Ceux-là viennent du rivage Où s'enorgueillit le Tage De l'or qui roule en ses eaux; Ceux-ci, des champs où la nége Des marais de la Norvége Neuf mois couvre les roseaux.
Mais qui fait enfler la Sambre? Sous les Jumeaux effrayés,
Des froids torrens de decembre Les champs par tout sont noyés. Cerés s'enfuit éplorée
De voir en proye à Borée Ses guerets d'épics chargés,
Et sous les urnes fangeuses Des Hyades orageuses Tous ses trésors submergés.
Déployez toutes vos rages,
Princes, vents, peuples, frimats,
Ramassez tous vos nuages,
Rassemblez tous vos soldats : Malgré vous, Namur en poudre S'en va tomber sous la foudre
Qui domta l'Isle, Courtray, Gand la superbe Espagnole, Saint Omer, Bezançon, Dole, Ypres, Mastrich et Cambray.
Mes présages s'accomplissent: Il commence à chanceler. Sous les coups qui retentissent, Ses murs s'en vont s'écrouler. Mars en feu, qui les domine, Soufle à grand bruit leur ruine, Et les bombes, dans les airs Allant chercher le tonnerre, Semblent, tombant sur la terre, Vouloir s'ouvrir les enfers.
Accourez, Nassau, Baviere, De ces murs l'unique espoir; A couvert d'une riviere, Venez, vous pouvez tout voir. Considerez ces approches, Voyez grimper sur ces roches Ces athletes belliqueux;
Et, dans les eaux, dans la flâme, Louis, à tout donnant l'ame,
Marcher, courir avecque eux.
« PreviousContinue » |